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c'est poincarré
Printemps 2019, Commune de Saint-Fons dans le département du Rhône. Je suis invité par SiIvia Rosales Montano(1), directrice d’études à l’agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise, à participer à l’Atelier qu’elle anime à l’échelle de la commune sur le thème de la mise en œuvre des ODD (Objectifs de Développement Durable) avec l’appui d’un panel de 12 experts internationaux bénévoles (urbaniste, architectes, sociologues…) constitué par l’INTA, l’Association Internationale du Développement urbain.
(1) SiIvia Rosales Montano a exercé comme économiste sociologue et urbaniste au Mexique, en Amérique Centrale, et dans de nombreux autres pays du monde. Elle est spécialisée, dans les transformations des territoires.
Sur un temps court, le Panel va rencontrer de nombreux acteurs locaux : habitants, institutions, entreprises, associations, … Pour réfléchir à l’avenir et la place de la commune au sein de la Métropole. Ensemble, nous allons analyser, réinterroger et amplifier la réflexion déjà engagée, d’une part au sein de la Métropole de Lyon avec l’aide de l’agence d’urbanisme, d’autre part avec la construction d’un agenda urbain à l’horizon 2030.
Cet atelier donnera lieu à la production d’un rapport offrant un regard nouveau et pointu et des préconisations pour le développement de projets sur le territoire.
Ce que l’INTA propose, ce n’est pas un travail de consultants, mais le regard de praticiens étrangers qui viennent partager leurs idées et leurs expériences professionnelles.
C’est une opportunité pour porter ensemble, sans donner de leçons, un point de vue extérieur sur les chemins que prend le territoire pour son développement. Cet exercice de « pair-à-pair » est nécessairement un travail partiel, limité dans le temps et dans l’acquisition des informations. Le rapport qui en est issu se fonde sur des analyses, des impressions enrichies par la sincérité des acteurs rencontrés.
« La posture du Panel consiste à favoriser les conditions d’émergence de pratiques innovantes au moyen de regards extérieurs, permettant de sortir de situations figées »
La position du Panel n’est pas le transfert de modèles, de « bonnes pratiques » de leçons données ou d’appropriation ; sa légitimité réside uniquement dans la confrontation des certitudes qu’il organise autour d’une vision partagée du développement territorial. Les premiers d’entre eux sont les « experts habitants ».
Le travail du Panel n’a aucun statut règlementaire et ne s’inscrit pas dans un processus institutionnel de planification ou d’aménagement : c’est une grille de lecture des conditions de réussite d’un projet de développement territorial.
Saint Fons est une commune comme il en existe tant d’autres, dont le développement a partie liée au développement du bassin industriel local. Située en banlieue sud-est de Lyon sur la rive gauche du Rhône, la commune a été incorporée au tissu industriel la Vallée de la Chimie.
L’enjeu pour le territoire saint-foniard, aujourd’hui, est celui de son inscription dans la dynamique de projets d’ambition métropolitaine : anneau des sciences, le pôle des Cleantech, le Rhône technologique, le campus fluvial et high-tech, la création culturelle comme autant de facteurs d’intégration.
L’originalité et la force de la démarche à l’INTA trouvent leur source dans le travail réellement collaboratif engagé par les experts internationaux du panel. Ils écoutent les habitants, les acteurs et les usagers du territoire, visitent des quartiers résidentiels et d’activités. Ils en tirent des constats partagés de certaines faiblesses mais aussi de nombreuses opportunités peu ou pas assez mises en valeur lors de la réflexion sur le futur de la commune dans la métropole.
Premier constat : Saint-Fons doit composer avec de fortes contraintes spatiales. Son territoire est marqué par des coupures : autoroute A7, boulevard périphérique, voie ferrée, quartiers haut et quartiers bas, Vallée de la Chimie, d’où des secteurs enclavés. Elle souffre par ailleurs de difficultés socio-économiques structurelles, avec une partie de la population souvent en situation de précarité.
Le Panel met cependant en évidence que le déficit d’image porté notamment par les habitants, hérité du passé, ne correspond plus à la réalité actuelle. Il confirme que Saint-Fons est un territoire remarquable, avec « un indéfinissable sentiment de village ». Son identité s’affirme en conjuguant des paradoxes : caractère résidentiel, industriel et esprit de village. Dès lors, il s’agit de reconstruire l’image de Saint-Fons en cherchant les pièces d’un marketing territorial. Les pièces de cette mosaïque se composent de petites et de grandes actions.
Pour y parvenir, le Panel de l’INTA, après avoir vu, senti et vécu Saint-Fons, regarde le devenir du territoire sous 3 prismes : symbolique, économique et spatial.
Des petits et des grands projets
Des réalisations ambitieuses peuvent être engagées rapidement dès lors que tous seront embarqués par une vision.
Requalifier l’image de la Vallée de la Chimie, l’ouvrir sur Saint-Fons, sur le Rhône, cela signifie «intégrer » la Vallée dans le paysage urbain, en travaillant sur les perspectives sur le Rhône, le grand paysage, les aires de loisirs et de sports, et en corrigeant l’impact visuel des industries.
Le Panel porte aussi un point d’attention spécifique à la requalification des portes d’entrée de la ville que sont la gare SNCF, du bâtiment patrimonial de maintenance SNCF et des bretelles d’accès aux infrastructures routières qui, au lieu de favoriser l’entrée dans la métropole, constituent des barrières infranchissables.
On doit pouvoir entrer dans Saint-Fons par d’autres « portes » que la Vallée de la Chimie et les quartiers en politique de la ville
Et parmi les mesures d’accompagnement immédiates, le Panel préconise une coordination avec le Centre d’Arts Plastiques, pour dynamiser la signalétique permanente et événementielle, récurrentes ou ponctuelles (affiches…), pour organiser des concours de design urbain, etc.
A la question de l’attractivité économique et territoriale, le Panel répond que les territoires industriels et les entreprises de Saint-Fons disposent de 3 leviers :
Les communes de la Vallée de la Chimie se caractérisent par la mise en réseau des acteurs locaux. Cela signifie une prise en compte des relations avec le territoire par les industriels et une acceptabilité du voisinage ville-industrie par les habitants. Ces implications prennent aujourd’hui des formes variées (ateliers, actions collectives, partage d’expériences…) et ont pour principal objectif le développement responsable dans le but de préparer l’agenda 2030.
Il est certain, aux yeux des experts du Panel, que l’implication des industriels contribuera grandement à la requalification du territoire, la formation professionnelle, et l’amélioration de l’image de la ville.
Saint-Fons est une des ouvertures aux besoins de développement spatial de la métropole lyonnaise. Le point de vue du Panel est que la recherche d’une valeur physique susceptible d’attirer de nouveaux habitants et de nouvelles activités passe très certainement par une politique de mobilité innovante en s’appuyant sur une trame verte et bleue renforcée « la nature structurante », les circuits courts, les actions citoyennes issues des démarches participatives.
Le déclassement de l’autoroute en boulevard urbain devrait, dans les années à venir, créer les conditions d’un accès plus aisé au Rhône, et au grand paysage rhodanien. En attendant, la gare de Saint-Fons peut irriguer un large territoire et désenclaver la commune et établir une meilleure liaison avec le centre de Lyon.
Dans son rapport, le Panel dresse la liste des actions à engager à court terme, et en particulier l’importance de révéler une trame verte et bleue que sous-tend l’idée de nature.
Le renforcement de l’armature verte est la traduction opérationnelle d’un principe structurant de la métropole : voir la ville du point de vue de la nature. L’immense réserve naturelle de la métropole reste un territoire fragile et menacé, mais c’est autour de lui que se fait le retournement de la logique d’aménagement et la mise en cohérence et en synergie des projets de développement.
En conclusion, je retiens de cette expérience, et on le voit très nettement à cet échelon, l’importance de l’expérimentation, des « micro-innovations » porteuses de cohésion et du rôle grandissant de l’économie de partage, de l’action des habitants, et d’un regard extérieur source de déblocage.