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Crédit ©Arcachonphoto-Shutterstock
Le secteur touristique a été, en France comme ailleurs, un des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire. À l’aune de l’annonce d’un Plan de Reconquête et Transformation du Tourisme annoncé en juin 2021, le Président de la République proposait de tirer parti de la crise pour « réinventer le modèle touristique ». Présenté le 20 novembre dernier par Jean Castex, le plan Destination France est venu parachever les concertations des six derniers mois et a réaffirmé l’impérieuse nécessité de « conforter la France comme première destination touristique mondiale ».
Dans la continuité du souci grandissant à l’égard des pressions anthropiques et du renforcement de la prise en compte des préoccupations environnementales, le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères en charge du tourisme ont confié à l’ADEME et CDC Biodiversité la mise en œuvre de la mesure 15 du Plan Destination France. Cette mesure vise la réduction de l’empreinte écologique du secteur et l’adoption d’un tableau de bord du tourisme durable.
Il s’agit là de réaffirmer l’importance de la prise en compte des contributions majeures du secteur touristique au changement climatique et à la perte de biodiversité (émissions de Gaz à effet de serre, artificialisation des sols, pollutions diverses etc.), ainsi que la mise en cohérence des objectifs nationaux avec l’extension du reporting extra-financier à la biodiversité (article 29 de la loi énergie-climat et taxonomie verte européenne) et la montée en puissance réglementaire des questions relatives à l’artificialisation (Objectif Zéro Artificialisation Nette de la loi climat et résilience).
Démonstratrice, cette mesure propose un accompagnement des entreprises volontaires des filières par la mesure de leur empreinte écologique (mesure des émissions de GES effectué par l’ADEME via l’initiative ACT et évaluation de l’empreinte biodiversité effectuée par CDC Biodiversité via l’outil Global Biodiversity Score). À l’analyse permise par la mesure d’empreinte s’ajoute un volet de préconisations et d’aide à la conduite et au pilotage de changements transformateurs pouvant être traduit en stratégie d’engagement en faveur du vivant.
Les dépendances du secteur touristique à la biodiversité sont nombreuses. La diversité et la richesse du patrimoine naturel français en est une qui illustre très précisément la fragilité d’un modèle qui, s’il souhaite se pérenniser, doit veiller à rester attractif sans surexposer les milieux qui font sa spécificité. L’analyse des liens complexes qui unissent le tourisme et la biodiversité montre qu’en dehors de ces opportunités pour le renouveau du tourisme, le maintien même de l’attractivité des destinations françaises dépend de la mise en place d’une gouvernance adaptée.
En effet, à la conjugaison des phénomènes de sur-fréquentation et de la saisonnalité forte du tourisme il faut être capable de proposer une nouvelle structuration de l’offre qui refuse de faire de la saison estivale la seule saison touristique, et d’un seul type de lieu celui des vacances.
Il existe des solutions à mettre en œuvre pour le développement d’une offre touristique en synergie avec la préservation de la biodiversité : diversification des destinations, amélioration de la qualité de l’offre, valorisation du potentiel des espaces naturels dans le respect de la biodiversité, etc. de nombreuses initiatives le démontrent, le tourisme peut être un secteur à impact positif.
Les ambitions affichées aujourd’hui pour garder la France au rang de première destination mondiale, et même de première destination de tourisme durable, viennent renforcer la nécessaire prise en compte de cet enjeu environnemental. La préservation et la conservation, aussi bien que la transformation du secteur ainsi que la déconcentration et désaisonnalisation des flux devront jouer un rôle majeur dans un secteur d’autant plus exposé qu’il affiche de telles ambitions.
Si l’on fait souvent de la destination France une destination riche de sa diversité de ressources, paysages et terroirs si particuliers ; une destination riche de la diversité de son offre (tourisme urbain et tourisme rural, tourisme balnéaire, tourisme de montagne etc.), l’infléchissement de son modèle ne peut se suffire de la diversification d’une offre à la faveur de nouveaux imaginaires (tourisme de proximité, éco-tourisme etc.).
Il ne s’agit pas là de déconsidérer la valeur de ces imaginaires et des potentiels économiques qu’ils revêtent, mais bien d’affirmer encore une fois que c’est une démarche systémique qu’il faut engager. Celle-ci s’enrichira à l’évidence des phénomènes d’innovations mais elle doit se penser avant tout grâce à la planification de sa recomposition spatiale et l’engagement de l’ensemble des acteurs du secteur.
Pour aller plus loin > Lire et télécharger la publication de la Mission Économie de la Biodiversité « D’un tourisme de masse vers un tourisme durable : la biodiversité, opportunité de restructuration des filières ».