Au-delà du constat d’un dérèglement climatique qui bouleverse les écosystèmes et affecte nos conditions de vie, s’impose une urgence à agir. Car c’est un fait : il y a nécessité aujourd’hui d’adapter les modes de vie et d’aménager autrement en réponse à des changements globaux multiples qu’ils soient d’ordre environnementaux (intensification des risques climatiques, déclin de la biodiversité,  dégradation de la qualité de vie et de la santé…), sociaux (changements des aspirations et du rapport à l’espace, mutation des besoins et modes d’habiter, augmentation de la population…), législatifs (logique ZAN, de renouvellement urbain, …) ou encore économiques et d’images (bilan d’opérations complexes, multiplication des acteurs, concurrence et positionnement marché, labellisation, …).

 

Au croisement de ces dynamiques, le département du Var, est particulièrement impacté par de fortes pressions environnementales (sécheresse, risque feu de forêt, appauvrissement des nappes et des cours d’eau…), sociales et touristiques (augmentation de la population, sur-fréquentation des milieux naturels, autres pollutions associées…) qui imposent aux acteurs locaux d’agir efficacement vers un aménagement plus durable de son territoire.

La conception bioclimatique : une approche d’ensemble, qui croise les thématiques et les échelles  

Les thématiques et les échelles  

La complexité des enjeux et l’aspect multifactoriel des incidences impose d’adopter une approche « bioclimatique », réelle démarche de projet qui concerne tout autant la conception bâtimentaire, que l’échelle urbaine. Cela se traduit par une compréhension fine et une prise en compte globale de la géographie du site (patrimoine, géologie, climat…).

C’est cette vision de l’aménagement qui a guidé la conception de la ZAC des Laugiers à Solliès-Pont dans le Var : réel projet démonstrateur du fait de sa localisation et sa géographie (déprise agricole en lisière de centre-ville), son portage (public-privé), une implication forte des multiples acteurs (politiques/techniques/citoyens), ainsi que la volonté d’’intégration de référentiels environnementaux à plusieurs échelles dès le début du projet.

Face à un marché de l’immobilier en constante inflation, l'écoquartier a été conçu pour offrir des solutions de logements abordables tout en répondant à des normes élevées en matière de durabilité, de qualité de vie et de confort. Ces deux critères, souhaités dès le début du projet par la collectivité, ont été confortés par le choix stratégique du site du fait de sa proximité directe avec le centre ancien. En évitant un étalement urbain excessif, la commune tend ainsi à préserver et à revitaliser son centre-ville historique tout en développant une offre immobilière attractive et renouvelée.

L’approche « bioclimatique » tente de concilier deux objectifs principaux : se protéger des aléas climatiques (ressentis comme inconfortables), et tirer parti de ses bienfaits en trouvant l’équilibre nécessaire pour un confort d’usage qui soit acceptable tout en induisant le moins de consommation énergétique. Contextuels, les partis pris d’aménagements s’adaptent au site et aux conditions climatiques à l’échelle locale et micro locale et tirent parti de ses éléments naturels spécifiques (vent / exposition au soleil / implantations et hauteurs / trames paysagères / biodiversité locale). Pour ce faire, les études environnementales et de faisabilité doivent être réalisées de façon complémentaire.  

 

Cas d’étude : écoquartier « ZAC Les Laugiers Sud » à Solliès-Pont

Pour le quartier des Laugiers situé sur le pourtour méditerranéen, ces principes « bioclimatiques » se traduisent par la recherche d’un certain nombre d’objectifs :

A l’échelle urbaine et paysagère :  

  • Profiter du soleil en hiver et s’en protéger l’été : définition des implantations et orientations des bâtiments en faveur des ouvertures Sud / Nord pour limiter les apports de chaleur en été et les favoriser en hiver
  • Limiter l’effet venturi (ou canyon) notamment l’hiver tout en favorisant le passage de l’air frais l’été : limitation de la hauteur des bâtiments et création de diverses porosités à l’échelle du quartier, définition de trames linéaires étroites en faveur de logements traversants ou en plots en faveur de logements bi-orientés
  • Limiter les apports de chaleur dus aux matériaux : choix de matériaux et revêtements extérieurs claires (façades, cheminements piétons...…)
  • Limiter les pollutions des véhicules également sources de chaleur : réalisation d’un parking silo en lisière de quartier et création de porosités exclusivement dédiées aux modes doux à l’intérieur du quartier
  • Créer des ilots de fraîcheur pour réduire le ressenti des températures extérieures élevées en été et proposer des espaces ombragées voire humides : maintien et végétalisation d’importants espaces de pleine terre, préservation et mise en valeur des anciens canaux d’irrigation liés à l’histoire agricole passée, réalisation de noues paysagères, végétalisation des pieds de murs, …

Laurène Paucsik/Citadia

A l’échelle bâtimentaire :

  • Orientation des séjours et terrasses prioritairement en façades Sud puis Est ou Ouest afin de profiter pleinement de la lumière naturelle et de créer des lieux de vies agréables
  • Mise en place de protections solaires efficaces adaptées aux orientations des façades : des volets en bois pour les fenêtres des chambres ; des volets roulants pour les baies vitrées des séjours protégées par les débords de balcons ou des brises-soleil fixes en dernier étage servant de protection en façade Sud (le soleil étant au zénith en été) ; des stores toiles ou des volets coulissants en débords de balcons en façades Est et Ouest pour limiter l’apport de chaleur du soleil rasant en été.
  • Optimisation des performances énergétiques grâce à une forte inertie et absence de climatisation source de chaleur urbaine et de consommations énergétiques
  • Organisation des logements pertinente en faveur de la ventilation naturelle : plus de 90% de logements traversants ou multi-orientés
  • Réalisation d’espaces extérieurs pour tous : terrasses conçues dans tous les logements en faveur du confort des habitants et des espaces verts aux pourtours de chaque bâtiment en faveur de la fraîcheur créée par l’ombrage et l’évapotranspiration. Ces espaces extérieurs permettent également de traiter les transitions entre espaces publics et privés ainsi que d’animer les habitudes des vies en extérieurs issues de la culture méditerranéenne

Laurène Paucsik/Citadia

 

La labellisation, un double rôle de cadrage et de justification des choix environnementaux

Aux Laugiers la qualité environnementale a été guidée par un engagement dans des démarches de certifications environnementales à plusieurs échelles : à l’échelle urbaine, la commune a souhaité s’inscrire dans une certification Ecoquartier portée par la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer) du Var. Elle a été complétée par la démarche “Quartier Durable Méditerranéen” (QDM), une approche régionale portée par l’association Envirobat BDM. A l’échelle des bâtiments il a été décidé de suivre une démarche Bâtiment Durable Méditerranéen (BDM) et de viser des labels E+C- (bâtiments à énergie positive et réduction de carbone). Cela inclut une conception contemporaine et résiliente qui s’inspire largement des grands principes bioclimatiques méditerranéens. Tous les partenaires impliqués dans le projet ont intégré ces démarches environnementales (certifications environnementales appliquées aux îlots opérationnels et prescriptions détaillées fournies par le cahier des charges au sein de la ZAC pour les espaces verts et les constructeurs de maisons individuelles).

La labellisation joue ainsi un double rôle d’aide à la décision, décision et, de cadrage, ainsi que et de justification des choix environnementaux.

En continuité de la question des certifications, la phase chantier est tout aussi capitale car elle soulève deux enjeux majeurs :

  • Le maintien des performances visées en conception (matériaux, équipements, …) qui se traduit par le respect et la validation des visas environnementaux
  • La mise en place et le respect d’un chantier à faibles nuisances (suivi des consommations d’eau et d’électricité, suivi des déchets, dispositifs visant à limiter les pollutions potentielles du sol et de l’air, à limiter les nuisances sur les ouvriers, les riverains, la circulation routière, la protection de la biodiversité…)

 

La ZAC : un processus long qui nécessite une appropriation/acceptation tout au long du processus de projet 

La démarche adoptée pour la réalisation de ce projet s'inscrit dans une perspective à long terme. Cela signifie que l'approche est conçue pour évoluer sur une période étendue, avec une attention particulière portée à l'implication des habitants et du public.

En effet, un projet urbain bioclimatique bien conçu et bien réalisé ne suffit pas toujours pour faire de lui un espace intégré à son territoire, vécu et bien habité par ses habitants. Les dispositifs bioclimatiques mis en place, appliqués autrefois de manière systématique dans l’habitat, représentent aujourd’hui souvent de nouvelles habitudes de vie et d’usage qui nécessitent une étape d’accompagnement afin qu’ils soient exploités à leur juste valeur. Aux Laugiers, cet accompagnement en phase « usage » est réalisé par les AMO QE de la ZAC   et se traduit par des visites de logements et du quartier, la distribution d’un guide répertoriant les équipements spécifiques à leur logement et les éco-gestes à adopter, d’une brochure spécifique sur le confort d’été (gestion des protections solaires), par la mise en place d’affiche de sensibilisation dans les parties communes et de partage de questionnaires pour recenser le retour des usagers.

Cette nouvelle façon d’habiter, qui fait appel à des pratiques anciennes, peut s’illustrer comme un frein à la mise en œuvre d’une démarche bioclimatique pérenne. Les procédés constructifs sont là, les savoir-faire également. Seulement l’usage final ne peut être dissocié de tout cela car depuis toujours, l’architecture a eu pour ambition de créer des espaces qui soient adaptés à ses occupants, leurs modes de vie et leurs usages. Aujourd’hui, il semble nécessaire de repenser ce rapport qu’entretien l’Homme à l’espace sous le prisme des enjeux environnementaux. Ce changement de paradigme nécessite de concevoir différemment et donc de « réapprendre à habiter » ces lieux conçus pour optimiser les caractéristiques de son environnement.