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22 nov. 2022

Nouvelles activités productives en ville : la méthode avant le marché

L’économie a, de tout temps, façonné les villes, développé et renforcé certaines de leurs fonctions, produit des morphologies urbaines et des typologies architecturales. Elle a imposé une empreinte majeure sur les villes et leurs extensions lors de la révolution industrielle ; elle a structuré l’aménagement des territoires périurbains avec la mise en œuvre du fonctionnalisme moderne de l’après-guerre (zoning), créant des « pièces économiques territoriales ».

 

De l'influence à la dépendance

Cette influence est devenue dépendance jusqu’à rendre les villes vulnérables à l’économie, comme l’ont attesté les effets de la désindustrialisation avant-hier, des délocalisations hier, et les transformations commerciales aujourd’hui.

Face à cette vulnérabilité, l’Etat a développé de nombreux programmes d’appui aux territoires et collectivités concernés depuis la fin des années 70 jusqu’à l’actuel « Territoires d’industrie » et le plan d’investissement France 2030, qui tous se sont attachés à répondre à la double problématique du maintien et du redéploiement de filières industrielles sur le territoire, et de son atterrissage financier et immobilier (où ? à quel prix ? etc).

Dans ce contexte, l’accompagnement du développement de l’économie productive en ville présente un certain nombre de problématiques spécifiques. D’abord celles relatives à leur diversité et hétérogénéité dans le spectre large qui part des PME-PMI, souvent artisanales, petites unités d’activités à moyenne valeur ajoutée, qui sont installées sur des marchés et dont les « besoins » ont peu évolué ; pour aller jusqu’aux « nouvelles activités productives » qui sont nettement moins bien définies, diverses, et qui adressent les marchés de l’innovation et des transitions : recherche & développement, numérique, miniaturisation etc.

Les premières ont – de longue date – connu de grandes difficultés à trouver et conserver leur place en ville et ont le plus souvent des enjeux de recherche de soutiens afin de se maintenir ou s’agrandir. Elles s’adressent en priorité aux collectivités locales dont elles sont des acteurs économiques et sociaux « installés ».

Les secondes sont, par nature, émergentes et leurs demandes se trouvent être largement structurées par l’offre immobilière, qui n’est pas facile à définir, dimensionner et financer. Elles s’adressent en priorité aux opérateurs privés, et comme elles ont souvent du mal à définir leurs besoins (qui sont évolutifs), cela oblige les promoteurs et investisseurs à développer des programmes « à l’aveugle », et des produits immobiliers qualifiés d’évolutifs, en réalités peu ou mal définis.

La méthode avant le marché

Pour accueillir cette demande, grande est la tentation de privilégier l’approche par l’offre immobilière, au détriment de la caractérisation de la demande qui, dans les faits, peut être assez facilement réalisée. Le constat est clair : trop souvent, c’est le projet urbain ou architectural qui détermine le programme et non l’inverse. Parfois même très en amont, comme pour le quartier des Fabriques à Marseille.

Si l’histoire récente de ces développements a connu des réussites, elle a également connu des échecs inscrits dans le paysage des villes : grands pieds d’immeubles en déshérence, « plot actif » inanimé…

A la lumière desquelles il convient de revenir sur la question de la méthode pour réaffirmer certaines convictions.

  • La première est qu’il est nécessaire de continuer à réaliser des études de programmation économique, dont les approches doivent être revues en profondeur pour cerner les réalités de ces nouvelles activités du point de vue de leurs besoins immédiats (provisoires et/ou définitifs) et à venir.
  • La seconde est qu’il faut rénover le cadre des non-moins nécessaires études de programmation immobilière, pour introduire tous les paramètres inhérents à ces activités complexes (surfaces dédiées et mutualisées, gestion des flux etc).
  • La troisième est qu’il faut dès l’amont organiser des tables-rondes entre usagers in fine, investisseurs, gestionnaires,... afin de disposer de garanties dans le développement des programmes.

Sans ces approches méthodiquement intégrées, grand est le risque d’impasses environnementales plus ou moins définitives, d’inadaptations programmatiques qui se révèlent des entraves à l’innovation, de charges financières exorbitantes de portage et entretien d’un patrimoine inoccupé.

Propos recueillis par Julien Meyrignac, rédacteur en chef de la revue Urbanisme