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Comme nous l’avons vu dans le précédent billet sur le sujet, La Stratégie française sur l’énergie et le climat : une ambition forte, un processus complexe, l’articulation avec les planifications territoriales est présentée comme l’un des enjeux primordiaux des éléments constitutifs de la SFEC, à savoir les futures SNBC3 / PPE3 / PNACC3.

Or la planification territoriale se fait aujourd’hui à différents échelons territoriaux, qui ne se parlent pas forcément avec fluidité, et qui manquent encore de moyens pour atteindre les ambitions nationales.

Articulation des politiques nationales et territoriales pour la transition écologique : besoins et enjeux

L’Etat doit-il définir une stratégie au niveau national, puis la décliner pour fixer des objectifs locaux afin de s’assurer qu’ils soient cohérents entre eux et avec les objectifs nationaux ?

Est-ce plutôt l’Etat et les collectivités qui doivent chacun définir des stratégies à leurs niveaux respectifs, et mener un dialogue permanent pour essayer d’assurer leur cohérence ?

Revient-il prioritairement aux collectivités de fixer leurs propres objectifs et stratégies indépendamment des objectifs nationaux ?

La réponse peut sembler évidente, mais la recette miracle n’existe vraisemblablement pas pour l’opérationnaliser. Ce dont les territoires ont besoin, c’est d’une certaine confiance de la part de l’Etat : il est nécessaire de laisser la place à chacun de définir ses objectifs et de ne pas compter sur une déclinaison mécanique de l’échelon national ou régional à l’échelle locale, compte tenu des disparités territoriales.

Pour que l’articulation se fasse le plus efficacement possible, les territoires, de la Région à la commune, ont besoin d’y voir plus clair sur un certain nombre de points :

La mise en œuvre des chiffres proposés à l’échelle nationale : se doter de grands objectifs est une première étape, mais présenter les possibles modalités de mise en oeuvre en est une autre.

  • Les moyens disponibles pour cette mise en œuvre : la question des moyens reste centrale, rien ne se fera si aucun moyen n’est donné aux territoires pour se mettre en action, tant au niveau des investissements que des moyens humains pour les coordonner et les réaliser.
  • Le besoin d’un point de repère national ou régional pour que les plans climats teritoriaux soient suffisamment ambitieux : ne pas imposer mais trouver une méthode pour qu’un élu d’EPCI puisse voir où il en est et ce qui serait attendu en regard des objectifs nationaux et régionaux.

Coordination et organe de gouvernance

Comment fait-on la coordination des coordinations au niveau national, et quelle gouvernance est possible pour croiser les approches et procéder aux arbitrages ? 

Pour répondre aux enjeux et besoins des différents échelons territoriaux, les Comités régionaux de l’énergie (CRE) sont une première base, existante mais pas toujours active avec un fonctionnement très disparate d’une région à une autre. Pour rappel, “dans chaque région située sur le territoire métropolitain continental, le comité régional de l'énergie est chargé de favoriser la concertation, en particulier avec les collectivités territoriales, sur les questions relatives à l'énergie au sein de la région[1]. Le CRE semble être l’instance existante qui puisse relégitimer les grandes ambitions régionales et nationales.

Afin de prendre en considération tout le spectre de la SFEC, leur compétence actuellement restreinte au développement des énergies renouvelables devrait s’étendre aux sujets d’adaptation et d’atténuation au changement climatique, afin de ne pas créer de nouvelles instances pour ces autres thématiques. En effet, la coordination est plus structurée au niveau du développement des énergies renouvelables qu’au niveau de la sobriété, les territoires craignent que la sobriété ne soit jamais au centre des débats, alors qu’il existe des structures de discussion et de collaboration par filière de production énergétique.

Il est clair que l’établissement d’une gouvernance est nécessaire, mais il est primordial de ne pas ajouter des instances de suivi au risque de démobiliser les acteurs locaux déjà sursollicités. Cependant, la question de la concertation inter-régions est à prendre en considération : le conseil supérieur de l’énergie pourrait-il s’emparer du sujet de la collaboration et de la solidarité entre Régions ?

Moyens nécessaires

Quels moyens sont nécessaires pour mettre en œuvre effectivement cette territorialisation de la SFEC, dans une logique de co-responsabilité entre l’Etat, les Régions et les acteurs territoriaux infra-régionaux ?

Différents leviers sont envisageables pour accélérer la transition bas-carbone des territoires :

  • Que l'Etat donne un cadre clair et obligatoire pour que les collectivités locales adoptent des actions climatiques comparables, quantifiables et additionnables
  • Rendre la planification bas-carbone obligatoire pour l’ensemble des territoires, à travers l’élaboration de PCAET, y compris pour les territoires les moins peuplés
  • Attribuer des incitations financières aux collectivités les plus ambitieuses en termes d'objectifs, mais aussi de résultats atteints

Concernant l’obligation de réalisation des PCAET par tous les territoires, s’il n’y a pas d’obligation, les objectifs seront difficilement atteignables. Mais si les objectifs sont obligatoires et qu’on laisse les territoires se débrouiller seuls, la situation ne changera pas. Ceux qui fixent les objectifs et ceux qui financent (Région / ADEME / Départements) ne peuvent pas se désintéresser de la réalisation. On sent une certaine réticence à ne passer que par le PCAET. C’est certes un outil intéressant mais qui ne doit pas être un exercice obligé qui termine en rapport sur étagère. Prendre le risque de l’action sans être contraint par une planification obligatoire et qui ne mène parfois à aucun résultat nécessite cependant d’avoir les moyens de ses ambitions, et de faire des arbitrages budgétaires en conséquence.

Les territoires qui sont motivés peuvent aller vite, mais les 80% de territoires ni motivés ni réfractaires vont avoir besoin d’accompagnement pour avancer à petit pas. Lancer une grappe de projets sur une thématique et financer l’ingénierie sur cette entrée peut créer un effet d’entraînement pour un passage à l’action plus systémique.

Il est important de rappeler que le PCAET est souvent soit fait par un bureau d’études externe soit par un chargé de mission qui a sur ses épaules la portée entière et transversale de la transition. Il faut faire en sorte que dans l’ensemble des compétences des EPCI, la transition soit intégrée de façon transversale. C’est dans la gouvernance, les échanges avec les élus qu’il faut ces discussions. Le label Territoires Engagés[2] permet cette transversalité et cette gouvernance interne de la collectivité. Mais cela ne suffira pas pour respecter l’ensemble des objectifs de la PPE.

Il est estimé[3] qu’au moins 12 milliards d’euros d’investissements climat devraient être réalisés par les collectivités chaque année d’ici 2030 et qu’accélérer les investissements climat des collectivités implique également de renforcer l’ingénierie dédiée. Ce sont donc 25 000 agents dédiés au pilotage et à l’animation des politiques publiques permettant l’atteinte de la neutralité carbone qui sont nécessaires pour :

  • Élaborer et suivre les stratégies climat énergie 
  • Lancer et suivre les investissements sur le patrimoine 
  • Accompagner les acteurs locaux dans les changements de comportements notamment

 

Pour conclure, au-delà du défi que représente la coordination entre les politiques nationales (et leurs objectifs) et les différentes démarches de tous les échelons territoriaux, on comprend que :

  • Sans que les moyens soient alloués aux territoires pour mettre en oeuvre les projets nécessaires pour respecter les engagements
  • Sans que les services de l’Etat n’aient eux-mêmes les moyens de suivre ces engagements
  • Alors il est difficile d’envisager pouvoir respecter les engagements nationaux en matière d’énergie et de climat, qui continueront de reposer sur le seul engagement politique des élus les plus moteurs.

Le dernier billet de cette série, De la bonne gouvernance de la transition écologique!, s’attarde sur le processus de consultation de la Stratégie Française sur l’Energie et le Climat et le modèle de gouvernance que nécessiteraient les enjeux qu’elle intègre.