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Crédit ©TERREAL-Custom-Piterak-WoodArt
Responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre en France, le secteur immobilier porte une lourde responsabilité face aux enjeux climatiques. La réponse à ces enjeux passe par l’innovation notamment en matière de modes constructifs et systèmes énergétiques que ce soit en construction neuve ou pour la rénovation. Elle passe aussi par la densification du tissu urbain existant qui contribue indirectement aux objectifs de la ZAN.
Les enjeux climatiques comportent deux volets : les émissions de carbone et l’adaptation au dérèglement climatique. Pour la réduction des émissions de GES, l’accélération de la construction à faible empreinte carbone fait partie des mesures emblématiques mises en œuvre. D’une part, sur le volet énergie avec la sortie progressive du gaz vers les pompes à chaleur et les réseaux de chaleur urbain basés sur des EnR et d’autre part, sur le volet matériaux, avec l’utilisation de matériaux biosourcés, la promotion du réemploi et la transformation de bureaux en logement.
Concernant l’adaptation des bâtiments, une des réponses est notamment l’intégration de la nature en milieu urbain afin de limiter les îlots de chaleur et mieux gérer les enjeux autour de l’eau.
Les matériaux biosourcés proviennent de matière organique renouvelable (biomasse), qu’elle soit d’origine végétale, animale ou microbienne. Ces matériaux sont encouragés par la loi en faveur de l’écoconstruction et de la transition énergétique, notamment dans la nouvelle réglementation RE2020.
Lorsqu’ils sont biosourcés, ces matériaux jouent un rôle de puit de carbone (stockage du carbone dans le bâti), contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. De plus, ils permettent de réduire l’empreinte carbone environnementale. En effet, leur processus de transformation nécessite peu d’énergie, et ils sont souvent issus de ressources européennes gérées durablement.
À l’heure de l’écoconception et de l’intelligence constructive, les propriétés mécaniques du bois et de ses nombreux dérivés (lamellé collé, CLT, panneaux…) s’avèrent à la hauteur de ses qualités environnementales. Ses possibilités d’utilisation sont aussi multiples que les partis pris esthétiques qu’il offre. Le bois figure ainsi au cœur de la double révolution qui réinvente la construction : préférence aux matériaux bas carbone et préfabrication en usine avant la mise en œuvre. La R&D révèle régulièrement ses nouveaux potentiels et la filière forêt-bois mise sur l’innovation pour accélérer son développement. Il n’en devient pas pour autant, à lui seul, une solution environnementale universelle. Toutefois, le bois est un élément majeur de réponse dans le cadre d’une stratégie bas carbone.
Ses principaux atouts ? durabilité, faible impact environnemental, renouvelable, puit carbone, industrialisable. Il contribue au confort du lieu par ses qualités d’isolation thermique et de régulation hygrométrique.
Le bois est un matériau de construction renouvelable, qui, pour être mis en œuvre nécessite peu d’émissions de CO2 et est massivement présent sur la planète. À condition, bien sûr, qu’il soit exploité de manière raisonnée, pour assurer la pérennité des espaces forestiers. Il existe d’ailleurs 2 principaux labels FSC (Inter) et PEFC (plutôt Europe).
Dans la construction, le bois est utilisé pour la structure, la charpente, les murs, le parement extérieur et intérieur, l’aménagement intérieur. Il s’adapte à tous types de programmes : logements, bureaux, équipements.Sur le marché de l’immobilier français, 22 000 logements ont été construits en bois en 2022* : 9 650 maisons individuelles, 1 800 maisons individuelles en secteur groupé et 10 750 logements collectifs. Les régions les plus dynamiques sont l’Île-de-France, Auvergne Rhône-Alpes et les Pays-de-la-Loire. Les autres types de bâtiments gagnent des parts dans la construction bois. 13, 1 % pour les bâtiments tertiaires publics et privés ; 27,3 % pour les bâtiments agricoles ; 23,5 % pour les bâtiments industriels et artisanaux ; et 9,8 % pour les bâtiments de santé.[1]
Bois et grande hauteur
La préfabrication à l’échelle industrielle des éléments structurels (planchers CLT, murs et façades à ossature bois, systèmes poteaux-poutres) rend la construction de bâtiments de grande hauteur possible, que ce soit pour du bureau ou pour du résidentiel. Cette démarche a été portée dès 2016 par l’association ADIVBOIS. Aujourd’hui, les projets se multiplient.
Au cœur de l’écoquartier de la Cartoucherie à Toulouse, Icade a construit un ensemble immobilier « Wood’Art-La Canopée » comprenant un hôtel de 100 chambres, des commerces en pied d’immeuble et 137 logements, pour une surface totale de plus de 13 000 m² de plancher sur 10 étages. La structure de ce programme est composée à 76 % de bois. Profondément inscrite dans son territoire, l’opération a par ailleurs mobilisé des savoir-faire locaux, comme l’entreprise de construction bois Maître Cube en conception-réalisation avec les cabinets d’architecture toulousain Seuil Architecture et autrichien Dietrich Untertrifaller, et a eu recours à des matériaux biosourcés, dont du bois d’Occitanie.
Toujours plus haut ! Le bois est utilisé pour des programmes de très grande hauteur dans le monde entier. A Milwaukee, aux Etats-Unis, Ascent est une tour hybride (bois-béton). D’une hauteur de 86,6 mètres, ses 25 étages sont occupés par des appartements. Et à Perth, en Australie, une tour de logements d’une hauteur exceptionnelle de 191,2 mètres (la tour C6) va être construite avec 42% de bois, les colonnes et le noyau seront en béton armé.
Innovations décarbonnées : la Chaire industrielle « Ecorce » transforme la construction bois
Des partenariats dynamiques entre organismes, industriels et monde académique donnent naissance à des initiatives audacieuses. En 2023, Urbain des Bois, filiale d’Icade Promotion, s’associe à Eiffage Construction et Saint-Gobain Solutions France pour créer la chaire industrielle « Ecorce ». Son objectif : optimiser techniquement et économiquement les solutions multi-matériaux pour la construction bois, en vue de les généraliser dans l’immobilier tout en réduisant l’empreinte carbone.
L’ancestrale construction en terre crue fait un retour en force, portée par ses avantages écologiques. Composée d’argile, de limon, de sable, de graviers et de cailloux, elle privilégie les matériaux locaux, requiert peu d’énergie pour leur transformation et possède des qualités esthétiques qui séduisent beaucoup. La terre crue se décline en diverses techniques : brique, bauge, pisé, blocs compressés, torchis… Le pisé préfabriqué à grande échelle permet la construction de murs, de cloisons et de façades. Ces blocs imposants, à faible impact carbone, démocratisent l’écoconstruction.
La construction en terre crue répond à un triple enjeu écologique : la préservation des matières premières, la réduction des émissions de carbone et un meilleur confort lié à la contribution thermique de la terre ».
La start-up Terrio, par exemple, propose une solution de blocs de terre crue préfabriqués en atelier grâce à la technique du pisé. Véritable alternative au béton, la terre crue est utilisée pour des façades ou des murs de refend. Terrio mène notamment aux côtés d’Icade le projet Bellecombe à Lyon pour la réalisation des façades en terre de deux immeubles mixtes R+7.
La paille, matériau renouvelable, réduit notre dépendance aux matériaux synthétiques. Ses performances globales sont excellentes. C’est un régulateur hygrométrique, économique, résistant au feu. C’est également un produit local et abondant en France. La paille est régulièrement utilisée pour des bâtiments « passifs ». Selon le Réseau Français de Construction Paille, entre 500 et 1000 projets de construction isolées en paille se concrétisent ainsi chaque année. La paille peut aussi être utilisée pour la rénovation de bâti.
Parmi les autres matériaux biosourcés performants pour la construction, nous pouvons citer la laine de bois, la ouate de cellulose et le chanvre.
Les matériaux biosourcés sont un des leviers d’actions pour atteindre les futurs seuils de la RE2020 (notamment 2028 et 2031) dans le cadre de systèmes constructifs hybrides. Pour y parvenir plusieurs enjeux sont néanmoins à relever :
• la mise en place d’une règlementation (incendie) pour l’intégration de matériaux biosourcés dans le bâti ;
• les contraintes de mise en œuvre sur le chantier avec notamment la gestion de l’humidité ;
• la montée en compétence de l’ensemble des acteurs (formation et accompagnement).
Les incitations sont aujourd’hui nombreuses telles que la réglementation environnementale RE2020 mais aussi des incitations d’ordre financier. Les programmes d’investissements d’avenir par exemple, portés par l’ADEME, permettent notamment de faire avancer les règles de l’art et de lever les actuels freins liés aux contraintes assurantielles (décennales) pour les solutions innovantes (par nature en dehors des règles de l’art à date).
Le développement de la construction hors site (industrialisé) va permettre une meilleure intégration de matériaux biosourcés.
Notes
[1] Source : Enquête nationale de la construction bois – Juillet 2023