À l’heure où chaque Français passe plus de temps sur Internet qu’à déambuler dans un centre-bourg, la présence des petites villes sur les outils numériques constitue un point essentiel de leur attractivité.  Quels sont les principaux enjeux de cette présence sur internet ? Quelle notoriété des petites villes par rapport aux grandes villes sur l’encyclopédie en ligne la plus consultée, Wikipédia ? Quelles pistes d’action pour améliorer l’image numérique des petites villes ?

L’analyse qui suit s’appuie sur les résultats de l’enquête menée par le Lab Nouvelles Marges et intitulée « L’attractivité des petites villes de France au prisme des 43 millions de consultations de leurs pages Wikipédia ».

Le numérique : première porte d’entrée du territoire

Une enquête récente de Médiamétrie montre que la France compte 48,5 millions d'internautes quotidiens, et qu’en moyenne, un Français passe 2h40 chaque jour sur Internet. Les moteurs de recherche notamment, sont devenus l’outil privilégié des Français pour obtenir des informations rapides et accessibles sur pratiquement tous les sujets . Ainsi, qu'il soit habitant, consommateur, touriste, salarié ou futur résident, chaque individu cherchant des renseignements sur une ville a pour premier réflexe de consulter son téléphone ou son ordinateur, et d'utiliser un moteur de recherche pour trouver des informations. De ce fait, les points d’entrée d’une ville ne sont pas seulement structurés par ses rues et ses moyens de transport, mais aussi par les informations qu’elle rend disponibles pour chacun, sur son territoire. Une faible visibilité de sa ville sur les supports numériques entraîne ainsi une faible mise en lumière du potentiel et des atouts de son territoire et donc, une plus faible fréquentation.

Un besoin d’information accru pour les petites villes

Généralement moins connus, les petits territoires génèrent des besoins d’informations nettement plus élevés. Si tout le monde sait où placer sur une carte une ville comme Toulouse, avec une idée de ce que l’on peut y voir ou y trouver, ce n’est pas le cas pour beaucoup de petites villes rurales, y compris lorsqu’elles sont lauréates d’un programme national de redynamisation ou d’un label touristique.

Pour illustrer ce phénomène, Nouvelles Marges a analysé les fréquences de consultation des pages Wikipédia de 1 600 communes bénéficiaires du programme national Petites Villes de Demain (PVD). En effet, si toutes les communes de France ne sont pas dotées d’un office de tourisme, chacune d'entre elles, jusqu'au plus petit village, dispose d'une page sur Wikipédia. Grâce à sa popularité, les liens vers Wikipédia figurent toujours en tête des résultats de recherche, dépassant ou jouxtant les sites des collectivités locales... Le volume de visites sur ces pages constitue ainsi un indicateur d’évaluation de l’intérêt porté à un territoire par les Internautes.

Les calculs débouchent sur un constat assez clair : comparées à leur population globale, les petites villes françaises reçoivent sur la période d’observation (2 ans et 43 millions de consultations) en moyenne 6,4 visites pour un habitant, contre seulement 5,6 pour une ville moyenne lauréate du programme Action Cœur de Ville et 2,5 pour les 22 Métropoles[1]. Moins connues, les petites villes sont donc proportionnellement plus recherchées.

Les caractéristiques distinctives des territoires qui « sur-performent » sur l’indice Wikipédia

Partant des 30 Petites Villes de Demain les plus consultées par habitant, on peut dégager une typologie des fonctions dominantes de leur notoriété.

  • Une large part d’entre elles (80 %) se compose de communes à dominante touristique, soit parce qu’il s’agit de communes littorales (Etretat, Bonifacio…), soit parce qu’il s’agit de stations de sports d’hiver (Cauterets, Saint-Lary-Soulan…) ou de stations thermales (Ax-les-Thermes), soit encore parce qu’elles bénéficient d’un patrimoine naturel attirant les touristes (Vallon-Pont-d'Arc).
  • Près de la moitié, et c’est un point important, ont bénéficié aussi d’un effet médiatique : un film, une émission de télévision (par exemple, Le Village Préféré des Français), une étape du Tour de France…
  • 15 % bénéficient d’un « effet de nom » : Laguiole pour ses couteaux, gonflant ainsi le nombre de visiteurs sur leurs pages, Mont-Dore (course automobile, sports d’hiver…), Sancerre, etc.
  • 7 % bénéficient d’une exposition liée à l’histoire de la commune ou à ses personnalités publiques (Le Chambon-sur-Lignon par exemple).
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Le Top 10 des PVD les plus visitées par habitant sur Wikipédia

Tableau : Le Top 10 des Petites Villes de Demain les plus visitées par habitant sur Wikipédia

Source : Wikipédia - traitement Nouvelles Marges

(voir le TOP 30 p. 5 de l’enquête « L’attractivité des petites villes de France au prisme des 43 millions de consultations de leurs pages Wikipédia »)

Les freins à la visibilité des petites villes les moins consultées sur la plateforme

Lorsque l’on se tourne vers les villes qui reçoivent moins de visites sur leurs pages Wikipédia, on observe, à l’inverse, une tout autre typologie. Il s’agit principalement :

  • Des petites villes de banlieue ou périurbaines avec une identité plus difficile à affirmer. Leur situation particulière complique leur fonctionnement et leur rayonnement, mais aussi l’affirmation de leur identité.
  • Les villes nouvelles créées par regroupement d’autres petites villes sont aussi beaucoup moins visibles. Ces villes ont généralement adopté un nouveau nom et perdu en identité et notoriété numérique, même plusieurs années après leur fusion. Les 17 villes les moins sollicitées sur Wikipédia sont ainsi toutes des communes nouvelles.
  • Enfin, l’absence de vocation touristique représente la dernière explication. Moins visitées, elles sont moins recherchées. Les capacités hôtelières des 150 villes les moins bien classées sont beaucoup plus faibles, voire nulles.

Vers une stratégie numérique pour les petites villes

Spécificité, authenticité, décalage, iconographie… Quelles sont les clés du succès pour repenser l’attractivité de sa ville ?

Nous proposons ici 6 pistes pour dynamiser la notoriété numérique de sa « petite ville » et renforcer sa fréquentation. Elles sont issues d’études de cas pratiques et du travail accompli avec le Hub des Territoires à travers du webinaire « Petites villes, soignez votre image numérique pour renforcer votre attractivité ! ».

1. L’iconographie : un levier important et un investissement peu coûteux

Pour une petite ville, un des premiers investissements (et relativement peu coûteux) consiste à soigner la qualité de son iconographie : changer l’image de son territoire, c’est aussi changer les images qui sont diffusées. La qualité iconographique, loin d’être négligeable, permet en effet d’offrir une idée modernisée et valorisée de son centre-bourg. Utilisant ce levier, la ville de Lectoure (32), lauréate du programme PVD, a ainsi organisé un concours photographique dont l’objectif était de valoriser le patrimoine culturel, architectural et paysager de sa ville. Ce concours a donné lieu à de nombreuses publications dans la presse et sur Instagram[2] .

2. Mélanger les parcours physiques et numériques

Très appréciés des touristes comme de la population locale, les jeux de pistes à travers la ville, en suivant un parcours d’énigmes sur son portable, constituent un véritable outil d’animation du territoire. Lauzerte (82), une autre ville du programme  PVD, a ainsi conclu un partenariat avec Baludik sur un jeu de pistes créé avec les collégiens et les écoliers du territoire[3] . Installations artistiques, jeux de miroirs, lettrages monumentaux… les idées sont également nombreuses pour créer une animation et provoquer des rebonds d’image. À titre d’illustration, la Petite Ville de Demain de Duclair (76) a ainsi exposé un canard sur le toit de la mairie[4] pour mettre en lumière ses spécificités et sa gastronomie lors de la fête du Canard.

3. Le marketing, ce n’est pas uniquement pour les grandes villes !

Raconter différemment son territoire, construire un récit et décaler son image est aussi un point clef à travailler pour « sortir du commun » et mettre ses atouts en relief. Forte de cette idée, la petite ville de Batz-sur-Mer (44) développe ainsi chaque année une campagne numérique humoristique et décalée pour faire parler d’elle, attirer les touristes, mais aussi renforcer la fierté d’y habiter et d’y travailler. En 2023, une campagne s’appuyant sur l’affiche du film « Barbie »[5] a ainsi permis de valoriser ses maîtres-nageurs et sauveteurs.

4. L’animation numérique, un levier gagnant de la redynamisation commerciale

Le numérique est un outil clef pour redynamiser son tissu commercial et attirer de nouveaux clients sur le territoire. Plusieurs points de recommandations ont d’ailleurs déjà été développés sur ce sujet dans le guide pratique « Les 10 essentiels de la redynamisation commerciale dans les Petites Villes de Demain » publié par la Banque des Territoires. À titre d’illustration, la ville de Lectoure (32) a également développé des actions fortes de promotion des commerçants via des petites vidéos publiées sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram[6] et TikTok.

5. Rebondir sur les pics de surexposition médiatique (quand on a cette chance…)

En fonction de l’actualité, une commune peut bénéficier de moments de surexposition numériques importants. L’enjeu est alors de capitaliser sur ces pics d’intérêt et de s’assurer que ces événements (émissions télévisuelles, films, étape du Tour de France, etc.) produisent un effet sur le long terme. La ville de Carrouges (61), elle aussi lauréate du programme PVD, a ainsi profité de la diffusion du film « le Dernier Duel » de Ridley Scott, dont le héros est originaire de Carrouges, pour faire de cette aventure une pièce de théâtre et animer son site l’été.

6. Wikipédia, une importance non négligeable

Par son niveau élevé de fréquentation, la page Wikipédia peut être d’une importance équivalente à la page d’accueil du site web de la commune. Il est donc important qu’une communauté locale l’alimente. Objectif ? Avoir une page valorisante, qui ne soit pas uniquement un déroulé descriptif mais joue aussi un rôle de levier pour la commune. Nous renvoyons ici[7] à la page Wikipédia dédiée à un « bon article ». Le soin apporté à l’iconographie est là aussi assez central : il s’agit de proposer et d’intégrer des photographies libres de droits et d’un bon niveau de définition.

À retenir en conclusion

 

  • Chaque usager de son territoire est aussi un usager quotidien du numérique, le centre-bourg doit donc être aussi visible sur ces supports.
  • Le numérique représente un levier puissant pour moderniser l’image de la ville et élargir sa cible d’attractivité au-delà de ses seuls habitants.
  • Les actions peuvent être relativement peu coûteuses, pourvu qu’elles soient un peu originales et adossées à des atouts du territoire.
  • Chaque ville a sa propre histoire à raconter et la mettre en « vitrine » est possible grâce au numérique.
  • La visibilité de sa ville sur les supports numériques est aussi un levier intéressant pour développer la fierté d’habiter ou de travailler dans un territoire.
  • Le numérique est un outil idéal pour communiquer auprès des jeunes populations et rajeunir son image