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CD'enjeux

25 avr. 2025

Baisse de la fécondité et vieillissement accéléré : quels enjeux pour quelles politiques publiques ?

La baisse de la fécondité et l’allongement de l’espérance de vie transforment profondément les dynamiques démographiques dans les pays développés. L’année 2023 a été marquée par une baisse significative de la fécondité et des naissances en France, atteignant son niveau le plus bas depuis plus de 30 ans. Ce double phénomène entraîne un vieillissement des populations, avec des implications majeures pour les finances publiques et le dynamisme économique. Il est essentiel de mieux comprendre ces transformations afin de penser la société du vieillissement et de renforcer la solidarité entre les générations.

Qu’est-ce que le vieillissement démographique ?

Le vieillissement démographique désigne l’augmentation progressive de la proportion de personnes âgées au sein d’une population. Il se mesure soit en proportion de la population de plus de 65 ans, soit par le taux de dépendance, c'est-à-dire le ratio entre le nombre d'individus âgés de plus de 65 ans et le nombre d'actifs.

Ce phénomène peut se produire par deux mécanismes distincts :

  • Vieillissement par le sommet : l'augmentation de l'espérance de vie et la baisse de la mortalité entraînent un poids plus important des générations âgées dans la population.
  • Vieillissement par la base : la diminution des naissances provoque un déficit relatif du nombre de jeunes par rapport à la population âgée.

Ainsi, la baisse de la fécondité joue un rôle central dans ce processus. En réduisant le renouvellement des générations, elle modifie structurellement la pyramide des âges, augmentant mécaniquement le poids relatif des populations âgées.

L'indice synthétique de fécondité est une mesure qui représente le nombre moyen d'enfants qu'une femme pourrait avoir au cours de sa vie reproductive, si elle vivait avec les taux de fécondité observés pour chaque âge dans une année donnée. On appelle le seuil de renouvellement des générations le nombre d’enfants nécessaires par femme — autour de 2,05 — pour remplacer de manière stable les générations des parents par celles des enfants.

En 2024, la France a connu son taux de fécondité le plus bas depuis plus de 100 ans

Après une baisse de plus de 6 % des naissances entre 2022 et 2023, la France enregistre de nouveau son niveau le plus bas de naissances depuis la Seconde Guerre mondiale avec 663 000 naissances en 2024. À l’exception d'une courte pause en 2021, les naissances baissent systématiquement depuis 2011. Ce déclin s’est particulièrement accéléré en 2023, avec 20 % de naissances en moins qu’en 2010.

Cette évolution est influencée par deux principaux facteurs : le nombre de femmes en âge de procréer et leur taux de fécondité. De 2010 à 2016, la baisse des naissances résultait à la fois d'une diminution de leur nombre et de leur fécondité. Depuis 2016, la population des femmes de 20 à 40 ans reste globalement stable ; les chutes récentes des naissances s'expliquent surtout par une réduction de la fécondité. En 2024, le taux de fécondité tombe à 1,59 enfant par femme, une baisse notable comparée à 1,79 en 2022, et bien loin du pic de 2,03 atteint en 2010. Cet indicateur n'avait jamais été aussi bas depuis la Première Guerre mondiale.

Alors que certaines tranches d’âge voyaient leur fécondité augmenter, cette baisse se généralise désormais à l’ensemble des âges, et particulièrement chez les jeunes générations. En 2024, la fécondité des 20-30 ans a baissé de 4%. La fécondité des femmes de plus de 35 ans, auparavant en hausse constante depuis les années 1980, a également diminué en 2024, pour la quatrième année consécutive.

Cette dynamique de baisse est partagée par d'autres pays européens. La France reste malgré tout une exception au sein de l’OCDE, avec un taux de fécondité parmi les plus élevés. Cette baisse marquée reste à relativiser, car elle demeure moins forte que celle observée dans des pays comparables.

 

Quels déterminants de la fécondité ?

Comprendre les facteurs sous-jacents à la baisse de la fécondité est complexe, tant le phénomène est multifactoriel : normes sociales, dynamique du marché du travail, politiques familiales, sécurité économique, coût de la parentalité... Néanmoins, la capacité à concilier travail et vie familiale, ainsi que la confiance en l'avenir, apparaissent comme les deux principaux moteurs dans les pays de l’OCDE.

La facilité pour les femmes de combiner une carrière professionnelle et un projet familial constitue un facteur important des différences de fécondité entre les pays. La mise en place de services publics en soutien aux familles, tels que les services de garde, ainsi qu'une plus grande égalité des sexes dans les sphères privée et publique, facilitent cette conciliation. Dans un contexte de déséquilibre et où les rôles de genre restent rigides, le coût d'opportunité d’avoir un enfant est élevé : les femmes tendent alors à privilégier leur carrière professionnelle au détriment du projet familial.

Le second facteur majeur est associé à la confiance des individus en l'avenir. La capacité à se projeter, l'accès à un emploi stable et pérenne, ainsi que l'accès au logement, sont autant de problématiques, réelles ou perçues, qui limitent les projets parentaux. Depuis la crise de 2008, les difficultés financières et d'emploi se sont exacerbées et constituent, principalement pour les jeunes, un obstacle à la constitution d'une famille.

Quels enseignements pour l'avenir ?

La transition démographique inévitable de nos sociétés, avec les défis qu’elle implique, nous oblige à un débat pour repenser notre modèle face au vieillissement. Si, à l'avenir, la France connaîtra un vieillissement moins rapide que ses voisins en raison d’un taux de fécondité plus élevé, les conséquences à long terme sur la croissance et les finances publiques exigent des réformes structurelles ambitieuses.

La politique publique doit renouer avec une approche centrée sur la solidarité entre les générations. La solidarité des jeunes générations envers leurs aînés doit être doublée d’une politique attentive à leur offrir un cadre permettant de concrétiser leurs projets de vie. Dans ce contexte, la problématique de l’accès au logement et à un emploi stable — toujours plus difficile pour les jeunes générations — doit être pleinement intégrée au débat public. Les politiques familiales, bien qu’efficaces, ne peuvent à elles seules suffire pour apporter ces ressources.

Enfin, la politique familiale doit être pensée en articulation avec des politiques de soutien à l’égalité entre les sexes, dans les sphères publique et privée. Elle doit s’appuyer sur des services favorisant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, plutôt que sur des incitations financières, moins efficaces à long terme. Alors que l’intégration des femmes sur le marché du travail est désormais largement engagée — voire achevée — dans plusieurs pays de l’OCDE, la répartition des responsabilités familiales reste très inégale : les femmes continuent d’assumer une part disproportionnée des tâches domestiques et de l’investissement parental.

 

Références bibliographiques
 

  • OECD, Fertility, in Society at a Glance 2024: OECD Social Indicators, OECD Publishing, Paris, 2024.
  • European Commission, Directorate-General for Economic and Financial Affairs, 2024 Ageing Report: Underlying Assumptions and Projection Methodologies, 2024.
  • OECD, Fertility, Employment, and Family Policy: A Cross-Country Panel Analysis, OECD Social, Employment and Migration Working Papers No. 299, OECD Publishing, Paris, 2023.
  • W. Adema et al., Changes in Family Policies and Outcomes: Is There Convergence? OECD Social, Employment and Migration Working Papers, OECD Publishing, Paris, 2014.