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Alors que la crise sanitaire a fortement dégradé le niveau de l’emploi, de nombreuses personnes fragiles, intérimaires ou bien chômeurs de longue durée se voient encore davantage exclues d’un marché du travail dans lequel elles avaient pourtant déjà du mal à s’insérer. « 100% inclusion », un appel à projet gouvernemental lancé en 2018, vise à contrer ces carences accrues par l’actualité en permettant de financer des solutions innovantes afin de prouver que « nul n’est inemployable ».
Former 2 millions de personnes très éloignées de l’emploi et les aider à se réinsérer durablement, c’est l’objectif du Plan d'Investissement dans les Compétences (PIC) initié en 2018 par le gouvernement. Le PIC constitue l’un des axes du Grand Plan d’Investissement, un plan quinquennal de 57 milliards d’euros visant à réformer structurellement de nombreux domaines de l’économie française, depuis la transition écologique à l’inclusion numérique, en passant par l’innovation ou encore l’emploi. Le PIC, quant à lui doté de 14,6 milliards d’euros, se décompose en 3 axes de mise en œuvre :
C’est dans le cadre de ce troisième et dernier axe du PIC qu’a été lancé en juin 2018 l’appel à projets « 100% Inclusion, la fabrique de la remobilisation ».
L’enjeu de cet appel à projets, doté de plus de 200 millions d’euros, est de soutenir l’expérimentation de nouveaux modes d’actions ou modèles innovants de soutien aux publics en grande difficulté d’insertion professionnelle. Que ce soient des projets nés en France, ou l’adaptation de solutions pionnières à l’étranger, les lauréats sont accompagnés dans leur démarche pour tester et mesurer leur impact, avec une logique d’essai/erreur importante qui permet d’analyser au mieux ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré. Tout au long du programme de soutien, ceux-ci se voient suivis et évalués afin de leur permettre de gérer rapidement les potentielles failles dans leur projet, toujours au service d’un meilleur impact sur les bénéficiaires de l’action.
L’objectif des projets soutenus est de sortir des sentiers battus par le déploiement de modèles innovants, en identifiant les raisons pour lesquelles les dispositifs déjà déployés ne répondent pas aux problématiques des publics les plus en difficulté, et en proposant des solutions innovantes sur le plan fonctionnel et technologique afin de les corriger.
Certains lauréats mobilisent ainsi l’outil numérique : par exemple, une intelligence artificielle qui aide à personnaliser les parcours d’apprentissage et propose des solutions au plus près des attentes des bénéficiaires des projets, ou encore un jeu en réalité virtuelle pour promouvoir un apprentissage différent des gestes techniques propres à un métier. D’autres sont aussi innovants par leur propension à mélanger et faire se rencontrer des acteurs afin de créer de nouvelles synergies, avec de nombreuses alliances territoriales mêlant entreprises, associations et collectivités travaillant ensemble pour faciliter le parcours du bénéficiaire et fluidifier les démarches administratives nécessaires à sa réinsertion.
« 100% inclusion » vise avant tout des expérimentations qui souhaitent remettre les bénéficiaires au centre de leur conception. Loin d’un accompagnement classique, c’est tout le projet qui se conçoit en partant du bénéficiaire, dans une stratégie dite « bottom-up » ou du « bas de la pyramide », c’est-à-dire une stratégie qui n’est pas pensée à un niveau global mais prend en premier lieu en considération les avis et opinions des concernés avant de construire un programme sur ces bases recueillies auprès des publics cibles. Ces initiatives, inspirées de ce qu’il se passe dans de nombreuses expériences locales où des bénéficiaires s’unissent pour répondre à leur propre besoin, ont fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques récentes en sciences cognitives, mais peinent à s’imposer à l’heure actuelle dans le spectre de l’insertion classique.
Partant du postulat que nul n’est inemployable et que chacun possède ses qualités et ses atouts, les projets soutenus s’adressent aux plus vulnérables, aux publics « invisibles » des institutions publiques. Ceux-ci sont accompagnés et orientés dans le cadre de parcours dits « sans couture », c’est-à-dire construits comme un continuum d’actions coordonnées entre elles depuis la remobilisation jusqu’à la remise en emploi.
Maintenir l’engagement tout au long des parcours des publics ciblés, stimuler leur prise d’initiative, leur envie de réussite, tel est le pari des projets retenus. La clé de l’insertion réussie consiste à ne pas seulement se concentrer sur le parcours uniquement professionnel de ces personnes, mais aussi de leur permettre de retrouver une confiance en eux et en leurs propres capacités grâce à la participation à des activités culturelles ou sportives, des engagements civiques ou solidaires. La réinsertion professionnelle passe aussi par une réinsertion sociale, la plupart des publics ciblés s’éloignant de la vie de la cité en même temps que du monde de l’emploi : recréer du lien social est aussi une manière de revigorer leur estime d’eux-mêmes et leur relation aux autres.
Pour cela, les accompagnements proposés doivent promouvoir une diversité de situations d’apprentissage (sport, culture, engagement civique ou solidaire, …) et de modalités pédagogiques adaptées (enseignement de pair à pair, outils numériques, etc.) afin d’assurer, en plus de la montée en compétences techniques, une montée en compétences relationnelles qui sont la base d’une employabilité durable. Au-delà du chiffre brut et froid du taux de réinsertion, cet accompagnement au plus près des bénéficiaires doit aussi leur permettre de réfléchir plus avant à leur projet professionnel, afin qu’ils puissent choisir au mieux leur voie et ainsi gagner en qualité de vie.
Aujourd'hui, trois sessions de sélection ont été lancées, permettant de retenir 68 initiatives qui accompagneront à terme plus de 52 000 personnes. A ce jour, une quatrième et dernière vague de sélection des candidatures vient de débuter, visant des initiatives déployées plus spécifiquement dans les territoires éligibles à la politique de la Ville.
FOCUS
Insert’Up, une initiative portée par Wake Up Café en faveur de la réinsertion sociale et professionnelle des anciens détenus
Alors que 93 000 personnes sortent, chaque année, de prison en majorité sans accompagnement, on observe un taux de récidive de 60% dans les 5 ans suivants la sortie, dont un tiers durant la 1ère année. Préparer « l’après détention » des personnes incarcérées pour les aider à se réinsérer durablement socialement et professionnellement constitue un enjeu majeur pour notre société, pour que le passage en prison ne condamne pas les anciens détenus à une exclusion à vie. Le projet « Insert’up » porté par Wake Up Café consiste au déploiement de parcours expérimentaux qui débutent en fin d’incarcération pour se poursuivre après la sortie de prison, avec pour objectif de remobiliser et d’accompagner vers une réinsertion globale 1 570 personnes détenues et sortant de prison. Le projet, lauréat de l’appel à projets en vague 2, se déploie depuis mai 2019 dans 3 régions : d’abord envisagé en Ile-de-France et Hauts-de-France, la dynamique s’est étendue depuis peu à l’Occitanie. Le projet soutenu par le PIC prévoit le déploiement de parcours de 14 mois:
- Une première période de 2 mois en détention pour préparer la sortie grâce à des ateliers artistiques et culturels et un accompagnement pour coconstruire le projet de réinsertion de chacun en collaboration avec l’administration pénitentiaire,
- Une seconde période de 12 mois à la sortie. Cette étape comprend un parcours de reconstruction et de préparation à l’embauche, un accompagnement personnalisé visant à répondre à l’ensemble des besoins de la personne grâce à un réseau de partenaires engagés et experts dans leur domaine, et leur orientation vers des formations et des emplois adaptés à leurs compétences et aspirations.