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2020 fut une année noire dans le secteur des transports à la suite de la pandémie mais l'Union Européenne cherche à faire rebondir ce secteur. L’année 2021 pourrait devenir celle du lancement d’actions et propositions pour la reconnaissance du ferroviaire en Europe comme un acteur majeur du réseau de transports. La Commission européenne a en effet désigné 2021 comme « l’Année européenne du rail », qui prendra fin officiellement le 7 octobre prochain à Paris.
L’exercice doit contribuer à faire du transport ferroviaire l’acteur prédominant d’une mobilité européenne propre. Les enjeux sont doubles pour l’UE : le Pacte vert européen (Green Deal) et la numérisation constitueront des vecteurs essentiels de la transformation des transports dans la période de l’après-Covid19 alors que la pandémie elle-même a déjà modifié considérablement la mobilité et son usage par les citoyens.
Jusqu’ici, la politique de réseaux transeuropéens de transport a toujours servi de tremplin ou de soutien à de grands projets dans les pays membres, tels que le pont Oresund entre le Danemark et la Suède, la connexion à grande vitesse Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres, le projet Rail Baltica (de Tallinn à Varsovie), le tunnel du Fehmarn Belt ou le tunnel de base du Brenner pour n’en citer que quelques-uns. L’Année européenne du rail doit continuer à amplifier cette dynamique forte de soutien à l’extension du système ferroviaire de notre continent. Pour ce faire, le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe II (adopté en mars 2021) envisage une extension des actuels corridors de réseau central pour passer d’environ 49 à 58 000 km (dans l’UE), les principaux tronçons ajoutés l’étant en France (Bordeaux-Toulouse-Narbonne ; Nantes-Tours-Dijon ; Nantes-Cork (Irlande) ; Marseille-Ventimille) mais aussi en Espagne, en Pologne, en Finlande et en Suède.
Le rail européen a cependant plusieurs défis structurels à relever pour les prochaines années.
Premièrement, il est important de noter que la part du transport ferroviaire dans les émissions de gaz à effets de serre est très faible (0,4%), contrairement à la route (passagers et marchandises), qui constitue le principal contributeur et dont la part représente plus de 70% des émissions de gaz à effets de serre du secteur des transports. Ce chiffre s’inscrit dans un contexte où les institutions européennes se sont fixé l’objectif d’une réduction des gaz à effets de serre d’au-moins 55% d’ici à 2030 et de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050. D’importants investissements sont d’ores et déjà annoncés dans les différents plans de relance des pays européens. Sur le front du climat un fait décisif à relever : le ferroviaire n’a pas un problème de décarbonisation mais d’attractivité.
Afin d’améliorer ce manque vis-à-vis des usagers et pour concurrencer le transport individuel, le rail européen devrait notamment favoriser l’interconnexion et la relance en cours des trains de nuit entre les grandes villes (sujet très mobilisateur et médiatisé), s’assurer d’une plus grande fiabilité et ponctualité des trains, intégrer les nouveaux modes de transports (place des vélos par exemple) ou encore encourager la connectivité régionale, qui est souvent limitée dans certains pays membres de l’Union.
Deuxièmement, les services de rail du continent européen emploient plus de 916 000 personnes. Au cours des dernières années, le nombre de jeunes employés dans ce secteur a lentement augmenté mais le vieillissement de la main d’œuvre reste problématique - tout comme le fait qu’il s’agisse d’employés essentiellement masculins. Dans cette optique, l’accélération de l’innovation dans le transport ferroviaire, associé à une bonne gestion de la transition, contribuera à renforcer l’attractivité du rail, non seulement pour les usagers mais aussi en tant que futur employeur. La numérisation du secteur (notamment la signalisation) peut être une chance dans une amélioration de la gestion du trafic.
Troisièmement, il ne faut pas sous-estimer que l’évolution du rail européen s’inscrit dans un contexte plus large. Il s’agit d’être attentif aux divers modes de financement des moyens de nos voisins. Les règles européennes relatives aux aides d’Etat dans le domaine ferroviaire sont en cours de révision et devraient aussi contribuer à l’émergence d’un nouveau mode des transports dans la période post-Covid19. L’Europe dispose dans ce domaine de l’une des industries les plus performantes et les plus compétitives au monde (fabrication de locomotives et de matériel roulant, voies, électrification, équipements de signalisation et de télécommunication, pièces détachées, services), et l’accès au marché des équipementiers européens dans d’autres pays et régions est d’une importance stratégique. La crise de la Covid19 a enfin révélé l’importance de la continuité des chaînes d’approvisionnement en Europe. Pour toutes ces raisons, le rail européen doit également se prémunir contre la concurrence déloyale du reste du monde et se préparer à être plus résilient face aux potentielles crises afin d’éviter les ruptures de chaînes d’approvisionnement. Le réseau européen doit pouvoir également se préparer aux menaces hybrides (par exemple le terrorisme) et à la nécessité de lutter contre les effets du changement climatique.
2021 peut se révéler une année charnière pour le ferroviaire en Europe. Le rail n’a plus à prouver sa valeur comme mode de mobilité apprécié par les citoyens. Le prix, la ponctualité et l’offre restent des éléments décisifs dans le choix du mode de transports. Les pistes sont donc nombreuses à réaliser pour faire préférer le train aux Européens dans les prochaines années.
L’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts soutient les travaux de l’Institut Jacques Delors. Dans ce cadre est paru le Policy paper « Faire préférer le train aux Européens ».
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