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Pour « répondre aux préoccupations des consommateurs qui ne souhaitent pas acheter des produits issus du travail forcé ou détruisant l’environnement »[1] , la Commission européenne a mis sur la table en février dernier un projet de directive pour imposer un devoir de vigilance aux grandes entreprises. Cette directive a pour objectif de garantir que les activités des grandes entreprises respectent les droits humains et environnementaux à tous les maillons de leurs chaînes de valeur.
En France ou encore en Norvège et en Allemagne, des obligations similaires existent déjà [2]. Mais une harmonisation européenne est apparue comme nécessaire pour éviter les disparités entre les Etats membres et ainsi diminuer plus efficacement encore les risques environnementaux et sociaux liés aux activités des entreprises européennes, dans un contexte où les salariés, les clients et les investisseurs y portent une attention croissante.
La directive européenne s’appliquerait à ce stade aux grandes entreprises [3] et aux entreprises de taille moyenne [4] opérant dans des secteurs à risque parmi lesquels le textile, l’agriculture, la sylviculture, la pêche, ou encore l’extraction de ressources minérales. Au total, environ 13 000 entreprises européennes et 4 000 de pays tiers opérant dans l'UE seraient ainsi concernées. Les institutions de crédit et d’assurance sont également inclues dans le champ d’application de la directive.
Si le texte ne concernerait pas les PME, ces dernières pourraient être indirectement touchées par les obligations qui incomberaient aux grandes entreprises à travers leurs chaînes de valeur.
La Commission imposerait aux entreprises désignées de mettre en place des mesures de prévention des atteintes aux droits humains et à l'environnement commises dans l’ensemble de leur chaîne de valeur, que ce soit par leurs filiales, leurs fournisseurs ou leurs sous-traitants directs et indirects. En cas de manquement, leur responsabilité pourrait être engagée, et elles pourraient être tenues d'indemniser les communautés affectées. Ces atteintes aux droits humains et à l’environnement sont définies à partir des Accords internationaux sur les droits de l’Homme ainsi que des Conventions internationales environnementales.
Les institutions de crédit et d’assurance seraient pour leur part tenues d’identifier les risques sur l’environnement et les droits humains avant d’octroyer leurs financements.
Les grandes entreprises auraient également l’obligation de présenter un plan de transition garantissant que leur stratégie commerciale est compatible avec la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C, conformément aux Accords de Paris. Ce plan de transition devrait être pris en compte dans la rémunération des administrateurs d’une entreprise qui bénéficient d'une rémunération variable.
Cette directive s’articulera avec d’autres législations européennes, notamment en matière de finance durable. En effet, les obligations de cette directive, telles que celle de présenter un plan de transition, font l’objet du reporting imposé par la directive à venir sur le reporting durable des entreprises (CSRD). La directive sur le devoir de vigilance pourra également influencer le contenu de la Taxonomie sociale, projet envisagé par la Commission européenne dans la suite de la Taxonomie verte.
Ce texte n’est qu’à l’état de projet puisqu’il doit désormais être adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à travers le processus législatif de la codécision.
La France, qui assure la présidence du Conseil de l’Union européenne jusqu’à fin juin 2022 a dit sa volonté de favoriser autant que possible l’aboutissement de la discussion.
Une fois adoptée, la directive pourra alors entrer en vigueur pour que s’engagent les processus de transposition dans chaque Etat membre.
[1] Věra Jourová, Commissaire européenne aux Valeurs et à la Transparence, 23.02.2022
[2] Depuis 2017, une loi sur le devoir de vigilance oblige en France les grandes entreprises à contrôler les agissements de leurs chaines de sous-traitance.
[3] de plus 500 salariés en moyenne et dont le chiffre d’affaire est supérieur à 150M €.
[4] de plus de 250 salariés et donc le chiffre d’affaires est supérieur à 40M €.