Dans un monde de plus en plus numérisé, les collectivités territoriales investissent de plus en plus dans des solutions numériques. Ces dernières années, les applications dites en SaaS (Software as a Service) se sont beaucoup développées. Quelle part représente le SaaS dans l’achat d’applicatifs numériques des communes et des intercommunalités françaises ? Comment est-il utilisé ?

Nous avons voulu savoir comment les collectivités s’étaient emparées de ce sujet et quelles étaient leurs habitudes d’achat de ce type de service. La Banque des Territoires ainsi mené une étude « SaaS et achats publics » en juillet 2020. Nous avons interrogé plus de 320 communes et intercommunalités françaises à propos de leurs recours aux solutions innovantes SaaS et de leur collaboration avec les start-ups qui commercialisent ce type de solutions. A travers cet article, nous vous proposons de revenir sur les principaux enseignements de cette étude.

 

Le SaaS, qu’est-ce que c’est ?

Le SaaS, ou Logiciel en tant que Service, est un modèle de distribution du logiciel et de l’applicatif à travers le « Cloud ». Concrètement, au lieu d’avoir les applications installées sur les ordinateurs de la collectivité, celles-ci sont hébergées par un fournisseur de service et rendues disponibles pour le client collectivité par l’intermédiaire d’internet

Les avantages d’un tel mode distribution sont nombreux.

Grâce à un logiciel SaaS, les collectivités n’ont plus besoin d’installer et de lancer des applications sur leurs propres ordinateurs ou sur leurs data centers. Le coût d’acquisition de matériel est ainsi éliminé, au même titre que les coûts d’approvisionnement et de maintenance, de licence de logiciel, d’installation et de support.

Par ailleurs, au lieu d’investir dans un logiciel à installer et dans un équipement dimensionné pour le prendre en charge, les utilisateurs souscrivent à une offre SaaS. En général, l’offre se présente sous la forme d’un abonnement mensuel dont le tarif est proportionnel à l’utilisation. Grâce à cette flexibilité, les collectivités clientes peuvent organiser leur budget avec plus de précision et de facilité. Il est en effet possible de résilier un abonnement sans engagement à tout moment pour couper court aux dépenses.

Autre avantage : la haute évolutivité du modèle. En fonction de ses besoins, l’utilisateur peut accéder à plus ou moins de services et à des fonctionnalités à la demande. Le Saas est ainsi adapté aux besoins propres à chaque service de la collectivité.

Enfin, la collectivité est sûre d’avoir toujours la version la plus à jour de l’applicatif utilisé.

 

Les villes françaises et les start-ups collaborent de façon prometteuse

La collaboration entre les collectivités locales et les start-ups a débouché sur des réalisations prometteuses. La révolution de l’open data par exemple a notamment été permise par des entreprises comme Opendatasoft. Wintics, Manty et Dataiku mettent des services de « data science » de pointe à destination des collectivités. D’autres comme, Neocity, myMairie ou Spallian, accompagnent les villes dans la transformation numérique de leur relation avec les citoyens.

 

Globalement, ces quinze dernières années, le SaaS a transformé l’accès et l’utilisation des logiciels pour les particuliers et les entreprises. Des services de streaming connus comme Spotify, Deezer ou Netflix relèvent de cette logique. Cette évolution a challengé les acteurs publics en matière de logique d’investissement, de stratégie IT, de sécurité et de confidentialité des données.

La puissance publique reconnaît ces réalisations et leurs impacts. L’achat de prestations par les villes auprès des start-ups est d’ailleurs encouragé par la régulation.

 

Ces opportunités sont encore trop peu exploitées

Cependant, début 2021, les opportunités offertes par la coopération entre villes et start-ups sont encore largement sous-exploitées. Les dépenses SI des collectivités locales restent encore prisonnières de produits, de technologies et de modèles d’affaires datés, fondés sur d’important coûts de licences et des mises à jour payantes. Les acteurs de l’écosystème rencontrent des difficultés à progresser collectivement vers les nouvelles technologies et les nouveaux modèles.

Les villes bénéficient difficilement des dernières technologies et innovations. Ainsi, les opportunités offertes par l’intelligence artificielle[1] ou l’internet des objets[2] sont encore insuffisamment présents. Ce blocage s’explique en partie par un marché difficile à adresser, l’adhérence avec les systèmes informatiques historiques et les coûts d’interfaces.

 

Accompagner le recours au saas et aux start-ups dans les villes

Paradoxalement, ces nouvelles technologies n’ont jamais été aussi accessibles. La France accueille de nombreuses start-ups et parmi elles, de plus en plus, s’orientent vers le secteur public et les territoires. L’architecture SaaS permet de déployer des projets quasi instantanément en mobilisant les infrastructures du prestataire. Le modèle de tarification par abonnement, régulièrement proposé sans engagement, permet de lancer et d’arrêter des projets de manière flexible et écrase les prix d’entrées dans des projets informatiques complexes. Ce sont autant d’arguments favorables pour recourir au modèle SaaS.

 

La maturité du marché SaaS à destination des acteurs territoriaux progresse

Le SaaS se déploie progressivement dans les communes et les intercommunalités. L’étude de la Banque des Territoires a montré qu’environ 50% des collectivités interrogées avaient déjà lancé un projet en mode SaaS.

Cette technologie semble en effet de mieux en mieux comprise. Il semble qu’il y ait une meilleure appropriation de la terminologie et des avantages du SaaS. Ce mode d’utilisation du numérique est perçu comme un vecteur de diffusion de l’innovation, un accélérateur de la transformation digitale et de la modernisation des collectivités territoriales.

Il ressort que les critères de sélection d’une solution SaaS par les acteurs publics sont, par ordre d’importance : le prix, l’affectation budgétaire, la rapidité de mise en œuvre et enfin la criticité du projet. Lors du recours à une solution SaaS, le prestataire est responsabilisé, il veille à son bon fonctionnement sur les plans matériels et logiciel. Le périmètre de la collectivité cliente se limite à l’usage de la solution. Pour les projets critiques, ce mode de fonctionnement se révèle protecteur de l’acheteur public.

La diffusion de solutions SaaS s’accélère, 88% des collectivités interrogées constatent une progression du SaaS depuis l’année précédente et 25% la qualifient de « très importante ».

 

La smart city et la relation citoyenne sont les domaines privilégiés du SaaS cependant le mode dit  « on-premise »[3] reste majoritaire

Les domaines métiers de la smart city (88%) et de la relation citoyen (69%) ressortent comme privilégiés par les collectivités interrogées pour déployer des projets en mode SaaS. La nouveauté et l’absence de systèmes informatiques préexistants ou datés, outils et données, contribuent à expliquer le choix de ces domaines.

La recherche internet et le bouche à oreille sont les deux modalités de mise en relation les plus répandue entre les villes interrogées et les fournisseurs de SaaS. Le démarchage commercial des entreprises les suit de près. La prise de contact reste majoritairement à l’initiative d’acteurs proactifs au sein des communes. Le recours à des centrales d’achat  et des salons sont en revanche en retrait.

Les projets on-premise restent majoritaires, en effet pour 2/3 des collectivités interrogées, les projets SaaS représentaient une part minoritaire de leurs projets SI actuels.

 

Les start-ups sont un acteur clé de la transition

Les éditeurs classiques sont toujours majoritaires dans les projets SI déployés et en projet. Cependant, presque la moitié des collectivités a prévu d’étendre sa collaboration avec des start-ups ou petites sociétés. Les éditeurs intermédiaires, sont également privilégiés pour les années à venir, suivis des grands éditeurs. Dans les deux cas, il s’agit de parts inférieures à celles existantes à date. 13% des collectivités ne se prononcent pas sur les éditeurs à venir.

 

Avantages et inconvénients perçus d’un fonctionnement en mode SaaS

Le top 5 des avantages perçus par les communes et leurs intercommunalités

 

Le top 5 des freins perçus par les communes et leurs intercommunalités

 

Réussir l’intégration de solutions SaaS dans les SI d’une collectivité demande plusieurs adaptations.

Un pilotage transversal, sous l’égide du DGS, permet de dépasser la dualité entre la DSI et les Directions métiers, en intégrant en amont les contraintes de chacun. Dans le modèle SaaS, la DSI est garante de la sécurité, de la réversibilité et de la cohérence des systèmes d’informations de la ville. Les Directions métiers sont garantes de la valeur apportée par les solutions : utilité pour les agents, simplicité et amélioration du service public.

Le recours au SaaS libère également ces acteurs du mode projet et induit des gains de temps significatifs entre l’expression d’un besoin par la ville et la mise en place d’une solution opérationnelle.

 

L'étude a mis en lumière de nombreuses initiatives intéressantes qui sont de nature à favoriser la mise en place de projets numériques.

Les start-ups sont de plus en plus nombreuses à s’intéresser au secteur public et territorial mais les initiatives se heurtent souvent à la découverte du cadre de l’action publique et au fonctionnement des collectivités locales, souvent mal connu. Une collectivité capable de formaliser clairement ses besoins et ses contraintes bénéficiera au mieux de ces apports.

Quelques pistes intéressantes à suivre :

  1. Une communication pédagogique pour faire des découvrir le fonctionnement des villes et des acteurs publics aux start-ups. La Banque des Territoires met en place des outils et des moyens pour agir sur cet axe, notamment via sa plateforme et également via la mise en place prochaine du hub des territoires, espace de rencontre entre les acteurs publics locaux et l’écosystème de l’innovation.
  2. Une meilleure intégration du passage à l’échelle dans le cadre de l’action publique territoriale dans les challenges, les démonstrateurs et les hackathon. Les démonstrateurs sans lendemains sont encore trop souvent la règle, alors que de nombreuses offres de start-ups existent déjà.
  3. La prise en compte de la sécurité et de la protection des données en début de projet. Les solutions SaaS fonctionnent dans l’infrastructure du prestataire, cela demande la confiance du client et, si le prestataire est une jeune entreprise, celle-ci peut être d’autant plus difficile à obtenir. Les villes s’appuieront sur les normes et certifications existantes tandis que les start-ups pourront faire valider leur conformité auprès d’auditeurs et de la CNIL.
  4. Rendre ses appels d’offres compatibles avec le SaaS. Les villes ont la possibilité d’intégrer des clauses spécifiques au SaaS dans leur appels d’offres. Celles-ci couvrent la sécurité, la réversibilité et la continuité de service en cas de transferts.

 

En conclusion, il reste encore beaucoup à faire pour la transition numérique des collectivités et le mode SaaS y contribue - et continuera d’y contribuer - fortement. Il est intéressant de noter le fort potentiel d’innovation associé à ce nouveau type d’offres !

 

[2] Guide internet des objets : sortie prévue en janvier 2021

[3] Logiciel on premise, ou « sur site », désigne le fait d’installer un logiciel sur les serveurs de l’entreprise cliente. Un modèle classique dont le SaaS représente une alternative. 

L’auteur

Lucas Griffaton Sonnet est investisseur smart city et urban tech dans le pôle Villes et territoires intelligents à la Direction de l’investissement de la Banque des Territoires. Il a rejoint le groupe Caisse des Dépôts en 2017 après avoir travaillé dans le secteur de l’énergie et le conseil en management et stratégie