cicéron
c'est poincarré
Face aux crises multiples – écologique, économique, démocratique, sanitaire – les territoires sont contraints de repenser leurs priorités. La démarche « bien-être territorial », soutenue par l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts, propose aux communes de co-construire une vision partagée de ce qui compte vraiment pour le bien-vivre ensemble. En associant citoyens, élus et techniciens autour d'un référentiel participatif, la démarche entend favoriser le dialogue et l’émergence de nouveaux indicateurs, pour faire du bien-être territorial un levier de résilience et de cohésion.
Les nécessaires transitions nous amènent à réinterroger nos modes de production, de consommation, de travail, etc. C’est le moment de se construire collectivement de nouveaux récits, de nouvelles références en posant la question : Qu’est-ce qui compte, et qu’est-ce que l’on souhaite préserver et développer aujourd’hui, tout en prenant en considération le bien-être des générations futures ?
Animer des espaces de débats sur ce qui fait que l’on se sent bien sur son territoire peut nous apporter une meilleure connaissance des besoins, aspirations et ressources des habitants. Cela favorise aussi une expérience collective et partagée de dialogue entre acteurs.
La démarche « bien-être territorial », menée depuis 2020 par l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM), s’inscrit dans une dynamique de renouvellement des indicateurs de développement territorial portée depuis une vingtaine d’années par des chercheurs et collectivités locales.
Elle a pour ambition de développer une méthode afin que les territoires puissent élaborer avec leurs parties prenantes des outils de mesure du bien-être territorial, à travers :
La manière dont on peut définir et évaluer le bien-être territorial peut susciter des débats. Pour en construire une vision collective et partagée, il est essentiel de faire dialoguer différents types d’expertise : d’usage, technique, scientifique.
Un groupe projet composé de collaborateurs de la Métropole Européenne de Lille (MEL) et de son Conseil de Développement, de l’Agence Hauts-de-France 2020-2040, du Centre Ressources du Développement Durable (CERDD), du laboratoire Clersé de l’Université de Lille, et de l’ADULM se réunit régulièrement et participe à définir les orientations stratégiques de la démarche. Un travail de recherche-action autour des indicateurs de bien-être territorial est aussi mené par une doctorante en économie réalisant une thèse CIFRE au sein de l’ADULM.
Le bien-être territorial est multidimensionnel (lié à des déterminants économiques, sociaux, environnementaux ou politiques) et systémique, car les différentes dimensions peuvent être interconnectées (la santé et l'environnement entretiennent par exemple des liens étroits). Il se situe au croisement entre des déterminants objectifs (comme la situation d’emploi, ou l’accès aux équipements) et des déterminants subjectifs (ce à quoi on aspire).
Un référentiel de bien-être territorial a été élaboré, présentant de manière visuelle l’ensemble des éléments qui contribuent à se sentir bien sur un territoire.
Il est composé de 3 piliers et 14 dimensions :
Ce référentiel est un outil au service des territoires.
Chaque territoire peut s’approprier ce référentiel, et identifier plus précisément des critères et enjeux derrière chacune des dimensions, puis sélectionner les indicateurs les plus pertinents pour en rendre compte.
L’ADULM a collecté une trentaine d’indicateurs existants et disponibles à l’échelle des communes du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) de Lille Métropole (ex : délai d’attente pour l’attribution d’un logement social ; part de licenciés sportifs). Toutefois, les statistiques existantes ne permettent pas de mesurer l’ensemble des aspects du bien-être territorial (ex : relations sociales, loisirs, ressentis, etc.) à une échelle fine. Le choix a donc été fait de lister des indicateurs indisponibles, mais qu’il serait à terme intéressant de produire, en développant par exemple des enquêtes auprès des habitants ou en travaillant sur de nouvelles données avec les partenaires producteurs de bases de données.
Plusieurs expérimentations menées auprès de publics et territoires différents ont permis de consolider ce référentiel de bien-être territorial et les indicateurs associés, mais aussi de tester et stabiliser une méthode de mobilisation des habitants.
En particulier, l’ADULM a travaillé avec deux communes de la Métropole Européenne de Lille et avec un groupe de volontaires issus du Conseil de Développement de la métropole. Différents outils de participation ont été testés, en s’adaptant au public et au territoire ciblé : rédaction d’un journal d’auto-enquête, réalisation de cartes postales, organisation de promenades sensibles ou encore utilisation d’un jeu de cartes d’indicateurs. A chaque fois, des temps de sensibilisation au sujet, de co-production lors d’ateliers collectifs, et enfin de restitution de la démarche ont été organisés.
Ces temps ont permis aux habitants mobilisés de décliner leur référentiel de bien-être territorial en identifiant les critères, puis les indicateurs qui avaient le plus de sens pour eux, pour l’ensemble des 14 dimensions. Finalement, à l’issue de ces expérimentations, on retrouve certains critères communs aux trois territoires (ex : l’importance des commerces et services de proximité, des lieux de rencontres et de convivialité, de la mixité sociale et intergénérationnelle), et d’autres éléments plus spécifiques (ex : la proximité aux capitales européennes à l’échelle de la métropole).
Au-delà des expérimentations qui ont permis d’affiner la méthode pour que les communes définissent elles-mêmes leur vision du bien-être territorial, l’ADULM cherche désormais à diffuser et favoriser son appropriation en autonomie dans d’autres territoires. Avec l’appui d’un groupement spécialisé dans la création de serious game - Copotato et Eredejeux -, l’ADULM travaille à un projet de mise en jeu du référentiel, réalisé de manière participative, en organisant des ateliers de co-conception. L’objectif du jeu est de susciter un dialogue et faire réfléchir les participants – élus, habitants, techniciens, etc. – aux éléments qui contribuent au bien-être sur leur territoire en utilisant le référentiel.
Conçu pour être disponible en version print & play, cet outil permettra aux territoires de s’approprier le référentiel de bien-être territorial, tout en saisissant sa dimension collective et l'importance de dépasser les préférences individuelles.
Perspectives et bénéfices attendus
La démarche nourrit plus largement les travaux de l’ADULM : une approche inspirée du référentiel de bien-être territorial a notamment été validée pour structurer les grandes dimensions du bilan du SCOT de Lille Métropole, complétées par une section spécifique aux enjeux fonciers. Il s’agit d’une première étape qui a permis d’acter que la planification de l’aménagement et du développement territorial doit s’inscrire en réponse aux besoins des habitants tout en respectant les objectifs environnementaux exprimés par les politiques publiques.
Par la suite et en lien avec le travail de recherche mené, l’ambition est d’aller plus loin en réfléchissant à l’opérationnalisation d’une boussole du bien-être territorial à l’échelle du territoire du SCOT de Lille Métropole.
Finalement, la démarche a une portée symbolique importante : elle propose d’adopter un nouveau regard sur ce qui constitue la richesse ou le progrès d’un territoire. Elle présente aussi des bénéfices en matière de diagnostic territorial, en enrichissant les outils d’observation classiques via le suivi et la collecte de nouveaux indicateurs. Elle vise aussi à susciter ou renforcer le dialogue territorial, en proposant un espace d’échanges entre différents acteurs autour de ce qui compte et doit être préservé. Enfin, elle encourage la mise en action : s’appuyer sur un diagnostic partagé de ce qui fait que l’on se sent bien sur un territoire peut ensuite faire émerger des pistes de projets collectifs.
Pour en savoir plus sur l’utilisation du référentiel du Bien-être territorial, retrouver le guide en ligne sur le site de l’ADULM