Attendu depuis un an, le rapport Draghi[1] sur la compétitivité a été remis à la Commission européenne le 9 septembre dernier. Ce rapport dresse un constat préoccupant sur la situation de la compétitivité en Europe, tout en proposant des mesures pour y faire face. Il apporte également à l’exécutif européen, en plein renouvellement, des éléments de réflexion pour structurer son agenda pour les 5 années à venir. Ces éléments complètent ceux que développe le rapport sur l’approfondissement du marché intérieur remis peu avant au Conseil européen, par Enrico Letta.

Un nouveau « industrial Deal » pour redresser l'industrie européenne en perte de vitesse

Le constat est simple : l’Europe est en perte de vitesse par rapport à la Chine ou aux Etats-Unis et son retard ne cesse de se creuser.

Face à ce constat alarmant, Mario Draghi propose 170 recommandations pour relancer la compétitivité et la croissance européennes, en se concentrant sur les trois axes suivants :

  1. Rattraper le retard d’innovation accumulé vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine, notamment dans les technologies de pointe ;
  2. Mettre en œuvre un plan de décarbonation et de compétitivité, qui allège le poids que font peser les prix de l’énergie sur l’industrie européenne ;
  3. Renforcer la sécurité et réduire les dépendances dans un contexte géopolitique d’instabilité croissante.

Ce plan suppose un investissement européen supplémentaire évalué entre 750 à 800 milliards par an, qui ne peut être envisagé qu’en faisant davantage levier sur les investissements publics pour mobiliser le capital privé.

Une des mesures phares de ce rapport, est la mise en œuvre d’un nouveau « Industrial Deal », déjà repris par la nouvelle présidente de la Commission européenne dans les mesures annoncées pour les 100 premiers jours de sa mandature. Il a pour objectif de débloquer les investissements, de créer des marchés pilotes pour les technologies propres et de mettre en place des conditions permettant le développement et la compétitivité des entreprises.

Quel rôle pour la Caisse des Dépôts et ses partenaires européens dans le renforcement de la compétitivité européenne ?

Afin de raviver la compétitivité européenne, le rapport Draghi confère aux banques et institutions financières nationales (NPBIs ou « National promotional banks and institutions » telles que la Caisse des Dépôts), un rôle important, aux côtés de la Banque européenne d’investissement (BEI), au service des politiques conduites par la Commission européenne.

Ces dernières sont des institutions financières qui, en vertu d’un mandat confié par des pouvoirs locaux, régionaux ou nationaux d’un État membre, exercent des activités de financement, de développement et de promotion économique.

 

Le rapport Draghi attribue différents rôles à ces NPBI :

  1. Continuer à déployer des instruments financiers européens en faveur de l’investissement

L’action de l’UE pour promouvoir sa compétitivité doit d’abord s’ancrer dans des actions qui ont fait leurs preuves, ainsi que dans des outils existants.

En amont du prochain cadre financier pluriannuel (2028-2034) qui pourrait contenir un « pilier compétitivité », la mise en œuvre d’InvestEU - dont la Caisse des Dépôts, comme plusieurs des membres de l’ELTI, est un partenaire de mise en œuvre labellisé de la Commission européenne - permet de soutenir la compétitivité et pourrait être davantage mobilisé dans le futur cadre budgétaire.

Il serait également pertinent, selon Mario Draghi, d’assurer la continuité et d’élargir les mécanismes de financement existants tels que le Mécanisme pour les infrastructures de transport pour carburants alternatifs (AFIF) s’inscrivant dans le programme pour l'interconnexion en Europe, combinant des subventions européennes avec des financements de la BEI et des NPBIs. 

  1. Développer de nouveaux instruments

Afin de compléter l’offre déjà existante, les NPBIs ainsi que la BEI sont invitées à réfléchir à de nouveaux outils de financement, principalement pour décarboner l’industrie et nos systèmes énergétiques.

Parmi les propositions, notons le développement de garanties financières à destination des créanciers pour abaisser les coûts du capital et réduire l'incertitude liée à la rentabilité des investissements dans la décarbonation ainsi que le risque de contrepartie dans les contrats d'achat d'énergie à long terme.

Dans le domaine des matières premières critiques, il est suggéré de mettre en commun des ressources financières provenant de différentes sources en créant un « Fonds des fonds », qui pourrait ensuite être utilisé pour investir tout au long de la chaîne de valeur des matières premières critiques.

Afin de soutenir financièrement la décarbonation des transports, il est suggéré d’avoir recours à des « contrats pour la différence » (contracts for difference, CfD) combinés au recours à des subventions européennes, en combinant les subventions de l'UE avec le soutien de la BEI et des NPBIs.

  1. Investir

Ces outils de financement permettront d’investir dans les domaines où la compétitivité européenne doit être relancée. L’innovation étant un facteur majeur de la compétitivité de long terme, Mario Draghi invite les NPBIs à investir plus délibérément dans des projets et des entreprises innovantes et à plus haut risque ainsi que dans la fabrication des technologies propres.

  1. Coordonner les actions

Enfin, , les NPBIs devraient mieux se coordonner dans la mise en place des actions de relance de la compétitivité, tout en restant alignées avec les politiques européennes. Cette coordination peut se concrétiser par des approches et des programmes d’investissements communs en soutien aux investissements innovants et stratégiques.

 

Pour assurer un rebond de compétitivité européenne, l’action des NPBIs doit s’inscrire dans un schéma coopératif global, incluant la BEI et les banques privées, dans le cadre des partenariats publics privés, mais également la société civile.

L’enjeu désormais pour la Commission européenne, pour les NPBIs et l’écosystème financier : se saisir de ces propositions et permettre aux idées de se concrétiser, au service de la compétitivité durable européenne.

 

Notes

[1] Le rapport est divisé en deux documents : le rapport et l’analyse des recommandations