cicéron
c'est poincarré
Crédit ©Eco-Compteur
En février 2020, des compteurs sont installés sur quelques axes stratégiques parisiens, affichant en temps réel le nombre de passages de cyclistes[1]. En mars de la même année, l’opérateur téléphonique Orange estimait, sur la base de l’analyse des données mobiles, que 1,2 millions (soit 17%) des habitants de la métropole du Grand Paris, avait quitté leur région entre le 13 et le 20 mars[2], dans la perspective du confinement. En décembre 2020, les données analysées par la startup MyTraffic montraient qu’une semaine après la réouverture des magasins, la fréquentation des quartiers commerçants était revenue pratiquement à son niveau d'octobre[3].
Ces différents exemples, relayés dans la presse régionale et nationale, ont pour point commun d’évoquer des solutions technologiques visant à compter les flux de circulation de piétons ou de véhicules et à mesurer à la fréquentation de l’espace urbain.
Historiquement utilisé dans le champ du retail ou encore dans le domaine des transports, le comptage de flux offre aujourd’hui des outils à destination des collectivités locales, répondant à de nombreux enjeux en matière de politiques publiques. Autrefois réservés aux métropoles, ces outils se généralisent et sont aujourd’hui très largement adoptés, notamment par les villes moyennes.
Ces technologies sont désormais amplement mobilisées au service des politiques publiques : au niveau de leur conception, à travers la réalisation de diagnostics ou encore via de l’aide à la décision, mais également au niveau de leur mise en œuvre et de leurs évaluations. Plusieurs champs d’applications peuvent ainsi être identifiés :
En permettant une meilleure connaissance des pratiques de circulation et la fréquentation d’un territoire donné, ces solutions contribuent à repenser les modalités de définition et de mise en œuvre des politiques publiques, en accordant une place plus grande à la compréhension des usages et à l’analyse en temps réel.
Historiquement fondé sur la pose de capteurs, le comptage de flux s’inscrit sur la plupart des étapes de la chaîne de valeur de donnée : acquisition de données, par exemple via des capteurs fixes ou des téléphones mobiles, mais également analyse et valorisation de celles-ci, par le biais notamment de plateformes de données.
Dans cette logique, si de nombreuses entreprises se sont d’abord positionnées sur une offre de capteurs, elles proposent toutes désormais une solution d’analyse des données. De manière significative, un nombre croissant d’opérateurs propose uniquement des offres de plateforme d’analyse et de valorisation des données sans pose de capteurs, mobilisant tantôt des données propriétaires, tantôt des données tierces, initialement collectées à d’autres fins.
Pour les collectivités locales, si les données de flux apportent bien des réponses opérationnelles aux problématiques traitées dans le cadre des politiques engagées en matière de mobilité, de tourisme ou encore de développement commercial, elles renvoient plus largement à un enjeu essentiel en matière de gestion et de valorisation de données territoriales.
Le comptage de flux constitue en effet une belle illustration de la manière dont les collectivités locales peuvent mettre la gestion des données au services des politiques publiques. Les différents retours d’expérience montrent que les enjeux « data » doivent être nécessairement pris en considération dans la mise en place des démarches de comptage de flux : la question de l’anonymisation des données et la conformité à la règlementation, notamment en matière de RGPD, constituent ainsi un pré-requis indispensable. Plus largement, les collectivités qui optent pour des solutions valorisant des données doivent s’interroger sur la question de la propriété de celles-ci ainsi que sur les différents droits de réutilisation : les données utilisées sont-elles exclusivement la propriété du fournisseur ou peuvent-elles être réutilisées par la ville voire partagées avec d’autres réutilisateurs ? Du point de vue des infrastructures, l’exploitation des données nécessite-t-elle la mise à disposition d’une plateforme proposée par le prestataire ou peut-elle se faire via les outils dont disposerait déjà la collectivité ? D’autres questions peuvent encore être soulevées : comment prendre en compte les problématiques de cybersécurité et les risques consécutifs à un piratage ? Comment mesurer l’empreinte environnementale de la solution retenue ?
Au-delà des aspects techniques, ces différentes questions interrogent plus largement sur les usages qui peuvent être faits de ces données, et qui peuvent dépasser les termes de la commande initiale qui avaient permis l’indentification des offreurs des solutions : des données pensées pour alimenter une réflexion sur l’attractivité commerciale peuvent également servir des analyses menées en matière de mobilité. Des données collectées à des fins d’analyse des usages d’un lieu dans la perspective de son réaménagement pourraient également être valorisées dans une logique d’évaluation de son offre de service…
Anticiper ces usages possibles peut avoir un impact sur la solution choisie, car toutes ne permettent pas de fournir le même type d’information : est-il possible d’accéder à des données antérieures à la date d’achat de la solution ? A quelle échelle est-il nécessaire de connaître les déplacements ? Est-il utile d’avoir des informations sur l’origine géographique ou l’âge des personnes qui fréquentent telle ou telle zone ? Des données en temps réel sont-elles nécessaires ?
Au côté de l’identification des ressources humaines et techniques qui doivent être mobilisées pour l’utilisation de solutions de comptage de flux, la réflexion sur les besoins et les objectifs visés engage une vision nécessairement transversale de l’action publique locale et du fonctionnement d’une collectivité.