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Dans un contexte de réformes successives des retraites, relevant l’âge d’ouverture des droits (AOD) et durcissant les conditions d’accès à une retraite à taux plein, la question de la capacité des personnes en situation de santé dégradée à différer leur départ est souvent évoquée. Le risque de départ en invalidité est donc susceptible d’augmenter. Le numéro 43 de Questions Politiques Sociales – Les études de la Direction des politiques sociales de la Caisse des dépôts apporte un éclairage sur cette question en analysant l’évolution du recours au dispositif d’invalidité par les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, notamment entre les générations nées entre 1946 et 1956. Ce billet reprend les principaux résultats de l’article publié.
Les flux de départ en invalidité des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, d’environ 5 500 personnes par an au début des années 2010, ont beaucoup augmenté au cours de la décennie jusqu’à atteindre le chiffre de 8 300 départs en 2019, avant de se stabiliser entre 2020 et 2023 à un niveau légèrement supérieur à 7 000 départs par an (graphique 1). Ces évolutions doivent beaucoup à l’augmentation de l’âge moyen des fonctionnaires en activité puisque la probabilité de partir en invalidité augmente sensiblement avec l’âge. Par ailleurs, les réformes successives des retraites, en relevant l’âge d’ouverture des droits (AOD) et en durcissant les conditions d’accès à une retraite à taux plein, ont pu contribuer à générer des départs plus nombreux en invalidité chez les personnes dont l’état de santé ne leur permettait pas de se maintenir plus longtemps en activité.
Champ : fonctionnaires territoriaux et hospitaliers partis au titre de l’invalidité selon la date d’effet de la pension.
Lecture : en 2023, 7 200 fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sont partis en invalidité.
Si l’on privilégie une approche par année de naissance, prise globalement, la prévalence de l’invalidité (i.e. la part d’agents concernés) ne semble pas drastiquement se modifier entre les générations 1946 et 1956. Toutefois l’analyse par sexe, catégorie hiérarchique et versant de la fonction publique laisse apparaître des dynamiques nettement plus contrastées, voire opposées. Dans la Fonction publique hospitalière (FPH), la part des départs en invalidité des femmes recule au fil de ces générations pour toutes les catégories. A l’inverse, chez les femmes de la Fonction publique territoriale (FPT), la prévalence de l’invalidité progresse à partir de la génération 1951, première génération concernée par le décalage de l’AOD induit par la réforme de 2010, en particulier pour les agents de la catégorie C dont la part des départs en invalidité passe de 12,3 % à 15,2 % entre les générations 1951 et 1956. La part des départs en invalidité des hommes augmente également pour ces générations mais de manière beaucoup moins marquée (graphique 2).
Ces évolutions divergentes selon le versant et le sexe semblent être en partie expliquées par des différences en matière d’éligibilité aux dispositifs de départs avant l’AOD : plus la possibilité de recourir à des dispositifs de départs anticipés (au titre de la catégorie active, pour motifs familiaux ou carrière longue, notamment) est importante et moins le décalage de l’AOD est susceptible d’entraîner une hausse de l’invalidité (graphique 3). À titre d’illustration, dans la FPH, près de huit femmes de catégorie C sur dix nées en 1956 partent à la retraite au titre de l’un de ces dispositifs de départ anticipé, contre seulement quatre sur dix au sein de la FPT. Or, entre les générations 1946 et 1956, le recours à l’invalidité est globalement stable chez les femmes de catégorie C de la FPH alors qu’il augmente très significativement chez celles de la FPT.
Par ailleurs les départs en invalidité sont sensiblement plus tardifs chez les générations les plus récentes. Ainsi, chez les invalides de la FPT, la part des départs après 62 ans augmente de 12 points entre la génération 1950 et la génération 1956 (graphique 4). Ce résultat suggère que le relèvement de l’âge d’annulation de la décote et l’allongement de la durée d’assurance requise pour le taux plein ont pu augmenter les bascules en invalidité chez les personnes dont l’état de santé était difficilement compatible avec le maintien en activité jusqu’à l’obtention du taux plein.
Champ : fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, hors affiliations de moins de 15 ans.
Lecture : parmi les femmes nées en 1956 et parties à la retraite en catégorie C dans la fonction publique territoriale, 15,2 % ont liquidé au titre de l’invalidité.
Champ : fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, hors affiliations de moins de 15 ans.
Lecture : parmi les femmes retraitées anciennes fonctionnaires territoriales de catégorie C de la génération 1956, 21 % sont parties au titre d’une carrière longue et 19 % pour motifs familiaux.
Champ : fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, hors affiliations de moins de 15 ans.
Lecture : à l’âge de 60 ans, 8,0 % des fonctionnaires territoriaux nés en 1950 sont invalides.
Vous pouvez retrouver l’étude complète, réalisée par Pierrick Joubert et Gabin Langevin, « Évolution des départs en invalidité des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers » dans Questions Politiques Sociales – Les études n°43, ainsi que les données des graphiques et tableaux sur le site https://politiques-sociales.caissedesdepots.fr/ à la rubrique Publications et statistiques. Y sont disponibles l’ensemble des publications de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts. QPS – Les études a vocation à faire connaître les résultats des travaux d’études dans l’ensemble des domaines de la protection sociale (retraite, vieillissement, handicap…) et de la formation professionnelle. La collection est complétée par QPS – Les cahiers, qui est une série de documents de travail diffusant des études approfondies, et QPS – Les brèves, qui propose des éclairages statistiques.