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Quelles solutions pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments publics des collectivités territoriales dans un cadre budgétaire contraint ?
Responsables d’environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre et de 50% de la consommation d’énergie en France, la rénovation énergétique des bâtiments publics est indispensable pour respecter l’Accord de Paris. C’est même une priorité du Plan de relance et également du Grand Plan d’Investissement lancé par le gouvernement. Le parc immobilier des collectivités territoriales représente 280 millions de m², soit trois fois celui de l’État et leur consommation énergétique pèse fortement sur leur budget. Parce que la majorité des bâtiments publics ont été construits avant 1975, ils nécessitent aujourd'hui des investissements pour s'adapter aux nouveaux usages et offrir le confort attendu à leurs usagers. Énergivores, ils représentent également un coût important, tant en termes financiers qu'en termes d'empreinte carbone sur le territoire.
Depuis les lois de décentralisation, le patrimoine des collectivités a été multiplié par 3, leur consommation énergétique pèse fortement sur leur budget de fonctionnement. Les consommations énergétiques sont ainsi le second poste de dépense des collectivités après les charges de personnel, soit jusqu’à 6% des charges totales de fonctionnement. Par ailleurs, les bâtiments communaux représentent en moyenne 76 % de la consommation d’énergie d’une commune.
L’augmentation du prix des énergies fossiles et le vieillissement des installations ne peuvent qu’aggraver la situation et augmenter la facture énergétique.
Enfin, la plupart de ces bâtiments sont anciens et mal isolés et bien souvent peu adaptés aux attentes des usagers.
La rénovation énergétique des bâtiments publics intégrée dans un projet global de rénovation permet de réduire les coûts liés à la consommation d'énergie (chauffage, éclairage...), les émissions de GES et d'améliorer le confort aux usagers.
D’un point de vue environnemental, ces projets s’inscrivent dans une démarche positive et répondent aux attentes citoyennes et réglementaires. La rénovation d’un bâtiment est une opportunité pour repenser les sources d’énergie. Les projets d’énergies renouvelables[1] apportent non seulement des bénéfices directs aussi bien en termes de bilan carbone qu’en retombées économiques, mais ils permettent aussi de récupérer de l’énergie directement exploitable par les bâtiments.
Au-delà des enjeux environnementaux, la transition énergétique des bâtiments s’impose d’un point de vue économique.
Elle permet de réduire les coûts énergétiques de l’exploitation des bâtiments. Près de la moitié des bâtiments en France ont été construits avant 1975. Leur consommation moyenne est d’environ 240 kWh énergie primaire/m²/an, alors que les exigences actuelles se situent autour de 50 kWh/m²/an.
Les bâtiments publics les plus énergivores sont les établissements scolaires et les équipements sportifs (dont les piscines représentent en moyenne 40% de ces consommations).
De plus, les nouveaux procédés de rénovations peuvent transformer les passoires thermiques en bâtiments responsables/bâtiments durables car à haute performance énergétique voire à énergie positive, à faible émissions de gaz à effet de serre, construits avec des matériaux éco-responsables et équipés de solutions d’intelligence artificielle qui contribuent à une exploitation rationalisée et performante des bâtiments.
La rénovation énergétique des bâtiments conduit aussi à améliorer les usages et le confort des usagers.
L’évaluation de la qualité d’usage permet notamment d’identifier des tensions ou dysfonctionnements existants ou prévisibles de tout ordre telles que les plaintes des occupants relatives au confort thermique ou la qualité de l’air.
Le confort thermique résulte de nombreux paramètres comme les températures d’ambiance et des parois, les modes de chauffage, le taux d’humidité ou les mouvements d’air. Pour obtenir un confort thermique satisfaisant, il est nécessaire d’investir dans le bâti et ses systèmes. Une isolation suffisante et des fenêtres performantes évitent par exemple le phénomène de parois froides et diminuent les mouvements d’air.
L’humidité a un impact sur la sensation de confort d’un individu dans un bâtiment. Aussi, l’air intérieur est bien souvent plus pollué que l’air extérieur : accumulation de poussières, émanations liées à aux activités … Pour garder une ambiance intérieure saine, l’air doit donc être fréquemment renouvelé. Un bon système de ventilation au sein d’un bâtiment permet de conserver un air intérieur de qualité.
Néanmoins, faute de budget, les collectivités territoriales réalisent essentiellement des petits travaux de rénovation qui ne permettent pas d’assurer des gains significatifs.
Le dispositif Intracting[2] est un dispositif financier innovant et complémentaire à l’offre de prêt moyen-long terme de la Banque des Territoires[3 qui consiste à réaliser des travaux de performance énergétique avec les économies d’énergie. Ces économies sont prioritairement affectées au remboursement des avances consenties par l’organisme préteur puis au financement de nouveaux projets.
L’Intracting met l’accent sur les travaux permettant des économies à court et moyen terme, essentiellement sur des équipements et leur optimisation (chauffage, eau chaude, ventilation, éclairage ou régulation, …).
Ce dispositif s’inscrit dans un parcours inédit partant de la définition du projet de rénovation (conseils et ingénierie), puis la mise en œuvre du financement adapté à la réalisation des travaux retenus et également la mise à disposition d’un dispositif de suivi des consommations énergétiques[4].
Ce mode de financement innovant a d’ores et déjà été utilisé par des universités (Clermont, Nanterre, Rennes, Cergy,…) , des hôpitaux (via la centrale d’achat UNIHA) et de collectivités territoriales.
FOCUS : L’EXEMPLE DE LA VILLE DE SAINT-LOUIS
La Ville de Saint-Louis dans le Haut Rhin a adopté un plan de maîtrise de l’énergie 2017-2020 et plusieurs actions ont déjà été menées sur les bâtiments les plus énergivores[5]. La Collectivité a souhaité poursuivre et accroître ce type d’actions ciblées, avec, notamment, la mise en place d’un programme de réduction des consommations d’énergie d’au moins 50 % sur le poste « éclairage ».
La Ville a mené, avec l’appui financier de la Banque des Territoires, un audit technique et financier qui a conduit à un programme d’action portant sur une quinzaine de bâtiments (écoles, médiathèque, centres sportifs, hôtel de Ville, mairie annexe, centre culturel et social…).
Les actions de performance portent principalement sur la substitution de chauffages en énergie fossiles, l’installation d’éclairage par LED, des systèmes de régulation des consommations, l’amélioration thermique d’équipements.
Une avance de 336 k€ de la Banque des Territoires a été planifiée sur la base du programme de travaux de 3 ans. Le plan de financement prend en compte les subventions et les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) attendus. Les économies permettent d’amortir en grande partie le projet, de financer de nouvelles actions et de rembourser l’avance de la Banque des Territoires.
Résultat : les économies énergétiques cumulées attendues sur 10 ans sont de l’ordre de 443 MWh (10%), soit une dépense « évitée » de 612 251 €. La réduction des Gaz à Effet de Serre liée à cette opération est évaluée à 1,25 tonnes CO2 équivalents.
Pour être optimaux, les investissements nécessaires à l’efficacité énergétique des bâtiments publics doivent s’accompagner de démarches visant à améliorer les usages. Ces démarches visent à mobiliser la communauté des usagers et permettraient de faire des économies d’énergie de l’ordre de 10% en moyenne, et jusqu’à 40%, sur une période d’un an (retour d’expérience du concours CUBE 2020).
Quelques exemples de projets :
L’Assistance à Maîtrise d’Usage (AMU) propose un nouvel équilibre au sein des parties prenantes d’un projet lié au bâti et à la ville : elle associe les habitants, utilisateurs finaux des projets de construction. Cette médiation sociale et technique innovante prend en compte les enjeux du changement dans le contexte de l’usage de bâtiments performants ; la performance énergétique est ainsi alliée au bien-être.
L’AMU se traduit par la mise en place de dynamiques collectives et participatives : co-construction de guide de l’habitant, animation de groupes de travail sur l’usage, visite technique du bâtiment, etc.
Toutes ces dynamiques favorisent la montée en compétence de toute une filière : de la maitrise d’ouvrage aux entreprises en passant par les usagers et les fabricants de matériaux, c’est l’ensemble de la « chaine de production » de l’efficacité énergétique qui gagne en connaissances, en compétences, en organisations et en développements.
Dès lors, cette recherche continue de performance est créatrice d’emplois non délocalisables.
Contrairement aux idées reçues, les critères qui favorisent la rénovation « énergétique » des bâtiments, que ce soient les particuliers pour leur logement ou les élus pour le patrimoine de leur collectivité, ne se limitent pas aux seuls éléments financiers, techniques et juridiques. Ils sont bien sûr déterminants mais la dimension sociologique et organisationnelle est encore plus importante. C’est pourquoi la Banque des Territoires, pour améliorer ses actions d’accompagnement des collectivités notamment, a lancé avec l’ADEME une étude sur la « sociologie de la rénovation par les collectivités ». Les résultats sont attendus avec impatience (fin 2021).
A suivre…
Cet article a été co-écrit par Hubert Briand et l’équipe « Efficacité Energétique des Bâtiments » de la Banque des Territoires
[1] La biomasse (principalement le bois), le solaire (installation de panneaux photovoltaïques), la géothermie.
[2] l’intracting, c’est la contraction de deux mots, « internal contracting », c’est-à-dire contrat interne à la collectivité. En quelque sorte, c’est son budget de fonctionnement qui va financer son investissement