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06 sep. 2024

La détermination de la maîtrise d'ouvrage des équipements publics, étape clé du montage d'une opération d'aménagement trop souvent négligée

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4 min

Au stade du montage d'une opération d'aménagement, la question du financement des ouvrages et équipements publics à réaliser s'impose, à juste titre, comme un enjeu central pour garantir l'équilibre économique du projet. L’identification des personnes compétentes et maîtres d'ouvrage de ces équipements semble, en revanche, souvent reléguée au second plan alors même qu’il s’agit d’une question tout aussi cruciale.

Compétence aménagement et compétence pour réaliser les équipements publics

Conformément aux principes du code de la commande publique (CCP)[1], le maître d’ouvrage est le destinataire et « responsable principal de l’ouvrage ». En général, il s'agit du propriétaire ou de l'entité publique compétente pour le réaliser. Par exemple, le département est habilité à construire et gérer les voiries départementales et les collèges. Mais la complexité du cadre juridique français, notamment du fait de l’existence d’une clause générale de compétences pour les communes, peut rendre cette lecture difficile.

Le transfert de la compétence « aménagement » des communes vers les intercommunalités a encore aggravé la situation. Auparavant, les communes, responsables des principaux équipements sur leur territoire, disposaient également de la compétence pour initier et réaliser des opérations d’aménagement. Depuis la loi ELAN[2], cette compétence est désormais exercée, notamment, de manière obligatoire par les communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles qui sont responsables de la création et de la réalisation des ZAC d’intérêt communautaire.

Cette nouvelle répartition des compétences n’affecte toutefois pas la maîtrise d'ouvrage des équipements publics construits dans le cadre de ces opérations.

Cette dissociation entre maître d’ouvrage de l’opération d’aménagement et maître d’ouvrage des équipements publics n’a pas été assez anticipée par le législateur et n’est pas sans poser quelques difficultés en pratique. Ainsi, c’est bien souvent une relation tripartite qui va se créer entre l’intercommunalité à l’initiative de l’opération, la commune maître d’ouvrage des espaces publics sur son territoire, et un aménageur. A cela viendront s’ajouter les autres maîtres d’ouvrage concernés par l’opération. La gouvernance des opérations d’aménagement perd donc en clarté et impose de sécuriser les transferts de maîtrise d’ouvrage induits par cet éclatement des compétences.

Le transfert de maîtrise d’ouvrage : une possibilité strictement encadrée

Les entités publiques ne peuvent transférer leur maîtrise d’ouvrage que dans des conditions strictement encadrées par la loi. En premier lieu, les principes issus du CCP ne s’appliquent pas à certains ouvrages d’infrastructure, permettant ainsi un transfert de maîtrise d'ouvrage plus flexible, parfois par simple contrat. Cela s’applique notamment aux infrastructures réalisées dans le cadre d’une ZAC, d’un lotissement, d’une Opération d’Intérêt National (OIN) ou d’une Grande Opération d’Urbanisme (GOU). Ainsi, par exemple, une communauté d’agglomération initiant une ZAC peut prendre en charge la réalisation des voiries de l’opération, même si celles-ci relèvent normalement de la compétence communale.

En second lieu, la maîtrise d'ouvrage publique peut être transférée à un tiers, généralement après une procédure de mise en concurrence. Cela peut se faire via un contrat de VEFA, une concession de service public ou une concession d’aménagement. Il est également possible de transférer cette responsabilité à un autre maître d'ouvrage public, sans mise en concurrence, à travers une convention de transfert de maîtrise d’ouvrage (communément appelée convention de co-maîtrise d’ouvrage), lorsque plusieurs entités sont simultanément compétentes pour la réalisation ou la réhabilitation d’un ouvrage.

La concession d’aménagement demeure la méthode privilégiée par les collectivités pour réaliser des opérations d’aménagement. Conçue spécifiquement à cet effet, elle permet de confier la maîtrise d’ouvrage des « travaux, bâtiments et équipements » à un concessionnaire, garantissant ainsi une cohérence dans la mise en œuvre du projet. Mais attention : le concédant délègue la réalisation de l’opération d’aménagement au concessionnaire ainsi que la maîtrise d’ouvrage des équipements relevant de sa compétence ; le transfert de la maîtrise d’ouvrage des équipements relevant de la compétence d’autres personnes publiques devra se faire par un autre moyen…

A retenir qu’un aménageur ne peut pas « prendre » librement la maîtrise d’ouvrage d’équipements publics : elle doit lui être transférée par la personne publique compétente dans le cadre strict de la loi.

De l’importance de l’utilisation de certains outils pour clarifier et organiser les maîtrises d’ouvrage

Dans un contexte où les élus cherchent souvent à éviter des procédures longues et complexes et où l’innovation est toujours favorisée, la « vieille » ZAC garde tout son intérêt. Le programme des équipements publics, document obligatoire dans le cadre de la réalisation d'une ZAC, apporte une clarté essentielle en précisant les rôles de chaque acteur : la personne publique compétente, le maître d’ouvrage, le bénéficiaire de l’ouvrage et les modalités de financement. Sans cet outil, l'organisation des maîtrises d'ouvrage est souvent mal anticipée. Le PEP suffit d’ailleurs à « transférer » la maîtrise d’ouvrage d’équipements d’infrastructures via l’accord des personnes publiques compétentes visé à l’article R. 311-7 du code de l’urbanisme.

En plus de la ZAC, seule la concession d’aménagement permet un transfert global de maîtrise d’ouvrage, y compris pour les équipements de superstructure relevant de la compétence de la collectivité concédante.

Hors ZAC et/ou concession d’aménagement, la réalisation d’une opération d’aménagement d’une certaine complexité impliquera donc nécessairement de multiplier les conventions d’organisation et de transfert des maîtrises d’ouvrage, et donc les risques juridiques.

Il n'est d'ailleurs pas rare de voir certaines collectivités autoriser des promoteurs privés à réaliser des équipements publics, souvent en les intégrant à un lotissement ou via des ventes avec charges, en dépit des règles de la commande publique et du code de l'urbanisme. Cette pratique, en plus d’être juridiquement hasardeuse, expose les élus à un risque pénal et la collectivité à des risques financiers si le promoteur, malgré son engagement, demande ensuite le remboursement des sommes indument investies.

 

NOTES

[1] Dispositions relatives à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée - articles L. 2410-1 et suivants du code de la commande publique

[2] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique