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Crédit ©bilanol /Adobe stock
L’objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols (ZAN) introduit par la loi Climat & Résilience nous oblige à bousculer nos modes de faire en matière d’aménagement, en valorisant le renouvellement urbain et l’optimisation foncière.
Cette nouvelle doctrine nous invite à repenser nos façons de produire du foncier à vocation économique. Si la création de nouvelles zones d’activités économiques (ZAE) sur des fonciers non artificialisés n’est aujourd’hui plus entendable, il convient donc de concevoir de nouvelles solutions en densifiant les ZAE existantes. L’objectif devient alors de trouver un point d’équilibre entre enjeux de non-artificialisation des sols et impératif de poursuite du développement économique local de nos territoires.
Historiquement, les ZAE se sont développées sur des fonciers agricoles acquis à faible coût. La faible valeur du foncier n’a, à l’époque, pas encouragé de logique de rationalisation des aménagements et des constructions.
Aujourd’hui, nous constatons que les ZAE existantes sont très peu denses et que de larges proportions de fonciers sont dédiées à du stationnement, aux manœuvres de retournement de poids lourds, à la circulation de véhicules ou encore au stockage de matières premières. Certains espaces ne sont d’ailleurs pas ou peu investis et constituent des délaissés fonciers à l’intérieur des parcelles privées. Ainsi, proportionnellement, l’emprise bâtie représente une part minoritaire de l’enveloppe foncière totale des ZAE. De plus, les bâtiments sont généralement conçus sur un seul niveau – la recherche de verticalité n’ayant pas été une nécessité jusqu’à présent.
Il existe donc de réels potentiels de densification foncière, qu’il convient d’exploiter pour développer de nouvelles surfaces à vocation économique et répondre aux besoins des entreprises.
Les ZAE se caractérisent par une propriété foncière très majoritairement privée. Il n’est généralement pas possible d’envisager la conduite d’une opération d’aménagement publique traditionnelle, de type ZAC – le coût associé de maîtrise foncière sur l’ensemble de la zone étant à lui seul prohibitif.
Il est donc nécessaire de s’appuyer sur les acteurs privés, et en particulier les propriétaires fonciers, pour mener à bien les travaux de densification sur leurs fonciers propres. Selon la configuration des parcelles, il est possible d’imaginer différentes formes de densification : construction en mitoyenneté ou semi-mitoyenneté, surélévation bâtie. Le foncier peut également être remembré, avec par exemple la mutualisation de plusieurs fonds de parcelles contigus, dans l’objectif de dégager de nouvelles poches de constructibilité. La mise en œuvre d’une gestion alternative du stationnement via la création de parkings silo peut également être un levier important pour libérer de l’espace au sol.
Néanmoins, ces différentes actions ne s’inscrivent pas nécessairement dans les intérêts et les modes de faire usuels des entreprises propriétaires. Dans un contexte de raréfaction et de spéculation foncière, les propriétaires fonciers peuvent avoir tendance à adopter une logique de rétention foncière, c’est-à-dire à conserver la propriété de fonciers bien que ces derniers soient peu ou sous-exploités. Cela peut s’expliquer par la recherche d’un gain plus important lors d’une vente future ou par le souhait de conserver de la réserve foncière dans l’hypothèse d’une future croissance de l’entreprise.
La mise en place d’une démarche de projet partenariale public-privé n’est donc pas innée et peut se heurter à des intérêts contradictoires. De même, les propriétaires fonciers peuvent manquer de connaissances quant à la maîtrise d’ouvrage de travaux ou quant aux dispositifs de mutualisation des besoins de stationnement par exemple.
Il convient de mettre en œuvre une approche à double niveau : sur l’ensemble de la zone et par secteur d’intervention au sein de la zone.
Dans un premier temps, il est nécessaire de mettre en place les conditions réglementaires et fiscales favorables à la densification bâtie. Bien souvent, les documents d’urbanisme locaux tendent à interdire les constructions de locaux industriels en mitoyenneté ou imposent un nombre élevé de places de stationnement à la parcelle. Pour rendre possible la densification foncière, il est donc nécessaire de s’intéresser aux réglementations locales et de veiller à ce que ces dernières n’entravent pas le projet d’optimisation foncière. Il s’agit d’une action préalable à la mise en œuvre du projet.
Dans un second temps, il importe de s’intéresser plus particulièrement aux différents secteurs qui composent la ZAE. Ces secteurs vont présenter des caractéristiques hétérogènes (découpage foncier, nombre de propriétaires, potentiel de densification) qui vont nécessiter la mise en place d’une stratégie opérationnelle sur-mesure.
Pour certains secteurs, il est possible d’envisager la mise en œuvre d’une démarche partenariale public-privé. Très concrètement, cela signifie que la collectivité va communiquer autour des objectifs de densification, organiser des réunions d’information pour expliciter les avantages pouvant résulter des densifications, instaurer une comitologie de projet partenariale avec des instances régulières, etc. La collectivité adopte donc un rôle de soutien et de conseil aux propriétaires privés enclins à densifier leurs parcelles, la maîtrise d’ouvrage des travaux étant assurée par les propriétaires eux-mêmes.
Pour d’autres secteurs, il sera nécessaire de prévoir une maîtrise foncière publique afin de permettre leur mutation. On l’explique par la forte complexité opérationnelle des travaux envisagés ou par le caractère hautement stratégique du secteur visé. Dès lors qu’un investissement public est réalisé en vue d’une maîtrise foncière dans un contexte de rareté foncière, il est opportun de se questionner sur le bon mode de commercialisation des droits à construire. En lieu et place d’une cession avec charges auprès d’un opérateur privé, la collectivité peut opter pour la piste de la dissociation foncier-bâti en formalisant un bail à construction ou un bail emphytéotique. Par ce biais, la collectivité conserve la maîtrise d’un foncier stratégique sur le long terme et peut contrôler davantage la destination des constructions.
Ainsi, différentes stratégies opérationnelles peuvent être mises en œuvre pour mener à bien un projet d’optimisation foncière en ZAE. Cette stratégie doit être définie de façon fine, par secteur d’intervention, en considérant une grille de facteurs allant du niveau de complexité opérationnelle du programme de travaux aux capacités d’investissement de la collectivité.