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Dossier
La chasse au gaspillage énergétique est lancée. La France s’est fixé un objectif qui tient en quatre mots : neutralité carbone en 2050. Pour l’atteindre, il va falloir mener de front plusieurs efforts. C’est un défi de taille, mais à notre portée.
L’ambition de la France est claire : diminuer de moitié sa consommation énergétique d’ici 2050 par rapport à 2012. Cela demande la mobilisation de tous.
Nous sommes à un moment crucial où se décide la révision des engagements français pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et décliner l’engagement de l’Union européenne de réduire d’au moins 55% ses émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990 pour endiguer la dérive du climat et respecter les engagements européens. La période est aussi charnière qu’au lendemain des chocs pétroliers des années 1970.
Le défi est de taille : pour y parvenir, la France devra se débarrasser de 16 millions de tonnes équivalent CO2 chaque année d’ici 2030, alors qu'elle n’en a éliminé qu’un peu plus de 8 millions de tonnes par an depuis 2010, estime le Haut Conseil pour le climat.
Il faut donc reconsidérer toutes les sources de gaz à effet de serre, à commencer par l’énergie. L’objectif est connu : la sortie, le plus rapidement possible, des énergies fossiles de type pétrole, gaz ou charbon.
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à 15 Md€ d'investissements publics et privés supplémentaires seraient nécessaires chaque année jusqu’en 2023, et environ le double jusqu’en 2028 pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone en 2030 (i4CE).
Notre économie et nos modes de vie en sont encore trop dépendants : près de la moitié de l’énergie primaire que nous consommons est fossile, donc importée.
Une réduction drastique des émissions de GES implique des bouleversements dans plusieurs secteurs de l’économie, « demandeurs » d’énergie fossile, comme les transports, l’industrie ou le bâtiment. En dehors du contexte de crise énergétique aggravée par la guerre en Ukraine, tout le monde s’accorde sur un point : il y a urgence à agir.
L'aventurier suisse Bertrand Piccard, auteur du premier tour du monde à bord d'un avion solaire, est notre Grand Témoin du mois.
Répartition de la consommation d'énergie primaire en France en 2020
(données non corrigées des variations climatiques)
Pour réduire le réchauffement climatique dans les limites fixées par l’Accord de Paris, il faut désormais laisser les ressources fossiles dans le sol et cesser rapidement les nouveaux développements de projets pétroliers dans un scénario de limitation à 1,5°C de réchauffement.
En France, les énergies fossiles ont été le socle de la croissance économique au cours des Trente Glorieuses. Malgré les chocs pétroliers, le pétrole a alimenté le pays avec une énergie « bon marché » et facilement stockable. Or, poursuivre l’expansion pétrolière et gazière revient à créer des « bombes climatiques » qui ne sont même plus « à retardement » tant les effets du dérèglement se font déjà sentir… Il va falloir se désintoxiquer de cette « drogue dure », comme la surnomme The Shift Project, un think-tank qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone. La transformation écologique et sociale doit s’enclencher.
Motion design réalisé à l'occasion de la journée spéciale « Objectif 1,5°» organisée par la Caisse des Dépôts en juillet 2022.
Cette nécessité de transformer notre système énergétique n’est pas uniquement un impératif climatique mais aussi géopolitique. Il en va de la souveraineté énergétique du pays, et de l’Europe en général, trop dépendants des pays producteurs d’hydrocarbures. – par exemple le gaz russe il y a encore quelques mois… Disposer de sources de production bas carbone sur son territoire est un enjeu d’indépendance nationale.
Les projets ne manquent pas, mais les procédures administratives et contentieuses sont parfois lourdes. La France est le seul pays au sein de l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs en 2020. Le projet de loi d’accélération de la transition énergétique prévu fin septembre 2022 doit lever ces freins. Le texte prévoit notamment de simplifier les procédures et raccourcir les délais pour des projets solaires ou éoliens. Car, comme le soulignait le président de la République en visite sur le premier champ éolien marin de France à Saint-Nazaire, il faut 5 ans minimum pour obtenir un permis pour un parc photovoltaïque et 7 ans pour un parc éolien.
L’Europe a beaucoup de forces, mais la dépendance énergétique est une faiblesse européenne. La Caisse des Dépôts contribuera au financement de ce volet de la transformation du pays.
Pour satisfaire ses besoins en énergie, chaque pays utilise les énergies dont il dispose dans des proportions différentes : c’est ce qu’on appelle le mix énergétique (ou « bouquet énergétique »). Sa composition résulte de la disponibilité des ressources, de leurs coûts d’exploitation, des gains économiques, des risques induits et de leur impact environnemental. Il est très variable d’un pays ou d’une région à l’autre et peut évoluer fortement au fil du temps.
En 2020, la France a produit
1420TWh
d'énergie primaire, dont 75% de nucléaire, 24% d’énergies renouvelables et moins de 1% d’énergies fossiles (pétrole et gaz)
(source : ministère de la Transition écologique)
Mais on ne marche pas seul ! En réponse à la crise du gaz russe, la Commission européenne a demandé à ses membres d’assurer une certaine solidarité avec les Européens les moins bien lotis. Bruxelles demande de réduire volontairement la consommation de gaz de 15 % jusqu'au 31 mars 2023. Si chaque pays est souverain dans son choix de mix énergétique, l’engagement au niveau européen est fort. C’est à la fois une question de souveraineté et de solidarité.
Après deux ans de concertation, RTE (réseau de transport d’électricité, dont la Caisse des Dépôts est actionnaire de référence), a publié en octobre 2021 une étude sur l’avenir du système électrique français intitulé « Futurs énergétiques 2050 ». Ce travail met à la disposition de tous les éléments permettant d’éclairer les choix à venir. Il détaille six scénarios concernant les choix possibles sur le long terme si nous voulons respecter nos engagements climatiques. Quel que soit le scénario retenu (avec plus ou moins de recours à l’énergie nucléaire), RTE indique qu’il faut au moins doubler la production d’énergies renouvelables (ENR).
Crédit © RTE
Cela implique que nous construisions des infrastructures renouvelables plus vite que les pays européens les plus dynamiques pendant les 30 prochaines années (l’Allemagne pour l’éolien terrestre et le solaire, le Royaume-Uni pour l’éolien en mer) : c’est possible, mais c’est un énorme défi !
C’est une des raisons pour lesquelles le gouvernement actuel défend la part du nucléaire dans le mix énergétique, arguant que le nucléaire est l’énergie la moins carbonée à 4 g/kWh. Le nucléaire permet aussi de pallier les intermittences des ENR qui ne fournissent pas d’électricité 100% du temps.
Entre la fin des années 1970 et le début des années 1990, le programme électronucléaire français répondait à un souci d’autonomie énergétique à la suite des chocs pétroliers (d'où le célèbre slogan de l'Ademe : « En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées ! »). Aujourd’hui, ce choix suscite un débat dans le pays.
Pour répondre aux besoins futurs tout en respectant les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, la France devra donc produire davantage d’électricité qu’aujourd’hui, tout en assurant le remplacement de la majorité des installations qui composent son parc (nucléaire comme infrastructures renouvelables de première génération). L’enjeu est donc désormais d’orienter la consommation vers une électricité décarbonée. La majorité des sources de production qui alimenteront la France en électricité en 2050 n’existe pas aujourd’hui.
La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sont les outils dédiés à la mise en œuvre de cette politique. Ils sont en cours de révision et seront refondus en 2023 dans le cadre de la Stratégie Française Energie Climat qui intégrera également le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC). Le groupe Caisse des Dépôts se positionne en tant que contributeur à l’atteinte des objectifs nationaux.
Un levier majeur pour se passer du pétrole, du charbon et du gaz consiste à consommer moins d’énergie. Le dernier volet en date du rapport du GIEC d’avril 2022 donne une définition de la sobriété comme étant « un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète. »
C’est la première fois que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) insiste autant sur l’importance de la sobriété dans le combat que nous menons face au réchauffement climatique. Plus qu’un mot à la mode, la sobriété couplée à une meilleure efficacité énergétique et à un mix énergétique équilibré est une partie de la solution.
Être sobres énergétiquement signifie changer nos comportements, entre autres : se déplacer moins, chauffer moins, manger différemment. Elle repose sur la lutte contre le gaspillage et non sur l’accumulation et le court-terme.
1°C de chauffage en moins, c’est -7% de gaz consommé.
Les Français interrogés par l’Ademe se montrent plutôt disposés à faire des efforts de sobriété si ceux-ci sont accompagnés d’une organisation collective (comme par exemple la mise en place d’infrastructures cyclables pour réduire l’usage de la voiture en ville). La volonté serait d’axer la sobriété vers les ménages qui dépensent le plus, comme l’a montré le débat de l'été sur la régulation des jets privés.
Lire le Mook de l'Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts
Les dépenses liées à l’énergie font partie du quotidien des Français au même titre que l’alimentation et l’hygiène. Ultra dépendants au contexte géopolitique, les carburants et les énergies sont les secteurs dont les prix ont le plus augmenté depuis l’invasion russe en Ukraine.
La situation est déjà très difficile à vivre pour une partie des foyers français avec la montée des prix de l’énergie. Des changements de mode de vie sont inévitables.
L'écologie est la plus grande aventure du 21e siècle !
L’explorateur et environnementaliste suisse a réalisé le premier tour du monde à bord d’un avion uniquement propulsé par l’énergie solaire. Face à la crise de l'énergie, il propose une approche axée sur les solutions technologiques.
Focalisé pour atteindre l’objectif de réduction du réchauffement climatique à 1,5°, le groupe Caisse des Dépôts et ses filiales ont placé la décarbonation de l’économie au centre des priorités. Le Groupe agit en soutien des objectifs de la stratégie énergétique française.
Le contexte de crise énergétique a accentué la nécessité stratégique de penser et développer l’autonomie énergétique de la France. Trouver des alternatives, anticiper les besoins futurs tout en ne plombant pas le portefeuille des Français et en maintenant nos objectifs climat, telle est l’équation à plusieurs inconnus qu’il va falloir résoudre.
Les montants mobilisés par le groupe Caisse des Dépôts (dette et fonds propres) dans le domaine de l’énergie atteignent, à fin 2021 :
28 Md€
Par ailleurs, l’ensemble des financements mobilisés par le groupe sur 2020-2024 pour décarboner l’économie et réussir la transformation écologique s’élèveront à 60 Md€, soit environ 15% des besoins identifiés par le panorama d’I4CE.
Voir la politique climat du Groupe
Cet effort commun passe nécessairement par le développement significatif des énergies renouvelables (ENR), qui coûtent de moins en moins cher, attirant les investisseurs, devenant à la fois un investissement rentable et durable, selon la Commission de régulation de l'énergie.
Accélérer leur développement est une urgence tant climatique qu’économique et sociale. « Le temps du radicalisme est venu », a déclaré Eric Lombard, directeur général du groupe Caisse des Dépôts, lors de la journée spéciale « objectif 1,5° » organisée par le Groupe en juillet 2022.
Grâce à ses investissements dans la transformation de nos sources d’énergie (éolien, géothermie, etc.) et à des partenariats de long terme sur toutes les filières (photovoltaïque, hydraulique, biomasse), le groupe Caisse des Dépôts va générer d’ici 2024 :
8.8 GW
grâce aux énergies renouvelables
Il finance déjà un quart des ENR (éolien maritimes ou terrestres et photovoltaïque) sur le territoire pour les 5 ans à venir.
La Caisse des Dépôts, en tant que tiers de confiance, sécurise également gratuitement les fonds pendant toute la durée de vie d'un parc éolien grâce à la consignation. La sélection des projets soutenus prend aussi en compte leur impact sur le climat et sur la biodiversité ainsi que du degré de pollution locale qu’ils génèrent.
De son côté, Bpifrance, filiale de la Caisse des Dépôts, soutient beaucoup d’entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables, notamment les greentech.
La plus grande centrale solaire urbaine d'Europe a été inaugurée le 12 mai 2022. Son originalité ? Elle se déploie sur une ancienne décharge. Le potentiel d’installation sur les terrains dégradés (terrains militaires, anciennes décharges, terrains pollués, etc.) est limité car de nombreux permis ont déjà été déposés. La Banque des Territoires a participé à ce projet lumineux ! Visite guidée.
Crédit © Grand Angle / Caisse des Dépôts
Le développement des ENR conduit à rendre visible un système de production d’énergie jusqu’alors invisible (il n’y a pas de champs de pétrole ou de gaz en France…), ce qui peut provoquer la controverse, en premier lieu esthétique et patrimoniale. Il soulève un enjeu d’occupation de l’espace et de limitation des usages. C’est pour cela qu’il faut tenir compte du degré d’acceptabilité des projets en s’attachant à la préservation du cadre de vie et en limitant l’artificialisation des sols.
En comparaison, à l’horizon 2050, les surfaces artificialisées dédiées au système électrique représenteront de l’ordre de 20 000 à 30 000 hectares contre plus d’un million d’hectares pour le seul réseau routier français (RTE).
Accroître la part des ENR dans le mix énergétique français passe certes par l’augmentation de la production d’énergie solaire et la construction de nouvelles éoliennes, mais aussi par le soutien aux filières innovantes tel que l’hydrogène bas-carbone.
Remplacez une vieille ampoule par un éclairage LED, un vieux frigo par un réfrigérateur moderne ou une chaudière à gaz par une pompe à chaleur, vous obtiendrez le même usage tout en dépensant moins d’énergie : cela s'appelle l’efficacité énergétique.
À travers sa filiale CDC Habitat, le groupe Caisse des Dépôts investit dans la rénovation thermique des bâtiments publics et des logements sociaux.
Éviter le gaspillage en améliorant la précarité énergétique des ménages et ainsi, réduire les inégalités, est primordial. En effet, 60% des Français estiment que des travaux de rénovation énergétique seraient nécessaires chez eux mais seul 1 foyer sur 2 pense les réaliser, selon une étude du Crédoc de juin 2022.
Le Groupe vise la rénovation de 200 000 logements entre 2020 et 2024,
61 939 ayant été rénovés en 2021 (soit 31% de la cible déjà atteinte)
et 1,5M de m2 de bâtiments tertiaires.
Logement, chauffage, déplacement, alimentation, etc. : tous les secteurs du quotidien sont concernés. Les actions ayant le meilleur impact climatique consistent à remplacer les produits pétroliers (essence et gasoil) par de l’électricité (ou par de l’hydrogène, lui-même produit à partir d’électricité) dans les véhicules particuliers et les poids lourds, et à remplacer le fioul et le gaz fossile pour le chauffage dans le cadre de la rénovation des bâtiments.
Dans le domaine des mobilités, la Banque des Territoires veut financer l’équipement de 125 000 bornes de recharge pour véhicules électriques d’ici 2024 grâce à Logivolt (57 821 ont déjà installées en 2021).
Enfin, l’un des autres grands enjeux de la relance durable réside également dans l’amélioration de l’efficacité industrielle. Il faut des usines propres, plus sobres en énergie, en gaz carboné et cela, de façon pérenne. Le programme Territoires d'industrie constitue un des éléments de la solution.
Le moment est décisif. Nous devons aller plus loin dans les solutions à mettre en œuvre, en proposant des réponses collectives innovantes et globales aux grandes transformations et aux grands enjeux du monde actuel, entre tensions géopolitiques majeures, possible récession mondiale, bouleversements climatiques, etc.
L’adoption de la sobriété énergétique devrait faciliter la transition en réduisant plus vite la consommation d’énergie. Mais cela constitue un projet de société en tant que tel. Il est donc primordial d’arrêter le discours qui consiste à lier la sobriété uniquement à la sauvegarde de notre planète et comprendre qu’elle est bénéfique à tous !
Le meilleur argument en faveur de la neutralité carbone est celui qui consiste à démontrer qu’en maîtrisant nos énergies, nous maîtrisons nos coûts et avons donc moins de risques de voir la facture exploser. En résumé, la neutralité carbone est bonne pour le pouvoir d’achat des Français.
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