Le concept « One Health » nous invite à considérer la santé en adoptant une vision holistique dans lequel s’entremêle la santé humaine, et celle des animaux et de l’environnement. Dans cette perspective, elle se doit d’être questionnée même en l’absence de maladie, en englobant l’ensemble des facteurs qui façonnent notre existence. Nos conditions de vie (habitat, mobilité, qualité de l’air et de l’eau, biodiversité, accès à la nature, etc.) s’affirment comme des déterminants fondamentaux de notre santé collective.

C'est précisément à cette intersection que les décideurs publics locaux occupent une position stratégique irremplaçable pour agir sur la santé. Par leur capacité à façonner les territoires, à orienter les politiques d'aménagement et à mobiliser les parties prenantes locales, ils disposent des leviers essentiels pour orchestrer cette approche intégrée de la santé, articulant harmonieusement les dimensions humaine, animale et environnementale dans une stratégie territoriale cohérente et durable.

Quels leviers d’action pour les acteurs publics locaux ?

Dans son nouveau livre blanc, publié en avril 2025, le groupe SCET analyse les leviers d’action à disposition des acteurs publics locaux pour les inciter à mettre « la santé des habitants au cœur des politiques publiques territoriales ».

Au-delà des stratégies locales de santé dont la finalité première est l’amélioration du système de soins et l’engagement des parties prenantes (comme les Contrats Locaux de Santé), l’action territoriale peut se déployer à travers de multiples dimensions : l’aménagement d’un quartier intégrant  espaces verts et logements sains, la végétalisation des cours d’école, l’encouragement des mobilités douces et la promotion de la « marchabilité », l’amélioration du confort thermique des bâtiments, la réduction des nuisances sonores ou de la pollution, l’approvisionnement en alimentation de qualité dans les cantines scolaires, etc.

Une approche complémentaire consiste à intégrer des objectifs santé dans les documents stratégiques des collectivités - plan local de l’urbanisme (PLU), plan local de l’habitat (PLH), projet alimentaire territorial (PAT)- , ou à créer une charte de l’habitat et de la construction favorable à la santé.

Pour faciliter l’appropriation et la mise en œuvre concrète de ces concepts dans les projets territoriaux, le livre blanc explore, exemples à l’appui, plusieurs politiques territoriales à travers lesquelles les acteurs publics locaux peuvent agir positivement sur la santé des citoyens.

  • Planification stratégique : inscrire la santé dans l’ADN territorial

Le champ d’action des documents stratégiques tels que le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), le Plan Climat-Air-Energie Territorial (PCAET), le Schéma de cohérence territoriale (SCoT), ou Plan local d’urbanisme (PLU), constituent des cadres privilégiés pour intégrer une approche d’Urbanisme Favorable à la Santé (UFS). Cette approche vise à évaluer systématiquement les effets des projet d’aménagement et d’urbanisme sur la santé et l’environnement, maximisant l’exposition des populations aux facteurs de protection tout en minimisant leur contact avec les facteurs de risque.

  • Aménagement durable : façonner des territoires où il fait bon vivre

L’aménagement, en structurant l’espace public et en opérant des choix esthétiques et de fonctionnalités, est un levier concret d’action sur les déterminants de santé. Le cadre de vie quotidien des habitants a un impact direct sur leur bien-être physique et mental, que ce soit par la présence d’espaces verts, la réduction des pollutions atmosphériques et sonores, l’amélioration de la qualité esthétique urbaine, ou la création de lieux favorisant la cohésion sociale.

  • Biodiversité et nature en ville pour prévenir les risques sanitaires

La biodiversité joue un rôle clé dans la prévention des risques sanitaires. De nombreuses études mettent en évidence les co-bénéfices santé/environnement et une corrélation entre la perte de diversité biologique et l’augmentation des maladies infectieuses, notamment les zoonoses. Au-delà de cet aspect préventif, les espaces naturels contribuent à réduire le stress et l’anxiété, bénéficiant ainsi à la santé mentale, tout en encourageant l’activité physique.

Les collectivités peuvent ainsi actionner de nombreux leviers d’action : la planification urbaine avec l’intégration de trames verte et bleue dans les (PLU) ; la création de conseils locaux de la biodiversité ; l’aménagement de parcs urbains, ou d’autres espaces verts ; la gestion des réserves naturelles régionales ; la politique des espaces naturels sensibles ; ou encore la rédaction de cahiers de prescriptions architecturales et paysagères intégrant des critères environnementaux.

  • L’habitat : le logement comme déterminant de santé

L’OMS estime que 130 000 décès en Europe sont associés chaque année à des conditions de logements inadéquates. Face à ce constat, les collectivités territoriales peuvent, en complémentarité avec les bailleurs sociaux, agir sur le confort des habitations et renforcer la cohésion sociale des populations vulnérables. Leur action peut porter sur l’offre de logements, via l’élaboration des PLH ; le soutien à la construction de logements sociaux ; ou la régulation du marché locatif (encadrement des loyers, préemption).

De plus, la lutte contre le mal logement peut être menée grâce au portage de dispositifs d’amélioration de l’habitat (OPAH, permis de louer...) ; la veille et l’accompagnement des copropriétés fragiles ; des sanctions à l’encontre des logements indignes (arrêtés d’insalubrité) ; l’accompagnement des ménages en difficulté (Fonds de Solidarité Logement) ; ou encore le relogement d’urgence.

  • Les équipements publics : des infrastructures au service du bien-être collectif

Les équipements publics permettent à la population d’accéder aux services dont elle a besoin (éducation, sport, culture, santé, etc.). La façon dont ce patrimoine public est conçu, géré et rénové a un impact direct sur les déterminants de santé. Deux axes apparaissent prioritaires.

Le premier est l’accessibilité des équipements publics, pour réduire les inégalités sociales, que ce soit par un maillage territorial plus équilibré, l’accessibilité propre de chaque bâtiment, ainsi que l’inclusion des besoins spécifiques du public féminin, des personnes en situation de handicap ou encore des pratiquants de parasport.

Le second axe concerne la rénovation énergétique des bâtiments publics pour laquelle les collectivités doivent engager des opérations, qui seront autant d’occasions de repenser les infrastructures et les processus (pompes à chaleur, panneaux solaires, isolation thermique performante, systèmes favorisant la qualité de l’air, etc.). Cette rénovation concerne tout particulièrement les bâtiments scolaires (écoles, collèges et lycées), qui se révèlent souvent mal adaptés aux enjeux climatiques et très consommateurs d’énergie.

  • L’alimentation : une offre saine et de qualité

Les collectivités jouent un rôle déterminant dans la transition vers une alimentation saine et durable, en agissant sur les approvisionnements respectueux de l’environnement, les pratiques alimentaires (circuits courts, saisonnalité...) et la lutte contre le gaspillage. A ce titre, la restauration collective s’avère un espace privilégié pour offrir une alimentation saine au quotidien, mettre en place des actions d’éducation à l’alimentation, mais aussi soutenir des filières d’approvisionnement durables. De plus, le Projet Alimentaire Territorial (PAT) permet aux collectivités d’agir sur la précarité alimentaire, l’éducation à l’alimentation, la promotion de filières locales.

  • Economie de la santé : un levier de dynamisme territorial à exploiter

En France, le secteur de la santé représente environ 7 % du PIB, soit 170 milliards d’euros, et génère 2,5 millions d’emplois. La filière concerne les soins, mais également la recherche, la fabrication et la commercialisation de médicaments et dispositifs médicaux, ainsi que la formation.

Agir pour la santé contribue donc au développement de l’innovation, de l’activité économique et soutient l’emploi et la recherche. Les collectivités territoriales et leurs opérateurs peuvent agir à travers les aides à l’implantation, à l’investissement ou à l’innovation ; le soutien au développement de filières spécifiques, la structuration de domaines d’excellence et le déploiement d’offres de formations ; l’appui à la recherche en santé, aux projets collaboratifs entre acteurs académiques et industriels ; la création de campus dédiés ; ou encore l’accompagnement du parcours résidentiel des entreprises de la filière.

Trois pistes d’action pour concrétiser l’ambition d’un territoire favorable à la santé

Pour intégrer efficacement la santé dans les politiques publiques locales, le livre blanc propose trois pistes d’actions complémentaires.

Premièrement, commencer « petit, efficace et visible » avec des projets démonstrateurs simples à mettre en place et aux retombées facilement mesurables.

Deuxièmement, mobiliser les ressources existantes telles que les outils territoriaux pilotés par l’ARS, les appels à projets orientés santé portés par divers acteurs (ARS, Régions...), le partage de bonnes pratiques dispensées par des réseaux tels que le Réseau français des Villes-Santé, les guides et outils méthodologiques disponibles, ou les rencontres, formations, et prestations d’ingénierie, etc. Des financements spécifiques et adaptés peuvent exister en fonction de la nature des projets.

Enfin, s’appuyer sur les acteurs locaux pour faire de la santé un vecteur de promotion et de fierté territoriale. Pour maximiser l’impact de l’action publique, il est essentiel de dialoguer et d’agir l’ensemble des parties prenantes : habitants, acteurs de la fabrique de la ville, ARS, professionnels de santé, et autres contributeurs à l’action territoriale de santé.

 

Pour aller plus loin

 Télécharger le livre blanc  Mettez la santé des habitants au cœur de vos politiques publique territoriales