En France, le coût annuel moyen des dommages causés par les inondations - et assurés au titre du régime CAT NAT (Catastrophes Naturelles) - s’élève à 800 millions d’euros. Pourtant, 35 % d’entre eux pourraient être évités si des dispositifs de gestion de crise efficaces étaient mis en place. Un constat à ne pas négliger quand on sait que le taux de dommages annuel devrait augmenter de 60% à 110 % à l’horizon 2050. Quelles solutions s’offrent aux territoires pour prévenir les inondations et réduire ces dommages. Eclairage avec Jonathan Cantarel.

Les inondations ont particulièrement marqué l’année 2024. Quel bilan en tirez-vous ?

En 2024, la France a subi de graves inondations avec des événements marquants occasionnant des coûts de dommages importants, estimés par la Caisse centrale de réassurance (CCR) à 462 millions d’euros de dégâts dans les Hauts-de-France et à 300 millions d’euros sur le secteur de Rive-de-Gier à Annonay.  A eux seuls, ces événements ont atteint le seuil annuel de 800 millions d’euros faisant de 2024 une année noire pour les assureurs et les collectivités. L’année 2025 poursuit malheureusement cette tendance, comme en témoignent les récentes inondations en Bretagne, dont le coût est estimé entre 130 et 160 millions d’euros.  Ces évènements soulignent l’urgence d’améliorer notre connaissance et notre gestion des risques d’inondation.

Quels sont les principaux obstacles à une prévention efficace des inondations en France ?

Trois freins majeurs entravent actuellement nos efforts de prévention. D’abord l’aspect financier : les collectivités, particulièrement celles ne disposant pas de programmes d'action de prévention des inondations (PAPI), peinent à financer les mesures préventives nécessaires dont le coût est considérable.

Ensuite nous constatons un manque crucial d'échanges et de concertation ce qui entraine un cloisonnement des informations entre les acteurs publics et privés. Cela nuit considérablement à l’efficacité de la gestion des risques. Trop souvent, les acteurs impactés (gestionnaires d’infrastructures, assureurs) restent en marge des réflexions et des programme mis en place.

Enfin, la complexité réglementaire et la répartition des compétences compliquent la coordination des actions en matière de prévention et de gestion des risques d'inondation.

Comment évalue-t-on concrètement le risque d’inondation sur un territoire ? Selon quels critères et quelles méthodes ?

L'évaluation des risques d’inondation repose sur une méthodologie scientifique rigoureuse permettant d’établir une cartographie des zones inondables. Des modèles hydrauliques transforment les données de précipitations en débits et simulent la propagation de l'eau. L'État a d'abord établi une cartographie nationale des zones potentiellement inondables, puis ciblé les territoires à risques importants pour établir des cartographies réglementaires (PPRI). Les collectivités peuvent également engager des Programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) pour cartographier des zones spécifiques et réduire le risque. Aujourd’hui, ces cartographies ne couvrent pas tous les périmètres exposés et certaines deviennent progressivement obsolètes dans un contexte d’augmentation de la récurrence des phénomènes extrêmes.

Quelles sont les principales mesures de prévention mises en œuvre pour protéger les populations et les infrastructures face au risque d'inondation ?

La prévention des risques d'inondation repose sur un ensemble de mesures complémentaires, déployées à différentes échelles territoriales.

  • L'information et la sensibilisation. Les préfectures élaborent le Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM), tandis que les communes produisent le Dossier d'Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM). Ces documents essentiels, associés à des campagnes de communication ciblées, permettent aux citoyens de comprendre les risques et d'adopter les comportements appropriés.
  • La planification urbaine. L'État établit des Plans de Prévention des Risques Inondation (PPRI) qui encadrent strictement l'aménagement du territoire. Ces plans délimitent les zones constructibles et définissent les prescriptions adaptées à chaque niveau de risque.
  • Pour maîtriser les écoulements, plusieurs types d'aménagements sont déployés. Les collectivités privilégient désormais les Solutions fondées sur la nature (SFN), comme les zones d'expansion des crues, plutôt que les ouvrages traditionnels tels que les digues. Les bassins de rétention complètent ce dispositif en régulant temporairement les volumes d'eau.
  • La réduction de la vulnérabilité s'appuie sur des mesures concrètes au niveau des bâtiments. Des diagnostics permettent d'identifier les points faibles et de préconiser des solutions adaptées : installation de batardeaux, aménagement d'étages refuges, ou acquisition d'équipements de protection individuelle.
  • La surveillance et l'anticipation des crues s'organisent autour de deux dispositifs complémentaires : Vigicrues assure le suivi en temps réel des cours d'eau. Météo-France émet les alertes météorologiques.
  • La préparation à la crise repose sur une planification rigoureuse. Les communes élaborent des Plans Communaux de Sauvegarde (PCS) et des Plans Intercommunaux de Sauvegarde (PICS), régulièrement testés lors d'exercices de simulation impliquant la population.

L'efficacité de ces dispositifs de prévention complémentaires repose sur une coordination étroite entre tous les acteurs : services de l'État, collectivités territoriales, gestionnaires d'infrastructures et citoyens.

Dans ce contexte, qu’apporte votre solution Vigie Risk ?

Vigie Risk est une solution digitale, développée par Egis avec le soutien de l'accélérateur d'impacts de la Banque des Territoires. Elle propose une approche novatrice pour la gestion des risques d'inondation, couvrant l'intégralité du cycle de l'inondation : avant, pendant et après.

  • Avant : Vigie Risk offre une cartographie détaillée des zones inondables, enrichie de scénarios de risques, permettant d'identifier les secteurs les plus vulnérables et d’optimiser les stratégies préventives, allant de la sensibilisation des populations à la mise en place de mesures structurelles, ou non structurelles.
  • Pendant : Vigie Risk se distingue par sa capacité à cartographier en temps réel les zones inondées. Grâce à l'intégration de données provenant de capteurs et de stations de mesure, cette solution offre une représentation dynamique et évolutive de la situation. Elle permet ainsi aux acteurs de suivre en direct la progression des inondations, d'anticiper les zones qui seront touchées de façon prévisionnelle et de prendre des décisions éclairées pour protéger les personnes et les biens.
  • Après : une fonctionnalité de rétro-simulation, rejouant l'événement passé, permet d'analyser en détail le déroulement de la crise, d'identifier les points forts et les points faibles de la gestion, pour en tirer des enseignements visant à améliorer les plans de prévention et de gestion de crise futures.

De par sa capacité à intégrer des données en temps réel, à offrir des prévisions et à faciliter l'analyse des événements passés, Vigie Risk se positionne comme une solution complète pour aider les acteurs à anticiper, gérer et tirer des leçons des inondations.

©Egis

 

À qui s'adresse Vigie Risk, et comment accompagnez-vous ces acteurs ?

Vigie Risk s’adresse à trois publics principaux : les collectivités territoriales, en première ligne face aux inondations ; les gestionnaires d'infrastructures, responsables de réseaux (eau, électricité, transport) ou de patrimoine immobilier. Et le secteur des assurances, crucial dans l'évaluation et la couverture des risques, qui trouve un intérêt majeur dans les informations et les outils proposés par Vigie Risk.

L'accompagnement des professionnels par Vigie Risk se veut modulaire et adaptable aux besoins spécifiques de chaque utilisateur. Plutôt qu’une approche standardisée, Vigie Risk permet aux professionnels de choisir les fonctionnalités qui correspondent le mieux à leurs problématiques. Ensuite, la plateforme se veut ergonomique et intuitive, offrant une prise en main facile y compris pour les utilisateurs ne disposant pas d'une expertise approfondie en gestion des risques d'inondation.

Au-delà des outils technologiques, les équipes d'Egis proposent également un service de conseil et d'aide à la décision. Les acteurs concernés peuvent ainsi bénéficier d'un soutien tout au long du processus, depuis l'analyse des risques jusqu'à la mise en œuvre de mesures de prévention et de gestion de crise. L'objectif est de permettre aux acteurs de prendre des décisions éclairées et d'agir de manière efficace pour protéger les populations et les biens face aux inondations.

Auriez-vous un exemple concret de la mise en application de Vigie Risk ? Qu’a-t-il permis de faire ou d’éviter ?

Nous déployons actuellement des expérimentations pour des collectivités dans l’objectif de les aider dans la supervision temps-réel et prévisionnelle des zones inondées pour optimiser la gestion de crise. Cela notamment en identifiant des secteurs impactés et les aidant à anticiper l’évolution de l’événement pour protéger les populations et les biens (évacuations préventives, balisage des routes, gestion de trafic, etc.).

Pour les gestionnaires d’infrastructures, le déploiement de Vigie Risk a pour objectif de répondre à des besoins plus opérationnels pour garantir la continuité de service, identifier les actions les plus pertinentes à entreprendre pour sécuriser les infrastructures (transformateurs électriques, actionnement de pompes de relevage, etc.) et pour protéger les usagers (fermetures de routes, prévention des risques de pollution, etc.).

Pour terminer, pouvez-vous nous parler d’Aquamunia, votre offre globale de gestion des risques ?

Face à la complexité croissante des risques d'inondation et au manque de clarté quant aux solutions existantes, trois acteurs reconnus dans leurs domaines offrent aujourd’hui un ensemble de produits digitaux et d’expertises sur toute la chaîne du risque :

  • Surveiller les cours d’eau en temps-réel grâce aux microstations de suivi développé par la start-up VorteX-io : ces stations compactes et faciles à déployer permettent un maillage fin des territoires, y compris sur les cours d’eau non couverts par le réseau traditionnel Vigicrues.
  • Analyser et prévoir le risque grâce aux cartographies dynamiques temps-réel et prévisionnelles des zones inondées apportées par Egis : les niveaux mesurés par les capteurs de suivi de cours d’eau sont directement retranscrits en zones inondées grâce à la technologie innovante Vigie Risk
  • Protéger les territoires et les populations grâce à la numérisation des Plans (inter) Communaux de Sauvegarde (PCS/PICS) et les processus d’intervention digitalisés développé par la start-up Numérisk

Au-delà des outils digitaux, Aquamunia propose une gamme complète de services d'expertise : études techniques pour la prévention, la réglementation du risque, élaboration de stratégies de réduction des risques et gestion des eaux pluviales. Notre objectif est d'accompagner les acteurs à chaque étape de leur démarche de protection contre les inondations.