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31 mar. 2025

Impacts du Zan et de la transition énergétique sur les dynamiques d’aménagement du territoire : quels leviers d’action à l’échelle locale ?

Quels sont les effets conjugués du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et de la transition énergétique sur l'aménagement du territoire ? Quelles mutations profondes du secteur immobilier et urbain observe-ton ? Quels sont les leviers d’action qui émergent à l’échelle de projets locaux ?

Les travaux menés dans le cadre de mon mémoire réalisé à Sciences Po Executive Education en collaboration avec l’Ecole Urbaine mettent en lumière l'interdépendance croissante entre politiques territoriales, transition écologique et développement économique, tout en identifiant les tensions liées à la gestion foncière, le déploiement de la transition énergétique, le financement des projets et le besoin d'une ingénierie de planification adaptée.

 

Des défis territoriaux et réglementaires, l’absence d’un référentiel commun

Face aux nouveaux enjeux, les collectivités territoriales, les aménageurs et les acteurs privés doivent ajuster leurs stratégies pour se conformer aux nouvelles contraintes réglementaires et économiques.

Contexte et acteurs clés

©Christophe Chauvard

La réduction de la consommation des espaces naturels impose une stricte limitation de l'artificialisation des sols, contraignant les dynamiques d'urbanisation. Cette contrainte oblige à repenser l'utilisation du foncier en favorisant la densification et la reconversion des friches urbaines.

Toutefois, la disparité entre les territoires en forte tension foncière et ceux sous-exploités complique la mise en place d'une urbanisation homogène et équilibrée. Les documents d'urbanisme, tels que les SCOT et PLU, doivent intégrer rapidement ces nouvelles exigences, tandis que les projets assujettis à la compensation écologique font face à la complexité de la réglementation et ses possibles interprétations techniques, compliquant leur concrétisation. Parallèlement, de manière conjoncturelle, le financement des opérations d'aménagement devient de plus en plus incertain du fait des taux d'intérêt et de la prudence accrue des banques face au changement rapide et conjoncturel des marchés de l’offre et de la demande.

Le besoin de définir de « nouvelles valeurs vertes » se fait sentir à différents niveaux pour les acteurs financiers (CSRD, labels, taxonomie, référentiels d’actifs verts, valorisation foncière au-delà du simple mètre carré et des droits à construire, etc.). Toutefois, ces référentiels restent encore insuffisamment mûrs pour faire émerger un modèle commun. Or, un tel cadre serait essentiel pour offrir aux financeurs des outils contractuels et financiers pérennes, intégrant pleinement les risques liés aux projets et facilitant leur transition.

©Christophe Chauvard

Les dynamiques de développement territorial sont aussi marquées par des disparités liées aux différents potentiels des marchés immobiliers selon les classes d’actifs (immobiliers industriels et supports à la production tels que la logistique, les data centers., le tertiaire, les commerces, les logements etc…) et aux capacités locales de production ou de consommation d'énergie décarbonée. Une approche intégrée de l'aménagement, prenant en compte à la fois les tendances de ces marchés immobiliers et les ressources énergétiques disponibles, permettrait d'adapter la planification aux réalités économiques et territoriales sur le moyen et long terme.

Aménagement, immobilier, énergie et foncier

©Atelier M3 & Christophe Chauvard

Cependant une des problématiques majeures identifiée dans l’analyse réside dans le manque de coordination et d'ingénierie commune entre les acteurs du territoire. Cette fragmentation limite les possibilités d'une planification de l’aménagement des territoires au travers de projets immobiliers cohérents, avec notamment le bâti existant, tout en intégrant les exigences de sobriété foncière et énergétique.

L’alignement des compétences et des objectifs entre les collectivités locales, les services déconcentrés de l’État et les aménageurs privés constitue un défi majeur, rendant difficile une approche cohérente et globale de ces enjeux. L’exemple de la politique « Territoires d’industrie » illustre bien cette complexité, mettant en évidence la nécessité d’un arbitre, en l’occurrence le Préfet, pour concilier les multiples contraintes réglementaires et favoriser le développement de projets territoriaux en phase avec la réalité économique. Par ailleurs, certains territoires disposent d’une structuration plus aboutie que d’autres pour anticiper leurs besoins, soulignant ainsi les inégalités dans la capacité des territoires à planifier et maîtriser leur développement.

Vers des territoires résilients : leviers d’action et gouvernance collaborative

Pour y remédier, la mise en place d'une gouvernance commune entre aménageurs et EPCI s'avèrerait nécessaire. Ces structures dotées d’une réelle gouvernance indépendante et d’une autorité locale, en s’inspirant des modèles de SEM ou des EPF, permettraient une meilleure articulation entre infrastructures énergétiques, immobilier et planification urbaine. Une telle gouvernance apporterait aux collectivités une ingénierie territoriale mutualisée, facilitant l'optimisation des ressources et la sécurisation des investissements public-privé dans un cadre juridique partagé. Elle favoriserait également et surtout l'émergence nécessaire d'alliances territoriales entre zones excédentaires et déficitaires en ressources foncières ou énergétiques, garantissant une répartition plus équilibrée des opportunités de développement au sein de tous les territoires acceptant ces jeux d’alliances.

Cette approche, complémentaire avec la méthode de la planification écologique (qui s’articule à l’échelon des régions puis à leurs territoires moyennant le respect d’objectifs quantitatifs au travers d’un agenda défini), permettrait aux territoires de renforcer leur capacité d'action en favorisant aussi des modèles vertueux de synergies intrarégionales basées sur un partage entre des excédents et des déficits de valeur « verte » qui mériteraient d’être définies au travers de référentiels financiers et juridiques communs (valeur des sols, des ressources etc… au-delà de la valeur foncière en surface (m2) et financière). Ce référentiel de « valeurs vertes » pourrait être intégré à la mise à jour des documents d’urbanisme, déjà exigée par la démarche de territorialisation de la planification écologique. Il serait également pertinent d’en prévoir l’adoption dans un agenda légèrement décalé, afin d’en assurer une mise en œuvre plus progressive et adaptée.

©Christophe Chauvard

Ainsi, pour accompagner cette transition, plusieurs leviers d'action à l’échelon des territoires sont envisageables. Une meilleure coopération entre collectivités, État et acteurs privés, permettrait d'accélérer la mise en œuvre des projets en favorisant une vision partagée des enjeux territoriaux. L'instauration de contrats public-privé entre les EPCI et les aménageurs garantirait une stabilité financière aux territoires, renforçant ainsi la confiance des fonds immobiliers et d'infrastructure via des garanties et des droits réels de long terme. Enfin, la création de plateformes locales de concertation faciliterait la prise de décisions et la levée des blocages.

© Christophe Chauvard

En parallèle, les dispositifs existants de financement tels que les CRTE et le Fonds Vert apparaissent comme des outils stratégiques à condition qu'ils soient articulés avec des mécanismes de péréquation foncière et de mutualisation des infrastructures. Une approche intégrée de l'aménagement doit également être promue, en favorisant le recyclage des friches et de l’urbain, la mixité fonctionnelle des projets neufs ou rénovés et l'optimisation des infrastructures énergétiques comme un écosystème global qu’il s’agit de mieux définir.

En conclusion, face aux défis posés par le ZAN et la transition énergétique, la refonte des stratégies d'aménagement repose sur une gouvernance territoriale agile, capable de concilier exigences environnementales et attractivité économique. La mise en place d'une ingénierie territoriale partagée entre aménageurs et collectivités représenterait une solution clé pour garantir une urbanisation maîtrisée et durable. Structurer une gouvernance publique-privée, optimiser l'utilisation des ressources foncières et énergétiques et renforcer les outils de financement et de planification avec de nouveaux référentiels sont autant d'actions essentielles pour réussir cette transition vers un développement territorial harmonieux et durable.

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Pour approfondir :

Lien vers le mémoire : https://hidrive.ionos.com/lnk/RyWcUTezo