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Sujet de préoccupation majeur qui mobilise les politiques de tous bords, les « déserts médicaux » concernent aujourd’hui une commune sur trois, mais recouvrent une grande diversité de situations. Des difficultés existent en Ile-de-France, plus grand désert médical du pays, comme en Corrèze, mais ce ne sont pas les mêmes. Il reste que les effets sur la santé des Français sont comparables : selon un sondage paru en 2019, 63% des Français ont déjà reporté des soins en raison de distances importantes à parcourir ou de délais d’attente trop longs[1].

 

La France est dans le creux de la vague. Du fait de décisions politiques antérieures, le nombre de médecins ne devrait pas remonter avant 2030. Couplé à cela, un vieillissement de la population qui va crescendo. En 2030, les plus de 60 ans représenteront 20 millions de personnes. La démographie médicale autrefois plutôt portée par la sphère technique est désormais sur le devant de la scène politique. Tout élu confronté à cette problématique – et ils sont nombreux – souhaite répondre aux besoins de sa population. Toutefois, le manque de coordination peut conduire à un empilement de dispositifs d’aides, ainsi qu’à une multiplication de structures qui concrètement n’améliorent pas toujours la situation.

Comment agir en bonne intelligence pour combattre les déserts médicaux ?

Tout d’abord, il faut sortir de l’image d’Épinal du médecin de campagne prêt à parcourir des kilomètres nuit et jour pour soigner ses patients, sans décompte de ses heures de labeur. La société productive a évolué et le corps médical n’échappe pas au changement de la relation au travail. Les médecins demandent une plus grande flexibilité et des temps de repos accrus.

Prenons un exemple classique. Une collectivité n’a plus qu’un médecin généraliste sur son territoire et celui-ci est en fin de carrière et sans candidat potentiel pour le remplacer. Que peut faire cette collectivité ?

D’abord, elle peut avoir anticipé. En prenant cette problématique plusieurs années en amont, une collectivité a plus de chance de « limiter la casse » et surtout plus de temps pour rechercher des solutions.

Quelle que soit la situation, il convient de réaliser, le plus souvent à l’aide d’un cabinet spécialisé, un diagnostic territorial de santé. Vouloir aller vite et rédiger directement un marché d’AMO pour construire une maison ou un centre de santé n’est pas la bonne méthode. Le diagnostic est absolument primordial pour tout projet de santé, car cette première phase permettra à la collectivité de mieux connaître les besoins et les ressources sur son territoire : ce qui peut être mutualisé, ce qu’il est raisonnable d’espérer en termes de médecins, examiner quels autres professionnels de santé sont présents sur le territoire ou à proximité, dans quelles structures …

L’objectif est bien de gagner du temps médical en utilisant l’ensemble des leviers à disposition.

Avec des objectifs clairs et une vision pragmatique des opportunités, la collectivité pourra ainsi construire avec les professionnels de santé un projet de santé viable, et définir dans un second temps le montage juridique et financier adéquat. Les scénarios possibles sont nombreux et adaptés à tout type de situation.

S’appuyer sur les ressources existantes est déterminant. Si un centre ou une maison de santé est présent(e) sur un territoire limitrophe et fonctionne, il pourrait être préférable de le (ou la) renforcer ou de créer une antenne. En effet, un médecin sera davantage susceptible de rejoindre une équipe déjà constituée plutôt que de faire un saut dans le vide en s’installant seul ou quasi-seul avec un médecin proche de la retraite, d’autant que les jeunes médecins sont plus enclins à travailler collectivement que leurs aïeux.

L’attractivité tient également à la possibilité d’accueillir des internes en médecine. Des solutions d’hébergement devront leur être proposées afin de répondre à une demande matérielle rapidement. L’intérêt est double. L’interne seconde les médecins et permet de répondre aux besoins du territoire et si jamais en fin de parcours, il est satisfait de cette expérience, il y démarrera plus volontiers sa carrière.

Un « désert médical » ne se limite pas à l’absence de médecins. Il convient d’avoir une vision globale : une pénurie de telle ou telle profession paramédicale peut également fortement pénaliser un territoire, en particulier les infirmiers dont les soins à domicile sont croissants compte tenu du vieillissement de la population. 

Mobiliser la bonne échelle d’intervention

Cet élément est décisif dans la bonne réussite de l’opération. Il n’est pas rare d’apercevoir à l’entrée d’un village une annonce de recrutement d’un généraliste, et d’en repérer une seconde à quelques kilomètres. Cette forme de compétition entre les communes et/ou intercommunalités est stérile. Il convient de sortir de cette course à l’échalote pour répondre à cette problématique commune !

A l’échelle nationale, la concurrence entre les territoires est catastrophique pour les territoires les plus pauvres. A l’échelle locale, elle témoigne souvent de l’impuissance des élus sommés d’agir qui, faute de mieux, sont « prêts à tout » pour faire venir des médecins.

Les interventions des collectivités locales viennent compenser les carences de l’Etat qui, bien que responsable de la politique de santé, reconnaît que c’est « avec les territoires [et] à partir des territoires »[2], qu’il va être répondu aux besoins de santé et possible notamment de réaliser le plan d’action prévoyant 4.000 maisons de santé pluriprofessionnelles à échéance 2027.

En matière de santé, les échelons communal et intercommunal sont peu organisés, mais apprennent vite notamment depuis la crise Covid.

Le Département peut se placer comme un acteur intéressant, car il est déjà au cœur des politiques médico-sociales, dans le domaine du vieillissement ou de la petite enfance en particulier. C’est un maillon fort de la participation des collectivités locales à l’amélioration du bien-être de la population. Attention cependant, deux intercommunalités dans deux départements limitrophes peuvent parfois constituer une meilleure association.

La Région peut également faire partie de la solution et pas seulement en apportant des aides, en témoigne l’initiative dans certaines régions, comme en Occitanie avec la création d’un groupement d’intérêt public pour permettre de réinstaller une offre de soins de proximité dans les territoires régionaux privés de professionnels de la santé.

En matière de santé, la compétition territoriale peut faire perdre de vue le véritable objectif : un centre ou une maison de santé qui fonctionne est un centre qui répond aux besoins sur le long terme de la population et qui est attractif pour les professionnels.

Si la concertation entre les différents échelons territoriaux n’est pas obligatoire, elle est gage de mutualisations et de solutions innovantes, sans évoquer les économies pour le secteur public. Il arrive, en effet, malheureusement trop souvent que des moyens financiers soient alloués sans que cela n’aboutisse.

Ce nécessaire besoin de coordination n’induit pourtant pas une réponse manichéenne quant à la bonne d’échelle d’intervention.

Bien qu’il reste difficile pour un élu dépendant de la satisfaction de ses électeurs de concéder la solution à son rival d’à côté, rappelons que la lutte contre les déserts médicaux ne nécessite pas de « réinventer la poudre » : le travail en groupe est généralement plus pertinent. Fédérer ses efforts et diffuser de bonnes pratiques reste un vecteur de réussite.

 

 

[1] Sondage BVA pour France Assos Santé publié par le JDD en date du 16 novembre 2019.

[2] Agnès Firmin Le Bodo, in ÉGALITÉS TERRITORIALES DE SANTÉ « Déserts médicaux : « La réponse unilatérale du ministère de la Santé à appliquer partout, ça n’existe plus » Publié le 01/03/2023, par Géraldine Langlois dans la Gazette des Communes.