Ponts éventrés, télécommunications coupées, réseaux d’eau détruits… les terribles inondations qui ont balayé Valence en novembre ont mis à l’arrêt un territoire meurtri par des dommages humains et matériels sans précédents. Actifs estimés vitaux pour le fonctionnement d’un territoire, d’une entreprise voire d’un pays, les infrastructures critiques focalisent une nouvelle fois l’attention face à l’accélération des changements climatiques. Afin d’éviter les défaillances en cascade potentielles le long des multiples réseaux qui irriguent les activités socioéconomiques et le bien-être des populations, de plus en plus d’opérateurs tentent de renforcer leurs actions en matière de sécurité et d’anticipation des risques climatiques.

Des infrastructures critiques aux risques de défaillance en cascade

Face aux changements climatiques, une infrastructure critique désigne un actif ou un réseau dont la vulnérabilité est liée à la continuité d’activités sociales ou économiques à l’échelle d’un territoire ou d’une entreprise. Plus exactement, une infrastructure critique s’inscrit dans un maillage d’autres actifs, ressources et acteurs qui le composent. Les secteurs socioéconomiques généralement associés aux infrastructures critiques englobent des ressources (agricoles, en eau, en énergie…), des services (financiers, sécurité, secours…) ou encore des bâtiments et des réseaux (télécommunications, santé, transports…). En termes d’actifs, cela peut inclure les infrastructures sociales (centres sanitaires et médicosociaux publics et privés, habitations, patrimoine culturel bâti…) ou les ouvrages écologiques (protection contre les inondations, trames vertes et bleues, gestion des déchets…).

L’emploi du terme « critique » fait référence à l’idée d’interdépendance entre les actifs de ce maillage dont le fonctionnement optimal dépend de celui de ses actifs ou réseaux. Or, dans un monde en pleine dynamique de globalisation, les réseaux d’infrastructures sont de plus en plus interconnectés, notamment en ce qui concerne l’énergie (et l’électricité) et la communication (et les TIC : Techniques de l'information et de la communication). Dès lors, les possibilités de défaillance en cascade à la suite d’impacts climatiques tendanciels ou d’ampleur augmentent également (figure 1).

Figure 1. Exemples de défaillances en cascade issus d'infrastructures de réseaux électriques soumises à des risques d'augmentation de températures 

© Auteur, inspiré de France Stratégie, 2022

Des opérateurs de réseaux proactifs sur leurs infrastructures critiques

Afin de se prémunir de tels scénarios, les opérateurs de réseaux sensibles décuplent leurs efforts pour mieux s’adapter aux nouvelles réalités climatiques.

Les réseaux de GRTgaz se projettent déjà dans une France à +4°C

À l’échelle du pays, le réseau de GRTgaz représente 32 000 kilomètres de canalisations haute pression pour acheminer la ressource en gaz à 11 millions de foyers, 693 industriels et 12 centrales de production d’électricité. Afin d’anticiper une intensité et une fréquence accrue des risques climatiques sur son réseau, GRTgaz effectue désormais ses diagnostics de vulnérabilité en s’alignant sur les scénarios de la TRACC (Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique) : une France à +4°C en 2100 est devenue l’hypothèse de travail, tant pour la planification que le développement et la gestion des activités et des actifs à moyen et long terme. L’objectif de ces études est de renforcer le catalogue des risques étudiés et leur mise en cartographie via un couplage avec les données climatiques disponibles (données DRIAS, plateforme R4RE[i] , etc).

À titre d’exemple, certains résultats d’évaluation des risques climatiques futurs montrent qu’un nombre important de canalisations traversant des cours d’eau pourraient être concernées dans le cas d’une évolution des précipitations extrêmes supérieure à 50 %. En effet, ce scénario pourrait entrainer une élévation de la hauteur de crue et de la force du courant, notamment en cas de crue centennale, à même de détériorer les ouvrages et d’arrêter les flux d’acheminement de la ressource. Pour pallier ces éventualités, l’opérateur étudie d’ores et déjà les possibilités de redimensionnement adéquat des canalisations ciblées voire, le cas échéant, de remplacement des traversées sous-fluviales concernées en passant de manière plus profonde via un forage horizontal dirigé. Plusieurs de ces vérifications techniques s’appuient sur des expertises réalisées par le centre de recherche de GRTgaz.

Transdev : la variété des déploiements territoriaux au service de l’innovation

Opérateur de mobilité pour le compte d’autorités organisatrices qui émanent des collectivités territoriales ou des régions de transport public, le groupe Transdev assure le transport de 12 millions de passagers par jour par différents modes. Il n’est pas propriétaire des réseaux et des ouvrages de voirie mais il assure la gestion des dépôts de bus, du matériel roulant, de la mobilisation des personnels ou encore des centres de maintenance.

Face aux impacts climatiques en augmentation sur ses activités, les méthodes mises en place pour répondre aux défis de l’adaptation aux changements climatiques ont été élaborées, entre autres, à partir de retours d’expériences. En effet, les différentes conditions météorologiques des territoires où sont déployées les activités du groupe facilitent la remontée d’informations sur lesquelles peuvent être bâties des options de réorganisation. Ainsi, l’expérience de pays qui connaissent déjà des situations de météo extrême (comme le froid extrême du Canada qui fait geler le carburant des bus ou, à l’opposé, les importantes températures de l’Arizona qui font monter la température du bitume jusqu’à 70°C) interroge les capacités de services de transports et du matériel roulant.

Ces expériences à travers le globe permettent de cibler les sites les plus exposés aux défis météorologiques locaux puis de collecter des informations sur les pratiques et les façons de réagir. La liste élaborée et mise en place au siège du groupe Transdev est alors partagée avec l’ensemble des filiales afin de leur permettre d’être mieux préparées le jour où leurs activités expérimentent des aléas climatiques extrêmes. Les retours d’expériences les plus innovantes sont approfondis et soulignés afin de constituer des options d’adaptation aux évolutions climatiques à venir dans une démarche de partage de bonnes pratiques (comme faire rouler les tramways la nuit à faible vitesse pour maintenir la chaleur des caténaires en Irlande lors de grands froids ou encore la surélévation de panneaux électriques dans des territoires sujets à inondations répétitives).

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Cet article est issu du webinaire du 15 octobre 2024 du Comité 21 (« La résilience des infrastructures critiques à l’épreuve du climat) » dans le cadre de son programme « adaptation aux changements climatiques » . La Caisse des Dépôts soutient, via l’Institut pour la recherche, les activités du Comité 21 (Comité français pour l'environnement et le développement durable). Crée en 1995 dans le but de faire vivre en France l’Agenda 21 (programme d’actions pour le XXIe siècle, ratifié au Sommet de la Terre de Rio), le Comité 21 accompagne les organisations dans la mise en place du développement durable.