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L’habitat inclusif est un concept relativement récent en France, mais il est en pleine expansion. La loi ELAN du 23 novembre 2018 a établi une définition légale à l’habitat inclusif considéré comme : « destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, […], et assorti d’un projet de vie sociale et partagée ». Les projets d’habitat inclusif sont majoritairement de taille mesurée et comprennent des espaces partagés. Le concept permet de répondre à des attentes fortes de création de liens sociaux et de rupture de l’isolement pour des publics parfois sensibles et constitue une alternative aux établissements spécialisés lorsque le niveau d’autonomie des personnes le permet. Plusieurs concepts mixent habitat inclusif et habitat intergénérationnel pour encourager le développement de solidarités intergénérationnelles.

L’habitat inclusif : une réponse adaptée aux enjeux associés à la révolution démographique

Dans la période 2020-2030, la tranche d’âge des 75-84 ans devrait connaitre une augmentation de 47% en France. Face à ce constat, le rapport du Haut-commissariat au plan « Quand les babyboomers auront 85 ans – Projections pour une offre d’habitat adapté à l’horizon 2030-2050[1] » met en avant la nécessité de développer de nouveaux types d’habitat destinés aux séniors autonomes, parmi lesquels l’habitat inclusif joue un rôle notable. Le Gouvernement s’est saisi du sujet et soutient le développement de l’habitat inclusif. De multiples conférences nationales ont été proposées pour accélérer le déploiement de ces nouveaux modes d’habiter, sous l’impulsion du rapport « Demain, Je pourrai choisir d’habiter avec vous ! » de Denis Piveteau et Jacques Wolfrom.

En 2021, l’habitat inclusif a également été intégré aux stratégies de redynamisation des centres-bourgs et centres-villes avec la démarche « Bien vieillir dans les petites villes de demain ». Un AMI expérimental a été lancé avec un objectif d’accompagnement de 100 projets par an d’ici 2026[2]. Enfin, les départements se sont également mis en ordre de marche pour soutenir ces démarches via l’allocation de l’AVP (Aide à la vie partagée), qui permet de co-financer les actions d’animation du projet de vie développées par les porteurs de projets.

Une structuration des acteurs renforcée avec la stratégie nationale de déploiement de l’habitat inclusif

Dans ce contexte, de nouveaux porteurs de projets se structurent pour répondre à ce besoin, avec des montages qui se standardisent et qui sont dupliqués à l’échelle nationale. Une structuration entre société de portage et société d’animation est classiquement retenue. Cette structuration interroge sur le positionnement des acteurs classiques de l’immobilier et les liens à développer avec les acteurs associatifs, moteurs dans l’élaboration et le suivi de projets de vie.

A l’échelle nationale, la tendance au développement de résidences services séniors avec animation était déjà marquée. A titre d’exemple, des partenariats institutionnalisés sont noués entre des promoteurs immobiliers ou des bailleurs sociaux et des sociétés spécialisées dans l’animation de résidences intergénérationnelles : partenariat entre Eiffage et Récipro-cité (« Cocoon’Ages »), partenariat entre Erigère et les maisons de Marianne en Île-de-France. Ces concepts sont principalement basés sur le développement de programmes aux volumes importants et se distinguent des pratiques observées dans le cadre de l’habitat inclusif. Ainsi, les projets d’habitat inclusif sont plutôt développés sur des volumes mesurés de logements (30 logements maximum). De nouveaux porteurs se sont structurés et se sont spécialisés dans ces concepts, notamment à destination des séniors : France Béguinage, les maisons de Blandine, Hacoopa, Domani …

La majorité de ces acteurs optent pour une structuration juridique similaire, basée sur deux entités.  

Une première entité juridique se charge du portage des actifs immobiliers, principalement sous la forme de sociétés par actions simplifiée. La nature des actionnaires est variable. Certains de ces concepts intègrent des opérateurs traditionnels de l’immobilier au capital de leur société à l’image de la société Domani, capitalisée par Icade[3]. Ces associations restent mineures. Pourtant, ces dernières permettaient de sécuriser la commercialisation de certains programmes, lorsque les concepts peuvent être intégrés à des opérations immobilières classiques. L’actionnariat de ces sociétés de portage est majoritairement composé de sociétés de gestion, de fonds d’investissement et de filiales d’établissements bancaires. Le point commun entre France Béguinage, Domani et autres exemples précités est une capitalisation assurée par la Banque des territoires qui agit comme un accélérateur du déploiement de ces projets. Ces capitalisations soutiennent des stratégies de développement, à l’échelle locale ou nationale. A titre d’exemple, l’investissement de la Banque des Territoires au capital de France Béguinage doit permettre le déploiement de vingt-cinq nouveaux projets à l’échelle nationale en quatre ans[4].

Une seconde entité se charge de l’animation de l’ensemble immobilierBien que certains porteurs optent pour des partenariats avec des acteurs classiques de type association d’aide à la personne, une tendance est également marquée au développement de structures d’animation propres aux concepts. Ces prestations d’animations doivent servir le projet de vie. Elles sont financées par les bénéficiaires et par un système d’aides financières à l’image de l’AVP.

Des acteurs publics locaux et des acteurs associatifs également impliqués dans le développement de l’habitat inclusif

Au-delà de ces premières structurations, les démarches telles que « Engagés pour la qualité du logement de demain » ou l’AMI « Bien vieillir dans les petites villes de demain » démontrent un réel dynamisme des acteurs publics locaux (communes et intercommunalité) et des acteurs associatifs dans le développement de nouveaux concepts d’habitat inclusif. Ces acteurs souhaitent majoritairement s’engager dans la définition et l’animation du projet de vie, la propriété immobilière revêtant un caractère secondaire. Dans ce cadre, les partenariats entre les acteurs associatifs et les acteurs traditionnels de l’immobilier ont vocation à se développer et répondent à des enjeux communs. Les acteurs associatifs pourraient davantage bénéficier de l’expertise des acteurs de l’immobilier en conception, suivi et gestion immobilière. Les acteurs institutionnels pourraient également en retirer plusieurs intérêts : s’associer à des concepts différentiant et les répliquer, générer de nouveaux débouchés pour des programmes immobiliers, s’ancrer dans des territoires en soutenant des démarches locales. Les opérateurs disposeraient de relais locaux, capables d’assurer l’animation et le suivi du projet de vie et non pas uniquement la gestion locative, sous réserve d’une structuration suffisante des porteurs associatifs qui doivent assurer la viabilité de leurs modèles.

Le sujet de la mise en relation entre acteurs associatifs et opérateurs immobiliers reste impactant avec un rôle central des relais locaux des communes, intercommunalités et départements à soutenir.  

 

Notes

[1] « Quand les babyboomers auront 85 ans - Projections pour une offre d’habitat adapté à l’horizon 2030-2050 », Haut-commissariat au Plan, Matières grises, janvier 2023.

[3] « La Banque des territoires et ICADE soutiennent le développement de Domani, acteur de référence de l’habitat partagé et accompagné pour personnes âgées », communiqué de presse, ICADE, Domani, Banque des Territoires, Paris, le 28 juin 2022.