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Canopée est le modèle de microsimulation dynamique développé par la Direction des retraites et de la solidarité de la Caisse des Dépôts permettant de simuler les parcours professionnels et de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
Comme tout modèle de microsimulation dynamique pour les retraites, il peut être utilisé pour projeter la situation financière de long terme d’un régime de retraite – en l’occurrence celle de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). C’est ainsi que Canopée a été mobilisé pour les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) depuis juin 2019. De tels exercices étaient jusqu’ici réalisés à l’aide d’un modèle stock-flux considérant des comportements moyens. Avec la complexification croissante des barèmes et règles de calcul en matière de retraite, cette approche présente certaines limites et n’est plus à même de mettre en lumière la diversité des situations possibles des agents publics.
L’apport de la microsimulation est justement de considérer les situations individu par individu, et ainsi de refléter les multiplicités de cas possibles à la fois au regard de la législation retraite et au regard des carrières possibles dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Grâce à ce niveau d’analyse très fin, des analyses de redistribution sont possibles, de même que des comparaisons entre catégories d’individus : entre les femmes et les hommes, par génération, mais également d’autres typologies propres à la fonction publique comme les niveaux de catégorie hiérarchique (A, B ou C) ou bien encore les emplois exercés : infirmiers, adjoints techniques territoriaux, aides-soignants, attachés territoriaux, sapeurs-pompiers, policiers municipaux...
Cet apport de la microsimulation est précieux pour réaliser des évaluations de politiques publiques et mettre en évidence les impacts d’une réforme à la fois au niveau global (par exemple, quel impact total sur les dépenses de retraite ou sur la masse salariale ?) et au niveau individuel (combien y’a-t-il de gagnants et qui sont-ils ?).
Le modèle comprend deux étapes successives. Tout d’abord on modélise les carrières des différents individus, puis on détermine leur âge de départ à la retraite et la pension perçue.
La première étape présente une particularité importante. Elle a été développée en reproduisant au plus près les règles statutaires et les événements de la vie professionnelle d’un fonctionnaire, puisque nous nous intéressons aux titulaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Un agent entre dans la fonction publique à un certain âge et commence sa carrière à un grade donné, qui lui donne accès à des emplois. Sa trajectoire professionnelle se poursuit, avec une succession de positions statutaires possibles : en emploi, en maladie, en disponibilité, etc. À chaque situation d’activité, l’agent poursuit sa carrière, qui obéit à une logique de grilles statutaires régissant son positionnement et sa rémunération dans la fonction publique : est-il promu au grade supérieur ? voire à une catégorie hiérarchique supérieure ? ou à défaut reste-il dans le même grade ?
D’autres informations nécessaires au déroulement de la carrière et au calcul de la pension sont modélisées par ailleurs : naissance d’enfants, temps partiel, et occupation d’un emploi en catégorie active – qui est une spécificité importante de la fonction publique puisqu’elle permet des départs anticipés. Le graphique suivant représente cette étape de façon synthétique.
Schéma synthétique des biographies
E(t) désigne l’état ou position statutaire au trimestre t (en activité, congé maladie, etc.)
G(t) désigne le grade en t
I(t) désigne l’indice en t
La trajectoire professionnelle étant simulée jusqu’à des âges élevés, le départ à la retraite est déterminé dans la seconde étape. Le modèle peut faire partir les agents au taux plein ou bien encore à un âge donné en appliquant une décote ou une surcote selon la durée de carrière.
Différents types de liquidations sont possibles : départ en invalidité, départ anticipé en catégorie active comme dans le cas des aides-soignants, départ anticipé pour carrière longue pour les agents ayant commencé leur carrière avant 20 ans ou, à défaut, un départ sédentaire dans les règles de droit commun. Le modèle procède enfin au calcul des pensions jusqu’au décès de l’assuré, qui peut générer une réversion en cas de mariage.
La modélisation des carrières dans les grilles de la fonction publique est un choix structurant qui fait la spécificité et l’apport de Canopée. Son utilisation dépasse de ce fait le seul cadre de la projection en matière de retraites. Cet outil permet en effet d’apprécier plus finement la population des titulaires aussi bien quand ils sont actifs – masse salariale, structure des cotisants – que pensionnés. Il offre ainsi la possibilité d’évaluer les impacts d’une réforme statutaire ou catégorielle propre à la fonction publique, notamment une modification de grilles, du point de vue de l’employeur (quelle masse salariale et quelles dynamiques salariales ?), de l’agent (quels niveaux de rémunération et quels effets redistributifs ?), et du régime (quelles conséquences immédiates et futures sur les cotisations et sur les dépenses ?).
La modélisation, l’architecture détaillée et les multiples usages possibles de ce modèle sont l’objet du numéro 9 de Questions retraite et solidarité – Les cahiers n°9 à retrouver ici : QRS-Les cahiers N°9
Les auteurs :
Anthony Marino est administrateur de l’Insee, diplômé de l’ENSAE (Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique). Avant d’être conseiller scientifique au sein du service études et statistiques de la DRS, il a été chargé d’études à l’Insee sur le modèle de microsimulation Destinie, rapporteur pour la Commission Moreau pour l’avenir des retraites et chargé de mission au Conseil d’orientation des retraites.
Pierrick Joubert est diplômé de l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (ENSAI). Il a travaillé comme chargé d’études au sein de la direction statistiques, prospective et recherche de la CNAV avant de rejoindre la Direction des retraites et de la solidarité de la Caisse des dépôts où il est chargé d’études statistiques au sein de la Direction du développement, des études et des statistiques. Il travaille notamment sur le modèle de microsimulation, les projections de la CNRACL et la réalisation d’études économiques.
Christophe Dorin est ancien élève de l'école Polytechnique (promotion 1985). Il a travaillé comme chef de projet à la DSI de la Direction des retraites avant de rejoindre la Direction du développement, des études et des statistiques comme chargé d’études. Il travaille notamment sur le modèle de microsimulation Canopée.