Face à l’ampleur des transitions environnementale et socio-économique à amorcer, les retombées financières des investissements publics ou les coûts directs des politiques publiques ne sont plus des critères de décision suffisants. De nombreux décideurs publics souhaitent faire émerger des projets à impact territorial, plus inclusifs, respectant l’environnement et générant des effets d’entraînement au reste de l’économie.
Qualifier ces effets est cependant un exercice délicat : quels bénéfices peut-on directement attribuer au projet engagé, et quelle aurait été la situation en son absence ? Ces effets sont-ils durables dans le temps ou ponctuels ? Qui en sont les bénéficiaires et combien sont-ils ? Les investissements consentis par les décideurs publics sont-ils proportionnés aux bénéfices des projets ?

La méthodologie de l’évaluation socioéconomique (ESE) complète l’évaluation financière classique des projets d’investissement publics, en intégrant un périmètre plus large de coûts et de bénéfices.

L’évaluation socio-économique (ESE) : Une méthodologie d’évaluation robuste 

L’ESE des investissements publics est d’abord une obligation légale. Depuis le 31 décembre 2012, les investissements publics[1] doivent faire l’objet d’une ESE préalable dès lors que le montant dépasse 20 millions d’euros ; le dossier d’évaluation devant être remis pour inventaire aux services du Premier ministre (Secrétariat général pour l’investissement, SGPI).

Au-delà de cette obligation réglementaire, l’ESE permet de questionner la valeur collective produite par la dépense publique. Dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires, l’évaluation systématique oriente les décideurs vers les projets les plus utiles par la réalisation de trois objectifs :

  • Evaluer rigoureusement les effets directs et indirects, par exemple sur l’environnement, sur le cadre de vie, sur la santé (physique et bien-être) des territoires ciblés par un projet d’aménagement urbain, d’infrastructure de transport ou dans l’enseignement supérieur.
  • Disposer d’indicateurs clairs pour choisir les investissements à plus forte valeur ajoutée. En monétarisant les impacts, l’ESE permet d’exprimer les coûts et les bénéfices dans une même unité de compte : l’euro. L’indicateur synthétique de la Valeur actualisée nette socioéconomique (VAN-SE) exprime à la date d’aujourd’hui des coûts et bénéfices attendus pour les années à venir. Ainsi, l’ESE permet de comparer des projets différents, ou des variantes d’un projet, en tenant compte de l’horizon temporel.
  • Valoriser les projets dans les territoires vis-à-vis des co-financeurs, des partenaires institutionnels, des usagers et du grand public. Le travail d’évaluation permet de mieux connaître les retombées des investissements publics, et donc de mieux communiquer auprès des acteurs concernés. L’ESE rejoint la boîte-à-outil des évaluateurs, en complément de l’analyse financière, de l’évaluation environnementale, et de l’évaluation classique de politique publique. Positionnée ex-ante, l’ESE donne au décideur des indicateurs clairs, fiables et contribuant à l’acceptabilité des projets.

Une méthodologie fondée sur les connaissances scientifiques, validée par un groupe d’experts

Le travail des évaluateurs est strictement encadré par une collection de guides méthodologiques, publiés par des groupes de travail (GT) supervisés par France Stratégie[2] . Généralistes ou sectoriels, les GT réunissent des spécialistes dans leur domaine (économie, santé publique, infrastructures…) afin de synthétiser les connaissances scientifiques et produire les outils à destination des évaluateurs.

Le rapport de référence est le Guide de l’évaluation socioéconomique des investissements publics[3] – dit « rapport Quinet » du nom du président de la Commission ayant piloté sa rédaction en 2017. Dans ce guide, les auteurs identifient les étapes principales pour réaliser une ESE, que nous résumons ainsi :

  • L’évaluation socioéconomique est une évaluation amont, basée sur des hypothèses de réalisation, et différentielle. Elle consiste à comparer deux projections : une option de référence, c’est-à-dire une situation dans laquelle le projet n’est pas mené, et une option de réalisation, avec le projet. C’est la différence entre ces deux situations qui constitue l’apport du projet d’investissement. L’application de cette méthodologie permet de prendre en compte le coût de l’inaction : quelle dégradation des biens si l’investissement n’est pas mené ?
  • L’évaluation socioéconomique est quantitative et qualitative : l’objectif poursuivi est de quantifier une majorité d’effets pour les mettre au regard du coût du projet. Cependant, tous les effets ne font pas l’objets d’étude économiques suffisamment poussées pour en déterminer une valeur monétaire, ils sont donc intégrés de manière qualitative à l’évaluation.

Le tableau ci-dessous, tiré du rapport Quinet, schématise les étapes systématiques d’une évaluation socioéconomique.

Depuis la loi de 2012 instaurant l’obligation d’ESE des investissements publics supérieurs à 20 millions d’euros, plusieurs rapports méthodologiques ont été publiés (ou sont en cours de rédaction) :

 

 

 

Prochain billet à suivre : Un exemple d'application de l’ESE au service de l’aide à la décision à un projet

 

 

[1] Les investissements publics sont ceux portés par « l'Etat, ses établissements publics, les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire participant seuls ou de concert au financement d'un projet d'investissement au sens du I sont soumis aux dispositions du présent décret, y compris lorsque le projet d'investissement est réalisé en tout ou partie par un tiers. » (Source : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028379985)

[2] Organisme de réflexion économique rattaché au bureau du premier ministre

 

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