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En France, près de 80 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Les conséquences du décrochage scolaire sont multiples : du préjudice psychologique à l’impact sur la qualité de vie, les jeunes décrocheurs se trouvent plus souvent au chômage, notamment de longue durée, occupent plus souvent des emplois précaires et présentent un état de santé dégradé.
Le coût du décrochage scolaire pour une personne tout au long de sa vie a été estimé en 2012 à 230.000 euros par le cabinet Boston Consulting Group (BCG). Dans le même temps, certains secteurs peinent à recruter, c’est le cas notamment de l’industrie. Comment lutter efficacement contre le décrochage scolaire, préserver la cohésion sociale et répondre au besoin de main d’œuvre des entreprises ? Face à ces enjeux, quelle est la solution proposée par la Fédération des Ecoles de Production ?
D’après l’enquête BMO (Besoin en main-d’œuvre) de Pôle Emploi, si le secteur des services aux particuliers demeure le premier recruteur (1,103 million de projets, en progression de 10,6% sur un an), les secteurs des services aux entreprises (742 000 projets) et de l’industrie (258 300 projets de recrutement, + 6,5%) connaissent également une forte progression. Les métiers industriels y sont sur-représentés : emplois d’ouvriers qualifiés de maintenance, chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers ou encore forgerons, sont notamment cités par les employeurs.
Si les conditions de travail et l’image dégradée associée aux métiers de l’industrie sont les raisons les plus souvent mises en cause pour expliquer les difficultés de recrutement, elles arrivent en 3ème et 4ème position après la pénurie de candidats (84%) et l’inadéquation du profil des candidats à la demande (77%). Dans la métallurgie ce sont 80% des projets de recrutement qui rencontrent des difficultés à aboutir pour les raisons citées.
La pénurie de candidats se constate à l’échelle nationale mais chaque territoire connaît ses spécificités : les besoins ne sont pas les mêmes en Bourgogne-Franche-Comté, 1ère région industrielle de France, qu’en Bretagne ou dans les territoires ultra-marins. Enfin, tous les territoires ne sont pas égaux face au décrochage scolaire de leurs jeunes, c’est pourquoi les solutions doivent émerger des acteurs territoriaux et de leurs besoins. C’est ce que proposent les Ecoles de Production.
Trente deux Ecoles de Production forment aujourd’hui plus de 900 jeunes aux métiers du numérique, des espaces verts, de la menuiserie, ou encore du paysage. L’ouverture d’une école de production se fait toujours en réponse à un besoin spécifique de secteurs en tension et à une politique territoriale d’insertion de jeunes en difficultés et de lutte contre le chômage.
A l’origine d’une école de production se trouve systématiquement le triptyque collectivités, entreprises et jeunes en situation d’échec scolaire et/ou inadaptés au système classique. Ce besoin initial identifié par un travail partenarial avec les rectorats et les branches professionnelles est garant du succès de l’Ecole.
A mi-chemin entre l’apprentissage et les Lycées professionnels, ces écoles offrent une troisième voie aux jeunes entre 15 et 18 ans rencontrant des difficultés avec le système scolaire classique. Si les enseignements généraux suivent les programmes de l'éducation nationale en CAP et en Bac Pro, c’est la pédagogie innovante du « faire pour apprendre » qui fait la particularité de ces écoles. Les élèves, sous statut scolaire, produisent des biens ou services, qui sont ensuite vendus aux entreprises du territoire. Ils sont encadrés par des maîtres professionnels, dotés d'un minimum de cinq ans d'expérience en entreprise qui ont également pour rôle d’assurer le lien avec le client.
Ces établissements privés sous contrat, se financent en majeure partie via les revenus issus de la production. Dans ce modèle, le jeune ne passe pas par la recherche d’une entreprise d’accueil, souvent plus difficile pour les jeunes issus de milieux défavorisés et encore complexifiée dans un contexte de la crise liée au COVID qui laisse présager une diminution significative des recrutements d’alternants.
Au-delà de proposer une solution de formation, les écoles de production constituent également un outil d’insertion et de lutte contre la fracture sociale. Les missions qui sont confiées aux jeunes nécessitent l’utilisation de machines complexes pour répondre à de véritables commandes clients. Cette immersion dans le monde du travail, valorise les élèves tout en les préparant à la suite de leur carrière. Le taux d’insertion en fin de cursus avoisine presque toujours les 100% avec un taux de réussite aux examens de 90%.
FOCUS : L’ECOLE DE PRODUCTION DE CHALON-SUR-SAONE En Saône-et-Loire, c’est de ce constat qu’est née en 2017 l’Ecole de Production de Chalon-sur-Saône. Les entreprises industrielles du bassin chalonnais peinaient à recruter de la main d’œuvre qualifiée sur des postes en tension (maintenance, usinage) et de trop nombreux jeunes quittaient le système éducatif sans diplôme et sans perspective d’insertion sociale et professionnelle. EDF et l’UIMM 71 (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie) ont créé l’Ecole de Production de Châlons sur Saône. L’école prépare gratuitement les jeunes au CAP Conduite d’installations de production et BAC Pro Technicien d’usinage. Ces qualifications bien spécifiques sont très demandées dans un département marqué par le secteur de la métallurgie. A l’EDP de Châlons sur Saône, 75% du temps d'enseignement se passe en atelier et les pièces réalisées par les élèves sont des commandes réelles des entreprises de la région. Les cours théoriques (Mathématiques, Français, Histoire-Géographie, Anglais) sont enseignés avec une logique d'utilité professionnelle, ils représentent seulement 30% du temps de cours hebdomadaire mais sont dispensés régulièrement tout au long de l'année et permettent d'acquérir les compétences suffisantes pour l'obtention du CAP et du BAC PRO. Le spectre des entreprises clientes est large et va de la PME au grand groupe. L’EDP de Chalon-sur-Saône a bénéficié en 2018 d’un prêt subordonné accordé par la Banque des Territoires, à hauteur de 130 000€. |
La Fédération Nationale des Ecoles de Production souhaite aujourd'hui porter le nombre d'écoles à 100 d'ici 10 ans et est accompagnée dans son objectif par la Banque des Territoires qui s’est elle-même fixée comme objectif d’accompagner en 10 écoles via des prêts subordonnés, et accompagne également en ingénierie la création de nouvelles écoles via le programme Territoire d’Industrie.