cicéron
c'est poincarré
Crédit S. Leitenberger/Adobe stock
Le constat inaugural peut sembler sévère, mais il est partagé par la très grande majorité des acteurs du domaine : cela ne fait que quelques mois que la question de la transition énergétique irrigue le logement social. Pour quelles raisons ?
La première raison tient au fait que les bailleurs ont des feuilles de routes décennales dans lesquelles ils flèchent leurs moyens en réalisant des arbitrages entre développement de leur patrimoine (à venir) et gestion de leur patrimoine (constitué) ; et que jusqu’à une période très récente, une large priorité a été accordée au développement en réponse aux injonctions de l’Etat en matière d’augmentation de l’offre en logements sociaux. D’une manière générale, cela s’est traduit au mieux par un manque d’anticipation, et au pire par un manque d’investissement dans les rénovations.
Ensuite parce que les bailleurs ont dû faire face à l’évolution de leur modèle économique et financier (loi de finance de 2018, réduction du loyer de solidarité et augmentation du taux de TVA), puis à la hausse générale des prix des matériaux, en même temps qu’aux nouvelles obligations en matière de transition énergétique de leurs parcs existants ou en projet (loi Climat et Résilience d’août 2021). Une situation qui ne s’améliore pas actuellement avec la hausse des taux du Livret A qui génère une augmentation de leurs charges financières.
Face à cette situation – moins de moyens alors que construire et réhabiliter coûtent plus cher – de nombreux bailleurs n’hésitent pas à évoquer un « mur d’investissement ».
Dans son 9ème rapport annuel « Perspectives – L’étude sur le logement social » publié en juillet 2022, la Banque des Territoires développe un constat plus optimiste : selon ses auteurs, le secteur HLM a su faire aussi bien face aux transformations structurelles qu’à la crise sanitaire, il est en mesure de faire face, à court-moyen terme, à ses obligations de rénovations thermiques massives à condition de réduire le développement de parc, et devrait se révéler capable à plus long terme (2028) de reprendre son effort de construction tout en maintenant un niveau élevé de rénovations.
Ce diagnostic, partagé par certains bailleurs (les « majors »), pose deux grandes exigences :
En synthèse, les bailleurs doivent abandonner leurs réflexes de gestionnaires pour ceux de stratèges. Ce qui implique de nombreuses évolutions, notamment en matière de mobilisation d’ingénierie. Cette exigence est d’autant plus forte que pour une majorité de bailleur, l’équation semble absolument insoluble sans une plus grande mobilisation de moyens financiers publics.
Pour rappel, les adaptations du bâti existant (dans toutes ses composantes) sont les principaux leviers de réduction des consommations énergétiques, elle-même cœur de la transition. Ces adaptations sont de nombreuses natures : elles ne concernent pas que le bâti proprement dit - isolation, ouvertures, besoins en énergie, etc.- mais également son environnement élargi (communs extérieurs, espaces verts/ilots de chaleur, etc.). Ce qui nécessite une approche autant urbanistique qu’architecturale ou technique afin d’aménager des lieux de vie à partir de ce qui était considéré comme des « structures à habiter ».
Les enjeux d’innovation sont en conséquence massifs, et la rénovation énergétique du logement social au sens large constitue un gisement d’emploi exceptionnel, notamment pour les quartiers « politique de la ville » qui peuvent se révéler des références en la matière.