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La transition écologique, pour être effective, requiert des investissements massifs dans les infrastructures et les bâtiments publics. Ces investissements doivent répondre aux enjeux de décarbonation, d'adaptation au changement climatique et de préservation de la biodiversité. Compte tenu du contexte budgétaire, il est opportun de chercher à réduire les besoins de financement de ces dépenses, estimées à plusieurs dizaines de milliards d'euros supplémentaires par an, par les fonds publics, en mobilisant autant que possible les capitaux privés, dans une logique partenariale.

Un mur d’investissement à surmonter

Les investissements dans les infrastructures ne sont aujourd’hui pas à la hauteur des besoins pour assurer la transition écologique. Loin de là.  Les principaux besoins en investissement concernent :

  • Les transports : les routes et autoroutes doivent être transformées pour accueillir des mobilités « propres » (avec des bornes de recharge électrique, une meilleure connexion intermodale et une meilleure intégration à l’environnement), le réseau ferroviaire régénéré et développé, les aéroports convertis en « hubs multimodaux » ;
  • L’énergie : des installations de production d’énergie renouvelable (photovoltaïque, éolienne, etc.) et des centrales nucléaires doivent être déployées et les réseaux électriques renforcés et étendus pour accompagner l’électrification, la production, le transport et la distribution d’hydrogène ou de biogaz amplifiés, les réseaux de chaleur décarbonés ;
  • L’eau et l’assainissement : les usines de traitement et réseaux d’eau nécessitent d’être modernisés pour assurer l’accès à une eau de qualité dans un contexte de stress hydrique de plus en plus fort ;
  • Les bâtiments publics, eux aussi, nécessitent des transformations majeures pour répondre aux nouvelles normes énergétiques et climatiques. Les coûts associés à ces transformations s’élèvent à près de 10 milliards d'euros par an.

Au total, les investissements à réaliser seraient de l’ordre de 30 Mds€ supplémentaires par an d’ici à 2030, hors adaptation.

Quelle doctrine pour financer ?

Pour faire face à ce mur d’investissement, nous plaidons pour un financement qui s’appuie sur un mix public-privé. Il s’agit, pour la puissance publique, d’une part, de mobiliser le financement privé autant que possible et dans le respect de l’intérêt général, afin de réduire les besoins de financement public, et, d’autre part, de trouver de nouvelles sources de financement pour répondre aux besoins de financement public – qui resteront, dans tous les cas, très élevés.

L’exploitation du potentiel du financement privé des infrastructures passe par trois grands leviers :

  • Le modèle de la concession, qui permet de faire financer l’investissement par l’utilisateur et en s’appuyant sur des entreprises spécialisées, dans un cadre défini et contrôlé par la puissance publique, sans peser sur les finances publiques ;
  • Les autres formes de partenariat-public-privé (PPP), qui font appel au contribuable mais peuvent permettre un préfinancement par le secteur privé et instaurer un partage des risques efficace ;
  • L’effet multiplicateur des fonds publics, pour attirer des capitaux privés dans des secteurs pas encore matures, très risqués ou à rentabilité faible, grâce à des subventions, des prêts ou des garanties.

Pour répondre aux besoins de financement des infrastructures et bâtiments publics qui resteront publics, en centrant la réflexion sur le périmètre des infrastructures, cinq axes peuvent être mis en avant : l’augmentation du recours aux financements européens, la réforme de la fiscalité énergétique, la mise à contribution des énergéticiens via les certificats d’économie d’énergie, la captation de la valeur créée par les nouvelles infrastructures et la meilleure valorisation du patrimoine public foncier et financier.

Améliorer la gestion déléguée en tenant compte des impératifs écologiques

Il est nécessaire de tenir compte des critiques dont fait parfois l’objet la gestion déléguée pour assurer les conditions de réussite de l’investissement privé dans les infrastructures et bâtiments publics.

A cette fin, il convient de :

  • Réarmer la puissance publique pour garantir l’intérêt général en renforçant notamment la planification, la programmation et la définition des besoins mais également en renforçant l’exercice du pouvoir de contrôle de la puissance publique, ce qui suppose une montée en compétences. Enfin, il convient de tirer parti de la mise en concurrence des projets ou, à défaut, de renforcer la régulation pesant sur le partenaire privé ;
  • Lever certains obstacles pour faciliter les investissements en simplifiant et en standardisant les contrats, en supprimant l’interdiction du paiement différé à des fins écologiques, en renforçant la mutabilité des contrats pour verdir et adapter les infrastructures et bâtiments existants et en garantissant le respect de l’équilibre des contrats ;
  • Repenser la tarification pour assurer une « transition juste ».  Dans le contexte de transition écologique, la tarification des infrastructures – sur laquelle a vocation à reposer leur financement – doit relever un triple défi : concilier exigence de sobriété et financement par l’utilisateur, assurer une nouvelle péréquation et intégrer les enjeux sociaux et d’acceptabilité, absolument essentiels dans un contexte de crise et de tension sur le pouvoir d’achat.

Conclusion

La transition écologique ne se fera pas sans une transformation des infrastructures. Cette transformation requiert des investissements massifs à engager dans un délai très court. 

Pour financer cette transformation, une approche partenariale entre le secteur public et le secteur privé est indispensable. Il s’agit, pour l’Etat et les collectivités publiques, de chercher à mobiliser les financements privés pour réduire les besoins de financements publics. Cette mobilisation doit, naturellement, se faire dans un sens conforme à l’intérêt général, et tenant compte des impératifs de la transition écologique.

Les outils existent mais doivent être améliorés et modernisés. Alors que l’urgence écologique est chaque jour plus pressante, il est plus que temps de mobiliser les financements disponibles au niveau européen, national ou local, dans le cadre d’une stratégie globale et de long terme, déclinée et adaptée à chaque projet.

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Cet article est issu du rapport sur la transition écologique et le financement des infrastructures rédigé pour Terra Nova par le groupe de travail suivant :

  • Benoît Thirion, avocat
  • Cécile Fontaine, cheffe du département des Affaires publiques et juridiques de la FNCCR,
  • Hélène Hoepffner, professeur agrégée de droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,
  • Emmanuel Pélisson, président de Finance Consult,
  • Stéphane Saussier, professeur de sciences économiques à l'IAE Paris-Sorbonne et directeur de la Chaire Économie des Partenariats Public-Privé.

La Caisse des Dépôts soutient, via l’Institut pour la recherche, les travaux de Terra Nova, think tank progressiste indépendant qui produit et diffuse des solutions politiques innovantes en France et en Europe.