Dans le contexte d’érosion de la biodiversité largement documentée, les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la réduction de leurs impacts sur la biodiversité, mais aussi dans la restauration et la valorisation de la biodiversité et des écosystèmes. Parallèlement aux changements climatiques, la sensibilisation des entreprises sur la biodiversité progresse rapidement depuis quelques années. Plusieurs d’entre elles ont mené des études pour mesurer et diminuer l’impact de leurs activités sur la biodiversité, en particulier dans les secteurs plus directement liés à l’exploitation des ressources naturelles. Les entreprises comprennent également que la prise en compte de la biodiversité permet d’être mieux notées dans les systèmes de cotation (rating) qui intègrent de plus en plus les standards environnementaux. Cette prise de conscience a favorisé les échanges avec les parties prenantes et a notamment contribué au déploiement des initiatives d’entreprises en faveur de la biodiversité.

Contexte

Depuis la publication de l’évaluation mondiale de l’état de la biodiversité et des services écosystémiques par l’IPBES en 2019, nul ne peut nier la dynamique d’effondrement de la biodiversité et la responsabilité des activités anthropiques. Le secteur privé a ainsi un rôle essentiel à jouer pour enrayer l’effondrement du vivant, en portant des projets de développement durable et en permettant une transition vers un modèle économique. Plusieurs facteurs hiérarchisés dans l’évaluation de l’IPBES sont à l’origine de cette érosion de la biodiversité (Figure 1).

Source : IPBES

Les interdépendances entre entreprises et biodiversité

Au-delà des impacts des activités humaines sur les écosystèmes, il existe de réelles dépendances entre économie et biodiversité. Ces dépendances s’observent principalement par le biais des services écosystémiques, définis comme étant « les bénéfices que les humains tirent des écosystèmes » (MEA 2005) (Figure 2).

 

Ainsi, la prise en compte de la biodiversité dans les modèles des entreprises ne peut se faire sans qu’elles aient une connaissance précise des enjeux qui y sont liés, et notamment sans pouvoir mesurer et évaluer les impacts et dépendances de leurs activités avec la biodiversité.

 

La mesure des impacts et de l’empreinte biodiversité

De nombreux outils d’évaluation ou de prise en compte de la biodiversité existent ou sont en cours de développement, chacun ayant sa spécificité et répondant à des attentes différentes en fonction de la situation de l’entreprise. Ils se distinguent à la fois par leurs échelles d’application (produit, entreprise, territoire, etc.) ou le périmètre considéré de la chaîne de valeur (en amont, sur site ou en aval), par les différentes composantes et dimensions de la biodiversité prises en compte (espèces, habitats, services écosystémiques, etc.) ainsi que par les moyens de mesure utilisés (reporting, relevés de terrain, méthodologies, audits interne, etc.). Actuellement, il existe une dizaine d’outils en cours de développement (WWF, 2019 ; Mission Economie de la Biodiversité, 2020) parmi lesquels le Global Biodiversity Score (GBS). Présenté par CDC Biodiversité en mai 2020, le GBS permet d’évaluer l’empreinte biodiversité des activités économiques et des institutions financières ; et mesure les impacts de l’activité de l’entreprise sur la biodiversité tout au long de sa chaîne de valeur (analyse du cycle de vie du produit généralisée à l’ensemble du processus productif) (Figure 3).

Centré sur la biodiversité elle-même, le GBS repose sur une métrique agrégée compréhensible par tous et mesurant l’empreinte biodiversité des entreprises de différents secteurs à l’échelle de toute la chaîne de valeur.

En parallèle, les initiatives visant à créer un système comptable intégratif des enjeux environnementaux se développent telles que la Chaire Comptabilité Écologique, à l’initiative d’AgroParisTech et portée par les Universités de Reims Champagne-Ardenne et de Paris-Dauphine, LVMH, CDC  Biodiversité, Compta Durable et le Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables de Paris Île-de-France.

Des business models développés autour de la biodiversité

Les risques et opportunités liés à la biodiversité sont nombreux et doivent convaincre les entreprises quelles qu’elles soient de leur intérêt économique à agir. Dans le contexte actuel, les entreprises sont amenées à revoir leur business model initial pour développer une réflexion de long terme correspondant aux enjeux globaux actuels et à venir. L'interdépendance forte entre la biodiversité et leurs activités rend les enjeux importants tant pour la nature que pour l’entreprise qui peut tirer de son action de nombreux avantages :

 

Pour optimiser la prise en compte de la biodiversité et l’intégrer au mieux dans leurs modèles économiques, les entreprises ont la possibilité d’appréhender la biodiversité selon trois leviers :

 

  1. La biodiversité comme ressource économique. Cette première approche de la biodiversité consiste à reconnaitre la forte dépendance des activités productives vis-à-vis de la biodiversité. Les deux exemples les plus emblématiques sont les entreprises du secteur de l’extraction (matières premières) ou encore du tourisme (argument de vente) ;
  2. La biodiversité comme socle de valorisation des actions menées. Il s’agit ici d’actions volontaires d’entreprises souhaitant mettre en évidence les pratiques réalisées par la reconnaissance de la qualité environnementale des produits via des labels ou certifications (présence de chartes, cahiers des charges ou de clauses spécifiques) ;
  3. La biodiversité comme objet règlementaire. Dans cette troisième approche, la préservation de la biodiversité fait l’objet d’une régulation publique, soit par la contrainte avec le principe pollueur-payeur (comme dans le cas des normes ou des taxes environnementales), soit par l’incitation, comme dans le cas des subventions ou des exonérations.

Dans ces trois cas, il existe des marchés économiques et des débouchés donc une réelle possibilité de déployer des business models potentiels. Il nous faut donc réfléchir à créer des contextes favorables à ces différentes logiques économiques, dans les trois approches, en conservant le souci symétrique de l’intérêt pour l’emploi et la croissance, et de celui de la préservation du patrimoine naturel commun.

Des initiatives regroupant les entreprises agissant en faveur de l’environnement

Depuis quelques années désormais, de nombreuses initiatives créées par ou pour les entreprises voient le jour afin de constituer une communauté de bonnes pratiques tout en encourageant les membres ou signataires à s’engager en faveur de la biodiversité par des engagements forts et ambitieux.

En France, plusieurs initiatives sont proposées aux entreprises :

 

  • « Entreprises Engagées pour la Nature -act4nature France- ». Elle vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d'actions en faveur de la biodiversité portés par des entreprises. Des structures qui, indirectement ou directement, ont un impact majeur sur la biodiversité tout en étant dépendantes d'un certain nombre de services rendus par la nature.
  • « Le Club B4B+ ». L’objectif du Club est de pouvoir définir ce qu’est une entreprise contribuant à faire cesser l’érosion de la biodiversité. Le Club produit du contenu et des outils adaptés aux entreprises et s’est divisé en deux groupes de travail : « chaîne de valeur » et « finance ». Le premier s’intéresse à l’empreinte des entreprises lors de l’approvisionnement et sur les sites de production et le deuxième sur l’empreinte que peuvent avoir les financements et investissements.
  • « La plateforme de l’initiative française pour les Entreprises et la Biodiversité ». Elle constitue un point de rencontre ouvert à toutes les organisations ayant la volonté de stimuler les échanges autour des enjeux de préservation de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes.
  • Le GT « Biodiversité et Économie » de l’association ORÉE. Il ambitionne de développer un outil d’aide à la décision permettant d’amener à une réflexion sur les liens entre transition énergétique et les enjeux biodiversité-économie.
  • Le GT « Biodiversité et Économie » de l’association EpE, lieu de dialogue entre responsables d’entreprises, dirigeants et experts, qui partagent la vision de l’environnement comme moteur de transformations, de progrès et d’opportunités, échangent leurs bonnes pratiques et travaillent ensemble à mieux intégrer l’environnement à leurs stratégies et à leurs opérations.

 

Le Plan Biodiversité de l’État français, publié en juillet 2018, appelle à la mobilisation de l’ensemble de la société et à la relance de la Stratégie nationale pour la biodiversité (dont la version 3 sera proposée d’ici fin 2021). Pour ce faire, de nombreuses initiatives visent à susciter des engagements concrets et à assurer la montée en puissance progressive du sujet au sein des entreprises, dans une démarche d’amélioration continue. La biodiversité est notre bien commun, il convient donc de décider ensemble, dans un dialogue positif, des actions à entreprendre pour la préserver et la restaurer.

 

Pour aller plus loin

Publication « Forum Biodiversité et Economie n°1. Entreprises et Biodiversité » de la Mission Économie de la Biodiversité, septembre 2017. © CDC Biodiversité

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publication « Forum Biodiversité et Economie n°2. Entreprises et Biodiversité, le temps de l’action » de la Mission Économie de la Biodiversité, octobre 2019. © CDC Biodiversité