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17 fév. 2021

Les impacts de la crise Covid-19 en Ehpad : l’exemple du groupe associatif ARPAVIE

Très implantée en Ile de France, ARPAVIE a été frappée durement par la première vague Covid-19. Si, passé l’effet de sidération, les équipes ont tenu, force est de constater qu’un an après cette première crise majeure du secteur des Ehpad, son impact reste prégnant au plan humain, technique et financier.

D’abord la sidération

La Covid-19 a surpris par sa nouveauté, les symptômes, l’évolution de la maladie, sa contagiosité – en quelques jours un Ehpad complet pouvait être touché – et sa létalité – en quelques semaines certains Ehpad ont enregistré des décès normalement constatés sur une année.
L’Ehpad ARPAVIE Le Hameaux de Mesly à Créteil (94) a été l’un des premiers à prendre de plein fouet cette première vague. Dès le 27 février, une résidente chute à plusieurs reprises sans raison. Elle est hospitalisée et testée Covid positive. Elle décèdera quelques jours plus tard.

La chute était un signe clinique de la maladie que nous ne connaissions pas encore. Nous disposions de si peu d’informations, les tests se faisaient au compte-goutte, nous ne pouvions utiliser que 3 tests pour 3 personnes par jour à l’époque, les masques étaient comptés, les EPI (équipement de protection individuelle) étaient rares. Nous naviguions à vue…

Valérie d’Hont

Directrice de L’Ehpad ARPAVIE Le Hameaux de Mesly à Créteil (94)

Puis la lutte contre le virus

Assez vite, les réflexes professionnels appuyés par les recommandations ARS ont permis un premier endiguement, l’enjeu majeur était de maintenir un niveau d’encadrement des résidents suffisants. 24h/24h ; 7j/7j. Au niveau régional, une plateforme Covid pour les volontaires soignants a été installée par les autorités sanitaires, les candidatures parvenaient en direct aux équipes sur le terrain via la plateforme Renfort Covid. Au siège, l’équipe de la direction médicale s’est démultipliée sur les sites pour pallier les absences.

Partout, des volontaires sont allés « donner un coup de main » à la mesure de leur moyen, entre établissements, du siège vers les établissements. Il fallait ne pas manquer de soignants, protéger les collaborateurs, faire en sorte que les équipes tiennent. Elles ont tenu.

Morgane Moineau

DRH d’ARPAVIE

Cela dit, une bataille ne se livre pas qu’avec des hommes et des femmes, elle suppose aussi des moyens. Or le pays n’était ni techniquement, ni médicalement, ni administrativement prêt et les volumes concernés s’avérèrent énormes.

182 400 masques chirurgicaux et FFP2, 1 730 000 paires de gants, 50 000 charlottes, 330 000 blouses et tabliers, 2 500 visières, 1 500 litres de gel hydro alcoolique...la liste des achats d’ARPAVIE est longue. Au siège, après la « médecine d’urgence », on a découvert les « achats d’urgence ». Rapidité d’exécution, stratégies de contournement, préemption de commandes, mutualisation inter-sites, bricolage... ARPAVIE a vécu au rythme de la gestion de crise.

 

L’accélération de la digitalisation

Au-delà des modes opératoires, la crise a aussi accéléré la « digitalisation » des Ehpad et plus largement de l’association. Enjeu parfois vital pour les résidents les plus fragiles, menacés par le syndrome de glissement, la communication numérique a vite tenu une place centrale pendant la crise. Il y a eu le développement de la télémédecine et la généralisation de tous les outils de communication liés au maintien de la vie sociale et aux relations avec les familles (réseaux sociaux, évolution du site internet, journaux numériques, développements des appels vidéo) et ce, même si cette accélération reste tributaire de l'accès à l'Internet haut débit, du wifi, encore trop peu accessible dans les chambres, ou de l’appropriation des outils par les équipes. Au niveau de l’association, le télétravail et les réunions « Teams » sont devenues la « norme ».

La secousse a été brutale pour beaucoup des résidents, même pour ceux que le virus a épargnés. Le confinement en chambre n’a pas interdit le maintien d’activités au sein des établissements mais pour certains résidents, cette crise a accéléré la fragilisation des corps.

En novembre, la seconde vague a été bien maîtrisée avec un nombre de décès liés au Covid en nette baisse mais les courbes de poids descendent depuis avril. On remarque des difficultés dans les prises d’initiative des personnes âgées. Les troubles neurologiques et alimentaires sont en augmentation.

Docteur François Deparis

Directeur médical du groupe

Les enseignements à tirer de cette crise qui dure 

Le premier enseignement : dans nos métiers, le point de rupture c’est la disponibilité du personnel. Et sur certains sites, on est passé tout près du point de rupture avec des salariés, eux aussi touchés par le virus ou tétanisés par la peur, y compris dans quelques cas parmi les médecins. Pour autant, on a pu éprouver aussi, dans les équipes, la force de la solidarité. Depuis les établissements moins atteints, des renforts ont afflué, sans chercher à se protéger, vers l’Ile de France où la crise frappait violemment. Des salariés de toutes catégories se sont portés volontaires, et ont accepté de reporter leurs congés. Juste reconnaissance de leur mobilisation généreuse, ARPAVIE a, dès avril, versé aux soignants des Ehpad une prime par anticipation des primes Covid intervenues au niveau national pendant l’été.

La solidarité a aussi été celle des écosystèmes locaux. Des maires et députés sont venus apporter des EPI aux équipes, des associations de couture ont fabriqué des masques et des sur blouses en tissu, des familles ont fait des dons, des bénévoles sont venus animer les après-midis de confinement des résidents en leur offrant des concerts ou des pièces de théâtre en plein air… Ces liens importants avec l’écosystème des résidences ont permis de pallier certaines lenteurs administratives et logistiques.

Enfin, la crise sanitaire a révélé que l’on peut payer cher de vouloir oublier que la mort est le dernier moment de la vie. Plutôt que de détourner le regard des Ehpad, il est sans doute temps de considérer ceux qui y vivent et ceux qui y travaillent. Certes, les Ehpad sont des lieux où l’on meurt, et ce même quand un virus létal ne met pas le monde entier en suspens. Dans un Ehpad, des personnes souvent très âgées vivent les derniers temps de leur vie, accompagnées par des salariés qui leur vouent leur temps et leurs compétences. Mais jusqu’au dernier souffle, ils vivent ensemble pleinement ce qui reste de vie, même altérée par la diminution des capacités. Pour les familles frappées par un décès dans des conditions inédites de brutalité aggravées par les règles sanitaires, le choc a été très violent. Pour le personnel qui jour après jour accompagnait ces disparitions et vivait la détresse des familles, le choc aussi a été violent.

 

La situation post Covid

En termes financiers, l’impact de la crise se révèle lourd pour ARPAVIE malgré les compensations publiques mises en place. Du fait des décès mais surtout – au total la surmortalité annuelle en Ehpad sera supérieure à 20% – des impossibilités de re-commercialiser, l’impact sur le taux d’occupation s’avère très significatif : le taux d’occupation moyen est tombé de 94.7% en 2019 à 86.7% en décembre 2020 et ce, sans réduction des charges et en particulier de la masse salariale qui en représente 66%.

Au plan managérial, la fusion de 2016 ayant donné naissance à ARPAVIE restait inachevée et appelait des réformes structurelles et culturelles. Si la crise Covid n’a pas permis de les mettre en œuvre, elle a paradoxalement accéléré la prise de conscience de leur caractère prioritaire, et conduit à l’élaboration d’un nouveau plan stratégique.

Le groupe associatif ARPAVIE, dirigé par Jean François Vitoux, est le premier gestionnaire de résidences pour personnes âgées associatif en France. Son Conseil d’administration est présidé par Laure de la Bretèche, représentante de la Caisse des Dépôts, seul membre de droit de l’association à ce jour. ARPAVIE gère 127 établissements (46 Ehpad 78 résidences autonomie, 2 résidences services et un service de soins infirmiers à domicile). ARPAVIE accompagne près de 10 000 personnes âgées autonomes, dépendantes, handicapées, atteintes de maladies neurodégénératives ou autres pathologies apparentées. Le groupe emploie près de 3 000 collaborateurs et réalise un volume d’affaires de 220 M€.

© Jean Claude Moschetti/REA