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Si 2020 a marqué un tournant dans l’essor des véhicules électriques, les infrastructures nécessaires à leur recharge ne semblent pas avancer à la même vitesse. Le territoire français est certes déjà équipé de plus de 30.000 bornes de recharge publiques, mais ce maillage n’est plus adapté ni en qualité ni en quantité pour faire face au boom des véhicules électriques et assurer ainsi la décarbonation des déplacements de nos concitoyens, cruciale au regard des enjeux climatiques et environnementaux.
Comment dès lors relever le défi du développement du parc de bornes de recharge, condition sine qua non de celui du marché des véhicules électriques ? Décryptage.
Le changement climatique, la lutte contre la pollution urbaine, la pacification de la circulation sont des enjeux majeurs de l’avenir du transport. Si le report modal, le développement des transports collectifs et celui des mobilités douces comme le vélo électrique apportent une première réponse, la voiture restera un mode dominant pour le déplacement des personnes. Dès lors une réponse essentielle aux défis environnementaux est celui du verdissement des flottes, de l’éviction progressive des motorisations utilisant de l’énergie fossile (essence, diésel) avec l’émergence de nouvelles motorisations utilisant des énergies beaucoup plus propres, comme le biogaz (bioGNV), l’hydrogène, et bien sûr les motorisations électriques avec batteries. Pour les véhicules légers, c’est bien cette dernière technologie (en véhicules 100% électrique ou hybrides rechargeables) qui s’impose aujourd’hui très largement comme l’alternative aux carburants pétroliers.
Ces ambitions sont restées très limitées jusqu’en 2019 avec un taux de ventes de véhicules électriques qui a longtemps stagné autour de 1% des ventes neuves. Les quelques modèles disponibles présentaient pour la plupart des autonomies assez réduites (100 à 150km). Mais la réglementation européenne a imposé au 1er janvier 2020 aux constructeurs automobiles une réduction drastique des émissions moyennes de CO2 des véhicules vendus, sous peine de très fortes amendes (de plusieurs centaines de millions d’euros pour des gros constructeurs). L’Etat s’est fixé quant à lui des objectifs ambitieux à court terme pour atteindre la transformation complète du parc de véhicules ainsi que le développement des infrastructures de recharge :
A compter du début 2020, l’offre de véhicules électriques s’est fortement étoffée chez les constructeurs, avec des performances (notamment en matière d’autonomie qui peut atteindre 300 à 400km voire plus) permettant une utilisation assez large de ces véhicules. Les pouvoirs publics ont accompagné cette offre avec des subventions élevées pour les véhicules afin de les rendre abordables. Les ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables ont ainsi atteint le niveau record de 10% dès l’année 2020 et continuent de croitre en 2021. Et ce n’est qu’un début, l’Europe vise aujourd’hui la fin des ventes de véhicules thermiques neufs en 2040.
Mais de nombreux obstacles demeurent pour que cette croissance puisse encore s’accélérer.
Un enjeu majeur est celui de la recharge électrique. Tant que le parc était très limité, et les véhicules de faible autonomie, l’équipement en bornes de recharge performantes et fiables ne revêtait pas une telle importance même si le pays compte plus de 30 000 points de charge publics. Seul le réseau développé par Tesla (qui vendait déjà des voitures avec une autonomie importante) présentait un maillage national cohérent, et une expérience utilisateur de qualité, mais n’était accessible qu’aux propriétaires de Tesla.
Aujourd’hui il parait nécessaire et urgent de compléter ce réseau et de déployer des systèmes de bornes de recharge efficaces, fiables, totalement interopérables, simples d’usage et pouvant réellement répondre à tous les cas d’usage et des besoins des automobilistes.
Plusieurs cas d’usage nécessitent une réponse pour pouvoir rassurer les automobilistes et leur présenter toutes les assurances nécessaires pour un usage sans couture.
Pour la recharge au domicile ou au bureau, de nombreux cas de figure se présentent et il faut pouvoir tous les adresser.
Lorsque le domicile ou/et le lieu de travail ne sont pas équipés de parking, l’usager doit pouvoir avoir accès à des solutions de recharge fiables et récurrentes sur la voie publique. C’est donc aux autorités publiques de pouvoir proposer des solutions. A Saint-Etienne (sur l’exemple d’Amsterdam), la ville a passé un contrat avec un opérateur. Lorsqu’un usager fait une demande, la ville doit fournir un emplacement proche de sa résidence qui sera équipé par l’opérateur pour de la recharge lente. La place n’est pas privative, mais réservée aux véhicules électriques. Dans les zones résidentielles, le nombre de places ainsi équipées doit correspondre au nombre de véhicules électrique détenus par les résidents. Une alternative est de proposer des « hubs de recharge » semi rapides (quelques heures) ou ultra-rapides (30 mn à 1 h) sur foncier public ou privé qui seront utilisés comme de véritables stations-services.
Il est également nécessaire d’équiper le territoire de bornes à usage occasionnel ou opportuniste. Il s’agit d’avoir un réseau de bornes de recharge qui maille le territoire de façon suffisamment dense mais aussi bien réparti en fonction des zones où les automobilistes peuvent stationner (zones commerciales par exemple). Ces bornes peuvent avoir principalement deux usages :
Ce réseau revêt ainsi un caractère assurantiel : l’automobiliste sait qu’il pourra facilement se recharger partout en cas de besoin, même si de facto, l’essentiel du temps sa recharge à domicile couvrira très largement ses besoins.
Pour ces réseaux territoriaux, il y a une obligation pour les grandes surfaces d’équiper leurs parkings et certains comme Carrefour ont déjà pris des accords avec des opérateurs pour mettre en place ces équipements. Ces grands fonciers privés sont aussi des lieux où l’on peut développer une offre de recharge très haute puissance (permettant une recharge très rapide) à destination notamment de gros rouleurs en zone urbaine qui ont besoin de se recharger assez rapidement (par exemple des VTC ou des taxis). Mais les collectivités doivent également se doter d’un Schéma Directeur IRVE (SDIRVE) dont les modalités viennent d’être publiée par décret. Elles devront ensuite le mettre en œuvre selon des modalités qu’elles pourront choisir.
La Banque des Territoires les accompagne en proposant de cofinancer ces études de SDIRVE et en apportant des outils de financement (fonds propres ou quasi-fonds propres) pour les entités en charge de les déployer.
Enfin le dernier maillon de ce réseau est l’équipement des grands axes de circulation longue distance et bornes de recharge ultra-rapides (30 mn pour faire un plein), qui permettent aux automobilistes de réaliser de longs trajets. Le réseau national est aujourd’hui très peu équipé, avec un réseau ancien qui a été arrêté pour des raisons techniques. L’Etat a fixé en avril 2021 des obligations aux concessionnaires autoroutiers et des conditions d’octroi de subvention y compris sur le grand réseau national afin d’accélérer le déploiement des installations de recharge. Les objectifs fixés permettront de bien mailler tous les grands axes (essentiellement sur toutes les stations-services déjà en concession) sur un horizon 2022 – 2023.
Après avoir contribué aux études sur ce réseau national, la Banque des Territoires propose également des outils de financement pour accompagner ces projets.
Le cadre institutionnel est en place et les outils de subventions et de financement sont disponibles, mais leur mise en œuvre massive et rapide reste un grand défi.
De nombreuses subventions existent pour financer les bornes destinées à ces différents cas d’usage, mais les modèles économiques restent très incertains en cette période d’émergence de la mobilité électrique. L’installation de ces bornes de recharge sur la voirie publique peut être très rapide. Mais comme ces déploiements se font dans le cadre de décisions publiques, elles nécessitent souvent un long temps de procédure (souvent dans le cadre de la commande publique, de concession etc.) et les travaux nécessaires pour le raccordement sur le réseau électrique peuvent également durer longtemps.
Toutes les énergies, privées et publiques doivent être mobilisées sans retard pour que l’infrastructure de recharge soit au rendez-vous du formidable défi de la voiture électrique.