cicéron
c'est poincarré
Les critiques dont font régulièrement l’objet tel ou tel contrat de concession, de délégation de service public ou un marché de partenariat (« PPP » au sens large) conclu par une collectivité locale (coût élevé pour la collectivité ou les usagers) tendent à occulter la vertu fondamentale de ces montages : leur capacité à livrer des ouvrages ou travaux complexes dans les coûts et les délais - si ce n’est parfaitement, de façon beaucoup plus fiable que les projets menés en maîtrise d’ouvrage publique directe ou en régie. Lorsque la question nous est posée par un élu ou un DGS de « pourquoi recourir au PPP ? » pour construire des écoles ou une ligne de tramway, la réponse la plus simple et la plus directe que nous lui apportons est : « pour mener le projet vite et bien ».
Le deuxième atout majeur des PPP est la sécurisation, voire la « sanctuarisation », du financement nécessaire à l’aboutissement du projet. La collectivité s’économise de fait l’effort de devoir négocier avec des prêteurs pour réunir le montant à financer.
Enfin, les PPP facilitent l’assemblage de compétences multiples pour les phases de travaux, puis d’exploitation et d’entretien d’ouvrages complexes impliquant différentes spécialités techniques (BTP, équipements électrifiés, numérique …).
Ces montages constituent ainsi de formidables outils de réalisation de projet complexes et évolutifs des collectivités locales, à condition (i) d’être appréhendés avec les bons modes d’organisation et (ii) d’anticiper certains de leurs écueils potentiels.
Le recours aux PPP est fréquemment pensé comme un outil d’externalisation du financement des investissements. C’est, par exemple, au cœur de la tempête de la crise financière de 2008 qu’il a été choisi par l’Etat de recourir aux PPP pour réaliser les 3 lignes à grandes vitesses (LGV) entrées en service en 2017.
La mission de financement des investissements est, certes, caractéristique de ces contrats, mais elle ne doit pas faire oublier l’impact de ce montage sur la gestion du projet : déléguer la maîtrise d’ouvrage au titulaire. Ce faisant, l’acheteur public s’économise la gestion opérationnelle, contractuelle et administrative d’une multiplicité d’intervenants et de démarches administratives. Il s’éloigne du rôle de maître d’œuvre pour se concentrer sur les rôles de prescripteur et d’acheteur ayant défini son besoin fonctionnel et se reposant pleinement sur son maître d’ouvrage délégué pour y répondre.
Ce n’est pas un hasard si la concession a été utilisée à grande échelle en France pour financer et réaliser des infrastructures innovantes à leur époque : chemins de fers, autoroutes, et plus récemment réseaux d’initiative publique très haut débit. A l’époque où ces concessions ont été lancées, la collectivité publique identifiait un risque technique, qu’elle souhaitait faire supporter par un industriel compétent, et économique, au vu des incertitudes quant à la montée en puissance des usages et des recettes associées.
Le transfert de responsabilité et de risques, inhérent à ces montages, rétroagit donc sur le rôle que joue le maître d’ouvrage public dans leur mise en œuvre : il transfère le pilotage opérationnel de la réalisation du projet au titulaire du contrat.
Le pilotage contractuel par une collectivité locale d’un PPP est naturellement plus complexe que celui d’un simple marché de travaux, mais elle n’aura à passer puis à suivre qu’un seul marché au lieu de plusieurs dizaines, voire centaines, habituellement. La bonne pratique consiste à rassembler en « équipe projet » une palette de compétences internes à la collectivité (techniques, mais aussi contractuelles et financières) généralement transverse à plusieurs directions ou services. Il est également fortement recommandé de mandater une assistance à maître d’ouvrage, rompue à ce type de montages (avocat ou ingénierie spécialisé(e)), en fonction des compétences maîtrisées par l’acheteur public. Les compétences mobilisées peuvent être structurées à deux niveaux : un groupe de travail au quotidien et un comité de pilotage réunissant périodiquement la direction des services et élus concernés par le projet. Au global, le niveau de mobilisation des moyens internes de l’acheteur public pour la réalisation d’un PPP reste nettement inférieur à celui nécessaire en maîtrise d’ouvrage publique.
Les PPP sont fréquemment critiqués pour leur coût de financement supérieur au coût d’emprunt de la collectivité. Ce surcoût apparent s’explique par la « prime d’assurance » nécessaire au titulaire pour assumer les risques contractuels, techniques, financiers transférés. Si les PPP ont été financés depuis 2004 le plus souvent en totalité par financement de projet, assorti d’un mécanisme de cession Dailly, il est possible d’abaisser leur coût de financement si la collectivité verse une subvention d’investissement ou un premier loyer majoré à la livraison des ouvrages, financée par emprunt aux conditions habituelles.
La « rigidification » des dépenses d’entretien de la collectivité dans la durée pointée du doigt dans un PPP tient généralement au niveau d’exigence de la collectivité quant à l’état des biens de retour en fin de contrat. Rien n’interdit de prévoir un dispositif de modulation du niveau d’entretien des ouvrages - avec préavis - à son initiative, lui permettant d’effectuer dans la durée ses arbitrages entre contraintes budgétaires et état des ouvrages.
Un autre écueil potentiel pour un acheteur public consiste en une modification tardive, en cours de vie contractuelle du PPP, des fonctionnalités recherchées ou son « intrusion » dans la mission du maître d’ouvrage délégué (choix des matériaux, d’une solution technique, influence sur le geste architectural …). La vigilance doit être de mise pour la collectivité sur ce point.
Il est enfin parfois reproché aux PPP une certaine opacité du fait de l’interposition d’une société de projet. La collectivité peut participer à la gouvernance de la société de projet en recourant à la SEMOp ou aux dispositions de l’article 80 de l’ordonnance « marchés publics » du 23 juillet 2015 (participation minoritaire au capital de la société de projet), participant ainsi directement à sa gouvernance. La Banque des Territoires peut venir compléter le tour de table pour une gouvernance tripartite, plus équilibrée.
Une utilisation originale, innovante et pertinente dans le contexte post-crise sanitaire, des PPP est envisageable pour des projets d’adaptation, puis d’évolution dans la durée (en ce compris l’exploitation et l’entretien) d’ouvrages existants, y compris, avec le marché de partenariat, ceux relevant de services publics « gratuits » tels que voirie municipale, signalisation, mobilier urbain, éclairage public …
Dans le contexte post-crise sanitaire, marqué par de fortes évolutions et une instabilité potentielle des préférences modales de la population pour les mobilités du quotidien (télétravail, réticence potentielle à utiliser les transports en commun, essor du vélo, résurgence de l’autosolisme …), les PPP peuvent notamment constituer un outil puissant, pour planifier, puis réaliser efficacement, les travaux d’adaptation et assurer de façon agile l’évolution dans la durée de la voirie municipale et, plus largement, de l’équipement de espace public du « cœur de ville » des villes moyennes :
Action Cœur de Ville revitalise les centres-villes de demain : découvrez comment la Banque des Territoires se mobilise pour accompagner la réalisation des projets portés par ces territoires