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Crédit Gwenaelle.R/Adobe stock
La France compte actuellement quelque 1350 Entreprises Publiques Locales (EPL), dont 110 sur les territoires ultra-marins, qui interviennent aussi bien sur les sujets d’aménagement, de logement, de tourisme et, plus globalement, au service du développement des territoires. Les EPL constituent le bras armé des élus sur leur territoire; il importe donc que ce bras soit opérant, efficace, et agisse de façon coordonnée, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Les EPL s’inscrivent aujourd’hui dans un mouvement de transformation fort et doivent réinterroger leur positionnement, leur organisation, et leurs pratiques pour répondre aux nouveaux besoins de leur territoire, composer avec des équilibres financiers de plus en plus complexes, intégrer les besoins des populations – de plus en plus volatiles et interstitiels –, et coller aux orientations politiques. Ces dernières s’inscrivent d’ailleurs dans une tendance d’alternances accélérée et d’un renforcement de la dimension environnementale des politiques portées.
Or, le modèle économique des EPL s’avère de plus en plus tendu. Qu’elles produisent du logement social ou du bureau, les SEM immobilières ont du mal à équilibrer leurs opérations et sont fortement touchées par l’augmentation des matières premières. Les SEM d’aménagement subissent pour leur part des contraintes liées au ZAN, à des retours sur investissements plus tardifs, et à des concurrences accrues sur le secteur de la part des promoteurs comme Eiffage et Bouygues. Quant aux EPL de gestion d’équipements publics, elles subissent l’augmentation des coûts d’entretien souvent liée au bond des factures d’énergie. Enfin, les SEM de stationnement se voient contraintes par des orientations politiques assez radicales : diminution des places de parking et densification des transports en commun.
Selon une étude de l’Observatoire de la fédération des EPL (Eplscope 2022, le baromètre des entreprises publiques locales) les deux tiers de ces établissements opèrent actuellement des stratégies de diversification de leurs activités de sorte à répondre aux nouveaux besoins de territoires. Parallèlement, suite à la loi Elan, les SEM immobilières gérant moins de 12.000 logements ou réalisant moins de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ont eu pour obligation de se regrouper. Globalement, il est observé sur les territoires la volonté politique de faire des EPL des opérateurs globaux en capacité d’intervenir sur tous les segments du développement territorial. Sur la métropole du Grand Besançon, la SEM immobilière SAIEMB Logement s’est rapprochée de Grand Besançon Habitat pour devenir Loge.GBM, un opérateur disposant ainsi d’une force de frappe plus importante et d’une capacité de diversifier ses activités. On observe aussi le rapprochement d’EPL aux activités complémentaires : à Montpellier, la SEM d’aménagement SERM-SA3M et le bailleur social ACM Habitat ont fusionné. A Nantes, c’est aussi le cas pour de la Cité des congrès et le Parc des expositions de la Beaujoire ; une direction commune sera créée au plus tard à l’horizon 2027. Et dans le Morbihan, la SEM d’aménagement EADM a fusionné avec l’OPH Bretagne Sud Habitat. Ces types d’opérations sont réalisées sur des territoires très différents et elles ont vocation à se développer. On assiste à une transformation du secteur qui pourrait être comparable, dans les années à venir, à ce qu’a connu celui du logement social.
Avant de rentrer dans la mécanique des rapprochements et des repositionnements, il importe de s’interroger sur les besoins des territoires et la manière de construire un projet qui y réponde de façon adaptée. Outre l’instant T, il faut penser à la manière dont les besoins vont évoluer en mettant en place des dispositifs permettant de les mesurer en temps réel. On ne peut pas tout miser sur la prospective tant les évolutions sont rapides. Il faut pouvoir définir une vision, mais aussi mettre en place un cadre et des pratiques permettant de l’ajuster au fur et à mesure et se préparer aux éventualités inattendues. C’est un principe de réalité.
De plus, une fois posée cette réflexion, il convient d’envisager tous les scénarios possibles en matière de positionnement et ne pas camper sur une seule recette. Si certains territoires de villes moyennes gagneraient à disposer d’un seul opérateur pluridisciplinaire, d’autres ont intérêt à en conserver plusieurs. Une fois le scénario adopté, il importe d’accompagner la restructuration autour de trois grands axes : construire une stratégie à l’échelle du territoire permettant de construire un éco-système d’EPL en capacité de répondre aux enjeux ; construire un modèle économique et organisationnel qui permette de mettre en œuvre la stratégie de territoire efficacement et concrètement ; réinterroger les modalités d’association des collaborateurs de ces EPL afin de pleinement les associer aux changements à l’œuvre et que ces projets stratégiques d’entreprise deviennent leur projet.
Sur ce point, le dispositif de conduite du changement est indispensable. Il permet d’écouter les équipes, de comprendre leurs attentes, de les informer tout au long du projet et de les accompagner afin d’aller vers une nouvelle organisation (accompagnement à l’évolution des pratiques, formation à de nouveaux métiers, coaching…) Une transformation peut s’avérer difficile ; le projet ne doit pas être porté uniquement par les politiques et la direction générale mais doit faire sens pour l’ensemble des collaborateurs afin d’espérer un mouvement de fond qui permette réellement de transformer l’organisation, et par voie de conséquence les territoires. Ce changement interne doit aussi s’opérer vers l’extérieur, afin que ces organisations accompagnent ces projets de territoire en mettant en place des dispositifs permettant d’associer les parties prenantes et les habitants – permettant ainsi de faire de ces projets de territoire leur projet.
Nicolas Mer, Aatiko Conseils, la filiale transformation du groupe SCET