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Crédit ©Direction de la communication/ Caisse des Dépôts
Nouvelle édition du Baromètre de l'Institut Paul Delouvrier sur les Français et l'environnement. Quelles devraient être, selon eux, les actions prioritaires à mener en faveur de l’environnement, et pour lutter efficacement contre le changement climatique ? Quelle perception ont-ils de l’action des pouvoirs publics ? Quels comportements sont-ils prêts à adopter pour accélérer le mouvement ?
Ces questions ont été posées dans le cadre d’un sondage réalisé en ligne par Toluna-Harris Interactive du 20 au 26 décembre 2024 auprès d’un échantillon national de 1093 personnes, représentatif de l’ensemble des résidents en France âgés de 18 ans et plus.
Retour avec Matthieu Delouvrier sur ce qu’il faut retenir de l’édition 2024 du Baromètre Environnement, élaboré en partenariat avec la Caisse des Dépôts.
Votre dernier rapport sur l’environnement montre que les préoccupations environnementales des Français évoluent. Quels sont les grands enseignements cette année ?
La dernière vague de notre baromètre Environnement met en lumière plusieurs évolutions majeures dans la perception des Français vis-à-vis des enjeux environnementaux. Trois grandes priorités se dégagent : la réduction des déchets et le recyclage (31 %), la prévention des catastrophes naturelles (30 %) et le développement d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement (29 %).
Ce qui est particulièrement frappant, c’est la baisse significative de cette troisième priorité concernant l’agriculture. Elle était en tête de liste en 2020 et a perdu 20 points en quatre ans, ce qui en fait l’une des plus fortes baisses observées dans nos enquêtes. Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs : d’une part, d’autres préoccupations ont pris le dessus, notamment la prévention des catastrophes naturelles, qui a progressé de 3 points cette année et devient la deuxième priorité des Français. D’autre part, les efforts des agriculteurs pour limiter leur impact environnemental sont de plus en plus visibles, ce qui peut réduire l’impression d’urgence.
Cette réorientation traduit sans doute une évolution des préoccupations climatiques. Les sécheresses, les inondations et les tempêtes se multiplient, ce qui pousse les Français à se focaliser davantage sur les risques immédiats et sur la gestion des crises climatiques.
Comment les Français évaluent-ils concrètement l’action des pouvoirs publics en matière environnementale ?
Après une année 2023 marquée par une forte amélioration de l’opinion sur l’ensemble des actions menées par les pouvoirs publics, la dynamique reste orientée à la hausse en 2024, mais de manière plus modérée. Cette année, certaines actions recueillent une majorité d’avis favorables, notamment la réduction des déchets et le recyclage, qui affichent 63 % d’opinions positives.
Toutefois, d’autres thématiques sont jugées moins bien prises en charge. Par exemple, la lutte contre la pollution des océans n’est jugée efficace que par 49 % des répondants, et la réduction des nuisances sonores atteint à peine 48 %. Ces résultats montrent que, malgré des avancées, certains domaines restent insuffisamment investis aux yeux des citoyens.
Il est également intéressant de noter que la perception varie selon l’âge : les moins de 35 ans sont globalement plus optimistes quant aux efforts publics, tandis que les générations plus âgées expriment plus de scepticisme. Cela peut s’expliquer par une sensibilisation accrue des jeunes aux enjeux climatiques et par une meilleure connaissance des politiques environnementales mises en place.
Quel est le rôle des citoyens dans cette transition écologique ? Se sentent-ils toujours aussi impliqués ?
Les Français sont toujours très conscients de l’importance des gestes du quotidien, mais on perçoit une certaine lassitude. Parmi les comportements considérés comme les plus efficaces figurent le tri des déchets (73 % des évocations), la consommation de produits locaux et de saison (72 %) et la préférence pour des biens fabriqués à proximité (71 %). La réduction du temps passé à regarder des vidéos à la demande et à jouer en ligne reste en dernière place mais augmente significativement pour la deuxième année consécutive (43% contre 36% en 2022).
Cependant, il y a un écart croissant entre l’adhésion théorique à ces gestes et leur mise en pratique effective. Par exemple, en 2020, 93 % des Français déclaraient trier systématiquement leurs déchets. En 2024, ils ne sont plus que 79 %, soit une baisse de 14 points en quatre ans.
Cette tendance touche aussi d’autres comportements : la réduction du temps passé sous la douche, la limitation des achats en ligne ou la consommation de légumes de saison sont en net recul depuis 2020. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène : un sentiment d’impuissance : face aux crises climatiques de plus en plus intenses, certains citoyens ont le sentiment que leurs actions individuelles ne suffisent pas ; la complexité des gestes écologiques : si trier ses déchets est relativement simple, d’autres actions comme la limitation de la consommation de viande ou l’usage réduit d’Internet sont perçues comme plus contraignantes ; un relâchement dans les habitudes : après plusieurs années de sensibilisation, certains comportements tendent à s’éroder, faute d’incitations ou d’accompagnement.
Comment évoluent les préoccupations des Français ?
Si la sécheresse reste la principale source d’inquiétude (41 %), elle ne domine plus autant que par le passé. D’autres préoccupations émergent, notamment les inondations (37 %), les pics de chaleur (36 %) et les tempêtes (33 %).
Ce qui est intéressant, c’est que les Français ne se focalisent plus sur un seul risque climatique. Il y a quelques années, la sécheresse était perçue comme le problème majeur. Aujourd’hui, les inquiétudes sont plus équilibrées, signe que la population prend conscience de la multiplicité des dangers liés au changement climatique.
D’autres thématiques montent en puissance, notamment la perte de biodiversité, qui est de plus en plus citée. La disparition de certaines espèces et la dégradation des écosystèmes sont désormais des sujets majeurs pour une part croissante de la population.
Et du côté des services publics, comment les Français perçoivent-ils leurs engagements en faveur de l’environnement ?
Globalement, les Français estiment que les services publics font plutôt des efforts, mais ces efforts restent insuffisamment visibles. Selon les secteurs, entre 7 % et 32 % des citoyens déclarent ne pas savoir quelles actions sont mises en place. Lorsqu’ils sont informés, leur jugement est relativement positif : entre 45 % et 66 % estiment que les services publics agissent pour l’environnement.
Il y a donc un enjeu majeur de communication. Les citoyens attendent des engagements clairs et des résultats concrets, mais ils ne perçoivent pas toujours ce qui est fait. Valoriser davantage ces actions permettrait d’améliorer la confiance et d’inciter les citoyens à s’impliquer davantage dans la transition écologique.
En conclusion, quelles seraient les pistes d’action pour répondre aux attentes des Français ?
Plusieurs pistes se dégagent de notre enquête : renforcer la prévention des catastrophes naturelles : c’est un enjeu qui prend de l’ampleur et qui nécessite des actions plus ambitieuses ; mieux accompagner les citoyens dans leurs efforts écologiques : beaucoup de Français souhaitent agir, mais peinent à maintenir leurs engagements dans le temps ; valoriser davantage les politiques environnementales existantes. : beaucoup de mesures sont mises en place mais restent peu visibles. Une meilleure communication permettrait de renforcer la confiance et l’adhésion.
Enfin, il est essentiel de maintenir une mobilisation collective face aux défis climatiques. L’État, les entreprises, les collectivités et les citoyens doivent travailler ensemble pour construire un modèle durable, sans quoi les efforts engagés risquent de perdre leur impact.
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L'Institut Paul Delouvrier a lancé en 2004 un baromètre visant à étudier l’opinion des Français et la satisfaction des usagers au sujet des services publics. Réalisée annuellement, cette enquête contribue à l'évaluation comparative des principales missions des services publics mais également à l'identification de pistes d'action pour les décideurs. Depuis 2020 l’Institut Paul Delouvrier réalise un baromètre sur les Français et le logement avec le soutien de l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts.