L’agriculture française fait face à des bouleversements majeurs qui fragilisent le modèle agricole français, et qui redéfiniront son avenir à l’horizon 2050. Au-delà des effets du changement climatique, les risquent identifiés sont l’accélération de la déprise agricole faute de transmission, la volatilité des prix, la hausse des coûts de production et une concurrence internationale accrue. Si aucune adaptation n’était engagée, certaines des productions locales pourraient disparaître ; une menace réelle pour l’équilibre des territoires, la durabilité des filières et la souveraineté alimentaire.

Dans son étude prospective « 2050 : entre crises et transformations, quel avenir pour l’agriculture française ? », Bureau T, cellule de conseil en stratégie et prospective du groupe SCET, dessine le visage de l’agriculture française de demain… qui ne ressemblera plus à celui que nous connaissons aujourd’hui.

Des produits phares en péril

Dans un scénario de gestion « au fil de l’eau », 35% à 40 % du PIB agricole serait en péril. Cela concernerait 16 cultures qui, sur les 24 analysées, apparaissent fortement vulnérables et ce, dans 54 départements. En tout, 42 % de la surface agricole utile actuelle est menacée.

Par exemple, parmi les produits particulièrement menacés, on compte l’abricot en Auvergne-Rhône-Alpes (46% de la production nationale), la salade dans les Pays de la Loire (20%), le melon en Occitanie (46%), le chou-fleur en Bretagne (80%), la banane en Guadeloupe et Martinique (95%), le blé tendre dans les Hauts-de-France (20%), la tomate en Paca (20%) ou encore la pomme à cidre en Normandie (200.000 tonnes / an) et la viticulture en Bourgogne-Franche-Comté (2 Mds € de chiffres d’affaires).

Et ce, pour des raisons aussi diverses que la hausse des températures, l’augmentation de l’humidité, l’irrégularité des précipitations, l’érosion des sols, la prolifération des ravageurs, le gel tardif, le stress hydrique, l’augmentation du prix du foncier…

Aussi, deux autres scenarios sont-ils explorés dans cette étude : celui d’un modèle de marché où l’adaptation reposerait sur la compétitivité économique, et celui d’une résilience fondée sur une planification territoriale à travers un pilotage public renforcé des ressources, de l’aménagement et des filières.

Un scénario de marché misant sur la compétitivité et l’innovation privée

Pour le premier scénario envisagé, dit « de marché », la priorité est donnée à la valeur économique générée par l’agriculture, notamment à l’export. Deux types de filières subsistent alors : celles qui reposent sur une stratégie de production de masse à bas coûts et celles à forte valeur ajoutée reposant sur une production limitée. On assiste alors à un essor des exploitations « firmes » et un déclin des exploitations familiales, qui nécessitent une nouvelle main d’œuvre agricole. Les filières qui n’auraient pas réussi leur mue disparaissent du territoire au profit des plus rentables. Aussi, le développement du circuit court en pâtit au profit de filières structurées à plus grande échelle.

 Toujours dans ce scenario, les rôles sont redistribués de l’amont à l’aval : le poids des négociants et des industriels de l’agroalimentaire est renforcé, les coopératives accélèrent la diversification de leurs métiers se recentrent sur les productions destinées à l’export. Les coûts massifs de la transition sont alors supportés par les entreprises du secteur, dont ceux liés à l’eau et aux infrastructures d’irrigation, mais aussi à la production, l’accompagnement aux changements de pratiques et la recherche. De leur côté, les pouvoirs publics réduisent les financements agricoles pour prioriser les programmes de développement en faveur de la biodiversité, de l’entretien du paysage, de la préservation des ressources naturelles.

Un scénario de résilience territoriale misant sur l’Intérêt général et maintien du cadre de vie

Dans le scénario de « planification écologique », l’agriculture porte un ensemble de missions en lien avec la préservation de l’écosystème, comme l’atténuation de l’impact environnemental des exploitations (émissions de CO2, stockage de carbone dans les sols) en développant des pratiques agricoles vertueuses (agroforesterie, haies et prairies, choix de cultures, la réduction du travail mécanique, utilisation de couverts végétaux et d’alternatives aux produits phytosanitaires). Elle aiderait aussi à préserver les paysages, les ressources naturelles et la biodiversité dans un souci d’intérêt général et de maintien du cadre de vie. Surtout, la souveraineté alimentaire sur l’ensemble des territoires, en volume et en qualité, serait garantie. Par ailleurs, la cohésion sociale stimulée par de meilleures rémunérations s’en trouverait renforcée.

Pour porter ces objectifs, la priorité est donnée au marché intérieur français ou européen. Les pouvoirs publics supportent alors la majorité des investissements dans le cadre d’un grand plan national de la transition du système agricole. L’Etat renforce sa maitrise du foncier agricole et forestier, en cohérence avec les outils de planification, en préemptant des terrains et bâtis agricoles. Ils peuvent être gérés par des foncières d’Etat et mis à disposition d’agriculteurs pour faciliter l’installation et la transmission. Outre le pilotage de l’usage des sols, des cahiers des charges permettent de piloter l’assolement des cultures et les pratiques agricoles.

 

Les collectivités portent quant à elles le développement de chaînes de valeur locales, par exemple en finançant ou administrant des outils de production, de collecte et transformation, ou encore des plateformes de distribution et vente. Le pilotage des infrastructures et de l’utilisation et de la qualité des ressources en eau se renforce en lien avec le développement de l’hydrologie régénérative pour rendre les parcelles plus résilientes grâce à une meilleure captation de l’eau.

 

Pour approfondir :

©scet

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