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En 2018, le plan biodiversité (dont l’objectif est de « renforcer l’action pour la préservation de la biodiversité et mobiliser des leviers pour la restaurer et la reconquérir ») a placé dans ses priorités l’objectif de « Zéro artificialisation nette » (ZAN). Depuis, des travaux importants ont été lancés et les politiques publiques s’orientent de plus en plus vers la prise en compte de cet enjeu, avec des conséquences et des opportunités importantes pour les collectivités.

Une artificialisation qui progresse plus vite que la croissance démographique

Si l’artificialisation[1] revêt des réalités très différentes sur les territoires (de l’urbanisation dense à la construction d’infrastructures, en passant par le mitage et l’étalement urbain), la France connaît depuis 1981 un taux de croissance de l’artificialisation 3,7 fois plus important que la croissance de la population.

L’artificialisation est pourtant à l’origine d’impacts importants sur :

  • Les sols, ses propriétés et les services écosystémiques associés ;
  • Les habitats, les paysages et la diversité biologique ;
  • La gestion de l’eau (accroissement du ruissellement, intensification des inondations, pollution des eaux pluviales urbaines) ;
  • La séquestration du carbone par les sols ;
  • La consommation d’espaces agricoles, nécessaires à la sécurité alimentaire et à la vitalité économique locale ;
  • Les dépenses des collectivités (déséconomies d’échelle) ;
  • La fracture sociale et territoriale (paupérisation des centres-villes, augmentation des logements vacants, dégradation du patrimoine bâti, ségrégation spatiale).

Étant donné ces impacts, des initiatives émergent progressivement pour trouver des solutions alliant sobriété foncière et développement des territoires.

Des territoires pilotes de la sobriété foncière

La démarche a été lancée conjointement par le ministère de la Cohésion des territoires et des relations aux collectivités territoriales et le ministère de la Transition écologique, en s’appuyant sur l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT), Action Cœur de Ville, la Direction Générale de l’Aménagement du Logement et de la Nature (DGALN) et le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA).

L’objectif est de créer des démonstrateurs de l’objectif de ZAN à travers un soutien important pendant au moins trois ans. Ils bénéficieront d'une assistance à maîtrise d'ouvrage chargée de les accompagner dans l'organisation et le pilotage de leur projet, dans le recrutement de compétences locales par la constitution de cahiers des charges, ainsi que dans la coordination de l'expérimentation entre les territoires pilote. 50% des coûts de mobilisation des compétences locales seront pris en charge par l'ANCT.

Poitiers (86), Epernay (51), Sète (34), Dreux (28), Maubeuge (59), Draguignan (83) et Louviers (27) sont ainsi les sept « Territoires pilotes de sobriété foncière » et vont être accompagnés dans leur stratégie ZAN.

Des objectifs de lutte contre l’artificialisation dans la réglementation

Si cet accompagnement est réalisé auprès de quelques collectivités territoriales, l’ensemble des territoires sera prochainement concerné par de nouvelles mesures liées à l’artificialisation des sols.

Les travaux des 150 citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat (2020) ont révélé la préoccupation grandissante envers le rythme d’artificialisation des sols et permis la priorisation de 13 propositions à ce sujet. L’ensemble des propositions de la CCC ont désormais vocation à être reprises dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets actuellement en discussion.

Un objectif intermédiaire de diminution du rythme de l’artificialisation est précisé dans le projet de loi, afin « de ne pas dépasser la moitié de la consommation d’espace réelle observée sur les dix dernières années » d’ici 10 ans. Il s’agira également de définir la trajectoire relative à l’objectif de ZAN.

Le projet de loi prévoit en outre que les schémas de planification (SRADDET) et les documents d’urbanisme (SCoT, PLU, cartes communales) seront largement concernés par l’intégration d’objectifs liés à la lutte contre l’artificialisation.

Des éléments relatifs au recensement de zones d’activité économique, au potentiel de réversibilité des bâtiments ou encore aux aires protégées sont également à l’ordre du jour dans le projet de loi.

Les actions à mettre en œuvre par les collectivités territoriales

La volonté politique et l’appropriation du sujet par les collectivités territoriales sont des leviers extrêmement forts, en capacité de surpasser les freins liés aux coûts ou à l’acceptabilité par exemple. Aujourd’hui, la vision du « maire bâtisseur » qui incite à la construction de lotissements et de zones d’activité pour développer économiquement sa commune persiste, en opposition à la revitalisation des centres-villes. Il est essentiel de présenter de nouvelles voies aux élus, afin de démontrer qu’un développement socio-économique sobre est possible sans pour autant engendrer d’artificialisation.

La Mission Économie de la Biodiversité de CDC Biodiversité, en partenariat avec Humanité et Biodiversité, a ainsi réalisé la publication « Mise en œuvre de l’objectif de Zéro artificialisation nette à l’échelle des territoires », pour accompagner les acteurs, en particulier publics, dans la mise en place d’outils pour lutter contre l’artificialisation et désartificialiser afin de tendre vers l’objectif de ZAN. Emmanuelle Wargon (ministre déléguée chargée du Logement) et Bérangère Abba (secrétaire d’État chargée de la biodiversité) soulignent dans la tribune de la publication que la lutte contre l’artificialisation représente « un défi inspirant car il doit permettre d’inventer de nouvelles formes urbaines pour une meilleure reconnexion à la Nature, élément indispensable de notre bien-être et de protection de l’environnement ».

La publication rassemble des propositions concrètes pour lutter contre l’artificialisation (via l’évaluation du besoin réel en construction, la densification, la réhabilitation des friches ou le renouvellement du bâti existant) et des mesures de désartificialisation (déconstruction, désimperméabilisation, dépollution, réhabilitation de sols fonctionnels et végétalisation des sites), afin de concourir à l’atteinte de l’objectif de ZAN.

Il s’agit également de discuter des différents leviers à mobiliser afin de créer un cadre porteur pour l’objectif de ZAN : cela se traduira notamment par l’implication des acteurs à toutes les échelles, l’évolution de la séquence Éviter-Réduire-Compenser, la planification territoriale, la gouvernance et la fiscalité.

Une opportunité pour repenser le développement économique des territoires

Au regard de l’urgence écologique, le sujet de l’artificialisation des sols prend une place croissante dans les publications scientifiques, les débats publics, les travaux des ONG environnementales, ou encore dans les préoccupations des Français comme l’a récemment montré la Convention Citoyenne sur le Climat et ses 13 propositions pour lutter contre l’artificialisation, qui devraient se traduire réglementairement dans les prochains mois.

La lutte contre l’artificialisation doit ainsi être perçue comme une opportunité pour repenser le développement économique des territoires, à la croisée entre préservation de la biodiversité, évolution du cadre de vie et sobriété foncière.

 

[1] Le terme « artificialisation » regroupe les changements d’usage des sols visant à implanter des activités humaines autres que la production agricole, la foresterie ou la conservation d’espaces naturels. Il peut s’agir de constructions à usage d’habitation ou liées à des activités industrielles et commerciales, d’infrastructures de transport, d’équipements sportifs ou culturels, etc.

 

Aller plus loin :

Lire la publication de la Mission Économie de la Biodiversité et d’Humanité et Biodiversité « Mise en œuvre de l’objectif de Zéro artificialisation nette à l’échelle des territoires ».