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Le changement climatique fait référence à des altérations persistantes de long terme du climat mondial. Ces évolutions climatiques influencent considérablement la fréquence, l’intensité et la durée des événements météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, le niveau de la mer, les fortes précipitations, les sécheresses, les inondations et les cyclones tropicaux. Ils représentent des risques systémiques potentiels pour la durabilité de notre écosystème, des défis considérables pour l’assurabilité des populations et un enjeu majeur pour le secteur de l’assurance.

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Cette série de 4 billets se propose de dresser un constat de la situation face aux défis à venir, d’analyser les tendances lourdes porteuses de risques émergents pour les personnes et pour leurs biens à horizon 2035, de présenter l’indice actuariel climatique permettant de quantifier les risques, ainsi que ses applications en termes de gestion des risques (mutualisation, prévention).
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SOMMAIRE

  1. Le secteur de l'assurance face au défi climatique et à la hausse des coûts des sinistres 
  2. Repousser les limites de l'assurabilité : approche analytique et prospective du risque climatique 
  3.  L’indice actuariel climatique : mesure factuelle de l’évolution du risque climatique
  4. Les applications de l’indice actuariel climatique en termes de gestion des risques 

Entre 1950 et 2020, la hausse de température a été estimée à 1,1°C selon les études du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC)[1][2]. L’inventaire des multiples conséquences de la hausse de la température révèle une augmentation des événements climatiques extrêmes tels que canicules, fortes précipitations (avec inondations et glissements de terrains), sécheresses, cyclones et déstabilisation des écosystèmes. En moins de 40 ans, les vagues de chaleur en France quadruplent et durent de plus en plus longtemps : le nombre de jours de chaleur a été multiplié par 9[3]. Dans ce contexte général, le secteur de l’assurance est exposé à des enjeux économiques, politiques et sociétaux sans précédents.

L’assurance, un secteur qui s’organise face au risque climatique

L’assurance est un système organisé d’acceptation et de gestion des risques fondé sur le principe de mutualisation. L’équation économique de l’assurance sur du temps long est une combinaison entre le principe de la mutualisation et les facteurs espace-temps. Lorsque ce dispositif fait face à des risques nouveaux et / ou systémiques, comme celui du changement climatique, il doit se transformer en adaptant ses fondamentaux aux nouvelles contraintes.

Conscients du nouveau paradigme que traverse notre société, les acteurs publics et privés se mobilisent à la recherche de solutions d’évitement, de protection et d’atténuation des risques climatiques. Nombreux sont les travaux récents proposant des éléments de réponses et des pistes d’innovations face aux enjeux du changement climatique. Aussi, depuis 2020, CNP Assurances a souhaité apporter sa contribution par des publications d’intérêt général, fruits des travaux menés pars les équipes de son département de Recherche et Prospective stratégique en collaboration avec les chercheurs de la Chaire d’excellence Digita Insurance And Long term risk – DIALog[4].

En 2022, les études prospectives ont conduit à la publication d’un Cahier de la prospective sur les « Risques émergents à horizon 2035, aux frontières de l’assurabilité[5] ».  En 2024, les travaux de recherche réalisés entre 2021 et 2024 sur la construction d’indices factuels de mesure du risque climatique ont été publiés dans un Livre vert intitulé « Risque climatique et impact en assurance[6] ».

Une tendance à la hausse des coûts des sinistres liés aux événements climatiques extrêmes pour la société et les assureurs

La plupart des événements climatiques extrêmes entraînent des conséquences dévastatrices pour les populations, les biens et les infrastructures. Ils pèsent de plus en plus dans le budget des citoyens, des collectivités, des Etats et des assureurs.

En 2024, les populations d’Allemagne, et plus particulièrement du Bade-Wurtemberg et de la Bavière ont été victimes d’inondations qui ont entraîné le décès de 5 personnes, forcé l’évacuation de 3 000 habitants et nécessité la mobilisation de plus de 40 000 secouristes[7][8]. La France a également été touchée par plusieurs inondations à la suite de forts orages dans le sud-ouest et le nord-est, causant la mort de 3 personnes[9].

En 2021,pour la même raison, plus de 180 personnes avaient perdu la vie[10]. Les sinistres climatiques ont coûté 6,5 milliards d’euros aux assureurs français en 2023[11] et d’ici 2050, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) anticipe une hausse de 40% des dépenses (60% en intégrant la croissance future des assurés)[12]. Le coût élevé et l’augmentation des catastrophes menacent l’équilibre financier du régime CatNat[13].

 

Figure 1 : Coût des sinistres climatiques pour les assureurs entre 1999 et 2023

©France Assureurs – Les Echos

Entre 2015 et 2020, les réserves financières du régime CatNat sont passées de 3,85 milliards d’euros à 2,67 milliards, accusant une baisse de 40%. Le coût des sécheresses qui engendre les problèmes de retrait-gonflement est particulièrement important et continue de progresser : alors qu’il représentait 650 millions en 2016[14], il représente désormais plus de 3 milliards en 2022[15].

 

Figure 2 : Coût des catastrophes entre 1970 et 2019

©Swiss Re Institute

A l’échelle mondiale, les pertes financières liées aux catastrophes naturelles se sont élevées à 250 milliards de dollars en 2023. Toujours en 2023, un nombre record de pertes assurées dues aux conditions météorologiques extrêmes a dépassé pour plus d’un milliard de dollars.

 

Figure 3 : Coût des catastrophes entre 1970 et 2019

©Finanial Times - AON

 Des impacts sur l’environnement, l’économie, les personnes et leurs biens

Les effets du changement climatique sont indiscutables et bouleversent la vie quotidienne des citoyens. Selon les dernières informations de Météo France, l'année 2024 est en passe de devenir l'année la plus chaude jamais enregistrée en France, depuis le début des relevés réalisés en 1900. Les températures moyennes sur les six premiers mois de 2024 ont été exceptionnellement élevées, avec des anomalies thermiques significatives par rapport aux normes saisonnières. Les experts estiment que la hausse des températures relevées en 2024 pourrait surpasser le record enregistré en 2022, jusqu'alors l'année considérée la plus chaude, avec une température moyenne de 14,5°C. En outre, et en raison de l'influence continue du phénomène El Niño et des émissions de gaz à effet de serre qui contribuent à l'accélération du réchauffement, on estime à plus d’une chance sur deux que les scores de l’année 2024 atteignent ou dépassent les records précédents.

Ces conditions extrêmes ont des impacts directs et de plus en plus marqués sur les régions, les villes et les habitats. Les répercussions sont multiples et les dégâts proviennent des fortes chaleurs (toitures endommagées, matériaux déformés, installations électriques détériorées, etc.). Les dommages sont également dus à la sécheresse (fissures majeures dans les murs, affaissements de terrain menaçant la stabilité des fondations notamment), ainsi qu’aux inondations et aux tempêtes (toitures arrachées, maisons inondées, mobilier détruit).

Les événements extrêmes ont également de multiples effets secondaires sur la santé et majorent le risque de mortalité (dues à la hausse des cas de déshydratation et de pollution de l’air notamment). La canicule de 2003 a marqué les esprits avec plus de 15 000 décès en France et près de 70 000 en Europe[16][17].

Les conséquences du changement climatique ont également des effets destructifs sur la santé des populations. Les récents rapports de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)[18] sont sans appel. 3,6 milliards de personnes vivent déjà dans des zones très sensibles aux bouleversements climatiques. On parle ici de la moitié de l’humanité or, entre 2030 et 2050, le changement climatique devrait causer environ 250 000 décès supplémentaires chaque année. Les Etats doivent par conséquent se préparer et renforcer la résilience des populations face aux défis d’approvisionnement alimentaire et de sécurité de l’eau et liés aux facteurs affectant la santé humaine ; sans oublier les menaces qui pèsent sur les systèmes de transport, l’immobilier et l’économie.

Les assureurs montrent un intérêt particulier pour ces phénomènes, car ils s’amplifient du fait d’une synergie négative entre l’augmentation des événements climatiques extrêmes et le vieillissement de la population.  En France, la proportion des plus de 60 ans est passée de 20% en 2000 à plus de 27% aujourd’hui et devrait approcher les 30% en 2030 selon l’INSEE[19], l’impact de la chaleur sur la mortalité dépendant de la localisation. Par conséquent, l’intégration du réchauffement climatique dans les projections démographiques et territoriales est fondamentale pour les assureurs et pour l’élaboration de politiques publiques.

Une mobilisation de tous les acteurs face aux défis climatiques

En conclusion, le changement climatique est devenu une source majeure d’incertitude et de préoccupation pour la société en raison de l’augmentation des événements climatiques extrêmes et de leurs coûts associés. Face à ces défis, le secteur de l’assurance se mobilise pour trouver des solutions innovantes et durables. L’accroissement des coûts des sinistres liés aux événements climatiques extrêmes met en évidence la nécessité d’une action concertée. Les impacts sur l’environnement, l’économie et la santé humaine soulignent l’urgence de cette mobilisation. En France, le grand pôle financier public, constitué du groupe La Poste et du groupe Caisse des Dépôts ainsi que de leurs filiales respectives, joue un rôle crucial en soutenant la transition économique et écologique. Dans cet écosystème, CNP Assurances, assureur complet et international, mène depuis plusieurs années des actions réelles en tant qu’assureur et investisseur de premier plan pour trouver des solutions concrètes afin d’accompagner les transitions économiques, sociales et écologiques[20].

 

Références :