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L’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 aura constitué un accélérateur de projets urbains sans précédent pour les territoires qui accueillent des équipements olympiques. Les territoires disposant d’un projet de territoire structuré et partagé auront tiré leur épingle du jeu démontrant l’intérêt de disposer de stratégies de long terme pour en négocier le financement.
À ce titre, l’Établissement Public Territorial (EPT) Plaine Commune constitue un exemple à relever au regard des bénéfices matériels tirés de l’organisation des Jeux. Il aura su tirer profit des investissements liés à la réalisation des ouvrages olympiques sur son territoire et ce, grâce à la préexistence d’un projet de territoire ancré, partagé et structuré et une capacité politique et administrative à accompagner l’atterrissage de ces objets urbains non identifiés.
Mais cela n’est, à mon sens, que le début de l’histoire. Un défi plus complexe et plus innovant attend ce territoire. Il reste en effet à explorer la promotion d’une ville sportive, ou tout du moins active et propice à une bonne santé, ce qui souligne la nécessité d’intégrer les enjeux de l’urbanisme favorable à la santé[1] dans les projets de territoire.
Petit retour en arrière. Octobre 2015, Lima, le Comité International Olympique désigne Paris, ville hôte des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 laissant à Los Angeles l’organisation de ceux de 2028. Pour les élus de Plaine Commune, cette désignation vient couronner un long investissement pour faire reconnaître et porter l’atout considérable que pouvait représenter l’organisation de cet événement à cheval sur Paris et la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre mais aussi le plus jeune de France métropolitaine.
Cette désignation entérine plusieurs projets majeurs pour Plaine Commune : la construction du Village Olympique et Paralympique (VOP) sur un territoire de 50ha comprenant les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Ile-Saint-Denis, la construction d’un centre aquatique olympique et la construction du Village des médias sur l’aire des vents du Parc George Valbon en limite de la Courneuve. C’est aussi dans le sillage de ces grands équipements olympiques, la promesse de faire (co)-financer des projets plus anciens mais tout aussi stratégiques, à même de réparer un territoire fracturé par les infrastructures desservant Paris (faisceau ferré nord, autoroute A1, canal Saint-Denis) et en conséquence desquelles les populations (les plus fragiles) sont exposées à des pollutions sonores et atmosphériques dépassant les seuils réglementaires.
Or, la capacité à inscrire rapidement des projets connexes aux objets olympiques tient à une histoire de la planification territoriale - et d’opportunisme - solidement ancrée sur le territoire et tout à fait inédite en Ile-de-France. Pour cause, du plan Hippodamos (1994) au Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (2020), en passant par un schéma de cohérence territorial (2007) et un contrat de développement territorial (2013), Plaine Commune avait su acter la nécessité de réparer l’ancienne plaine industrielle en réaménageant des continuités viaires et paysagères d’est en ouest, de la Seine au canal Saint-Denis à même de redonner une lisibilité à la plaine et de supporter une mixité fonctionnelle.
À l’instar de l’effet coupe du monde 1998 qui avait permis d’enclencher cette reconquête territoriale avec l’aménagement de deux gares RER (lignes B et D) et la couverture de l’A1, l’organisation des Jeux de Paris 2024 aura permis de financer, une nouvelle fois de manière massive, des infrastructures essentielles : deux nouvelles passerelles au-dessus du canal Saint-Denis (Larousse et Francs Moisins), une passerelle bus/piétons franchissant la Seine et désenclavant l’Ile Saint-Denis, une passerelle au-dessus de l’A1 entre le Stade de France et le Centre Aquatique Olympique et enfin le franchissement urbain Pleyel, pont multimodal conçu par Marc Mimram et porté par la SPL Plaine Commune Développement, ouvrage monumental franchissant le faisceau ferroviaire le plus fréquenté d’Europe et large de plus de 300 m qui permettra la liaison entre la nouvelle gare de Saint-Denis Pleyel et le RER D, et réparera une anomalie majeure : l’existence d’un seul franchissement entre le périphérique et l’A86 (cela reviendrait à n’avoir qu’une rue est-ouest entre la porte de La Chapelle et la place de la République à Paris !).
Plus controversé, la complétude et le réaménagement de l’échangeur A86 à Pleyel ont permis de valider la suppression de la bretelle de l’A1, au niveau de la Porte de Paris couturant ainsi le centre-ville de Saint-Denis avec le quartier du Stade de France. Enfin la construction d’une passerelle au-dessous de l’A1 entre les 4 000 Nord et le parc George Valbon garantira une meilleure accessibilité au principal poumon vert du territoire. Ces six nouveaux franchissements permettent de réduire les coupures urbaines et la mise en œuvre d’un urbanisme de liaison, facilitant ainsi les déplacements intra-territoriaux collectifs et les modes actifs.
Par ailleurs, les ouvrages olympiques s’accompagnent de plusieurs aménagements réduisant l’exposition des populations aux nuisances (mur anti-bruit sur l’A86 au droit du Village Olympique et Paralympique, enfouissement des lignes à haute tension) sans pour autant pérenniser les voies réservées sur l’A1 pendant la période olympique. Les Jeux de Paris 2024 auront donc été un incroyable accélérateur de projets longtemps mûris, étudiés et portés par le territoire et auront permis un alignement exceptionnel des financeurs et des calendriers.
Mais si l’amélioration du maillage territorial et la réduction des coupures territoriales constitueront sans nul doute un héritage positif pour Plaine Commune, la promotion des pratiques sportives et plus encore des activités physiques et sportives apparaît moins évidentes comme héritage garanti. Hormis la construction de nouvelles piscines (Plan piscine départemental) à Aubervilliers, Saint-Denis et La Courneuve, la promotion des activités physiques en ville semble avoir été délaissée, et nombreux sont les clubs et associations sportives qui critiquent le manque d’ambitions portées sur ce sujet en Seine-Saint-Denis et plus largement sur le territoire national. Alors que les problématiques de santé publique, associées à la sédentarité et à l’inactivité physique, nécessitent un plan d’action national décliné localement – notamment dans le cadre de démarche d’urbanisme favorable à la santé ou de sport-santé –, cette approche n’a que peu débouché sur des projets impactants en termes d’héritage autre que matériel. L’élaboration d’une trame active et ludo-sportive territoriale[2] par l’Institut Régional de Développement du Sport (IRDS, 2021)) a établi un certain nombre d’actions à décliner localement en particulier dans les Quartiers Politiques de la Ville du territoire, objets du Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine (NPNRU), et auprès des publics les plus éloignés de la pratique sportive (femmes, personnes âgées).
La mise en œuvre opérationnelle de ces réflexions permettra de soumettre à l’épreuve du réel les préconisations faites par cette trame (signalétique, sols, végétalisation, évolutivité des mobiliers, design actif…) mais dans un cadre financier et partenarial qui ne bénéficie pas de la même visibilité médiatique.
Aussi, si l’héritage olympique matériel constitue une indéniable réussite pour le territoire de Plaine Commune, le défi relatif à l’héritage sportif du territoire reste à relever en concrétisant les orientations prises dans le cadre de la trame active et ludo-sportive, et plus largement en opérant à une bascule plus prononcée vers un urbanisme favorable à la santé et au sport-santé.
[1] L'Urbanisme favorable à la santé (UFS), une approche est qui repositionne les choix d'aménagement et d'urbanisme comme facteurs clés du bien-être, de la santé, de l'environnement et du climat