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Alors que les déclarations pour atteindre une transition écologique durable se multiplient, les moyens d’actions établis pour y parvenir ont mis en lumière le rôle central que jouent les terres rares. La transition écologique mondiale nécessite une utilisation accrue de ces métaux, essentiels à la production de nouvelles technologies catégorisées comme « vertes ». En raison de leur importance, beaucoup appréhendent la multiplication des litiges autour de ces métaux stratégiques. La question se pose avec d’autant plus d’acuité que la Chine occupe une position clé dans leur exploitation. Cette position stratégique constitue un levier qui lui permet de se présenter comme la première puissance mondiale en matière de technologies dites vertes, une place convoitée, - également synonyme d’insécurité -, pour le reste de la communauté internationale.

Une répartition et une exploitation des terres rares inégales en faveur de la Chine

Les terres rares constituent un ensemble de seize éléments chimiques. La particularité de ces éléments réside dans leur composé chimique : leurs couches externes d’électrons sont identiques, mais pour chacun, un électron supplémentaire est présent dans la couche profonde, ce qui les rend uniques et très difficilement substituables. Cette catégorie de métaux est également subdivisible en deux sous parties :  les terres rares légères, les plus nombreuses, et les terres rares lourdes. Ces métaux ne sont pas rares en termes de gisements, il en existe partout dans le monde, mais leur extraction est complexe. Cette appellation provient de leur très faible concentration dans les gisements lors de l’extraction[1]. Les réserves mondiales de terres rares sont estimées à environ 88 millions de tonnes, la Chine en posséderait 36 %, suivie de la Russie et des États-Unis. Ces minerais, essentiels aux nouvelles technologies et à l'industrie numérique, sont utilisés dans divers secteurs pour un grand nombre de procédés de fabrication haute technologie : téléphones portables, écrans ou encore moteurs de voitures électriques. Leur caractère stratégique est renforcé par leur importance pour les industries pétrolière et de défense, suscitant des enjeux géopolitiques majeurs[2].

La Chine a très tôt développé une importante politique liée aux terres rares, via la stratégie des 4R (Réduire, Réutiliser, Recycler, Récupérer les Déchets), associée à des prix compétitifs et à des quotas favorisant un oligopole local. Son objectif est également de s’imposer dans la production des pays possédant ces ressources pour éviter qu’ils ne deviennent concurrents. Grâce à des transferts de technologies et une guerre des prix, la Chine est aujourd’hui le premier pays producteur de terres rares[3].

Une main mise sur ces métaux préoccupante pour la communauté internationale… mais aussi pour l’environnement

Si la Chine a déjà prouvé sa dominance à travers la quantité de ses ressources et leur gestion, elle consolide cette position par différentes actions. A titre d’exemple, le Japon en a fait les frais avec la suspension par Pékin de ses exportations de terres rares à la suite de tensions maritimes, démontrant les répercussions géopolitiques que cette situation génère. Les États-Unis ont de leur côté rouvert une de leurs plus importantes mines de terres rares, tout en planifiant la création d'une réserve stratégique de ces métaux à l’avenir. Malgré une série d’initiatives destinées à développer sa propre production et à améliorer la maîtrise du raffinage, l’Union Européenne reste, quant à elle, dépendante de la Chine pour 95 % de ses terres rares à l’heure actuelle[4]. Bien que d'autres pays comme la Russie et le Brésil cherchent à développer leur production, la domination chinoise perdure.

Les conséquences de cette extraction sont également environnementales et placent à nouveau  la Chine en position centrale. L'exploitation de ces métaux a entraîné l'abandon de nombreux villages et une contamination des sols et des nappes phréatiques par résidus toxiques. Les travailleurs des mines sont exposés à des conditions dangereuses, souvent sans protection adéquate. Le recyclage des métaux rares reste peu développé, et les déchets électroniques, dont une grande partie provient des États-Unis et d'Europe, sont la plupart du temps envoyés en Chine[5]. L’augmentation de la production de terres rares entraine donc des conséquences désastreuses en matière d’environnement, contrastant avec leur utilisation dans des technologies dites vertes ou bas carbone.

La position française et ses démarches pour tenter de concurrencer l’influence chinoise

L'Union européenne, et plus spécifiquement la France, s'efforcent de réduire leur dépendance vis-à-vis des terres rares chinoises. En réponse aux tensions entre le Japon et la Chine en 2010, le gouvernement français a lancé un plan d'action intitulé « métaux stratégiques » et le Comité pour les Métaux Stratégiques (COMES) l'année suivante[6]. Il a poursuivi ses efforts en 2011 en créant le laboratoire d’Excellence Ressource 21 destiné à développer des stratégies autour du cycle de vie des métaux rares. Un plan d'investissement France 2030 a également été annoncé. Il préconise la création d’un observatoire des métaux critiques afin de sécuriser l'approvisionnement en matériaux des batteries.

Ces initiatives visent à renforcer la souveraineté du pays tout en intégrant des considérations environnementales, ce qui contraste avec les pratiques actuelles en Chine. La France cherche également à se tourner vers le continent africain (qui dispose de grandes ressources en terres rares et dont la Chine est le principal fournisseur). Elle cherche à établir des partenariats basés sur un approvisionnement durable respectueux des droits souverains des pays africains sur leurs ressources.

L'Union européenne partage cette ambition et met l'accent sur la responsabilité environnementale. Enfin, une des dernières initiatives françaises dans ce domaine est le souhait de relocaliser notre production de terres rares pour réduire notre dépendance à la Chine, malgré des réserves limitées sur le territoire. Le gouvernement a prévu des fonds dans le cadre du plan France Relance 2030. Cette initiative soulève néanmoins certaines préoccupations environnementales liées à la pollution des sites miniers[7].

En parallèle, la France explore des solutions de recyclage pour les terres rares, notamment à partir de véhicules électriques, d'éoliennes offshore, et de déchets électroniques. Elle s'efforce ainsi de diversifier ses sources d'approvisionnement en terres rares tout en prenant en compte les impacts environnementaux de ces initiatives.

Pour aller plus loin

@LFE

 Cet article est tiré d'un décryptage de la Fabrique Ecologique. 

Télécharger l'étude ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

[1] Butstraen Emmanuel, Clamadieu Jean-Pierre, « Les terres rares, des matières premières minérales stratégiques », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, vol. 58, no. 2, 2010, pp. 92-98.

[2] Fontanel Jacques, « Les terres rares, au cœur des conflits économico-politiques de demain », HAL, 2021

[3] Ruet, Joël. « Quand la Chine structure le nouvel écosystème mondial des technologies vertes », Le journal de l'école de Paris du management, vol. 141, no. 1, 2020, pp. 15-21.

[4] « Ressource en terres rares de l’Europe et du Groenland : un potentiel minier remarquable mais tabou ? », HAL Science, 2021

[5] « La sale guerre des terres rares », titre du documentaire réalisé par Guillaume Pitron en 2012

[6] « Comité pour les métaux stratégiques » chargé de conseiller le ministre de l’écologie et du développement durable dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique des métaux stratégiques.

[7] Bat, Jean-Pierre. « L’Afrique centrale : le nouveau « Grand Jeu » », Hérodote, vol. 179, no. 4, 2020, pp. 91-107

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