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L’émergence des plateformes coopératives constitue une réelle alternative à la montée en puissance des géants du numérique, notamment issus de la Silicon Valley. Le déploiement d’infrastructures et de services numériques offre de grandes chances de développement à tous les territoires, ruraux, comme urbains. En particulier, ces plateformes dites collaboratives favorisent la création d’organisations horizontales permettant l’échange et la production directs entre individus, en réduisant le rôle des intermédiaires.
Si elles représentent une opportunité pour le développement de nouvelles activités économiques et d’échanges entre citoyens, les plateformes peuvent aussi avoir des effets pervers.
D’une part, les usages numériques de notre quotidien, majoritairement facilités par les fameux GAFAM, ont des impacts non neutres sur les territoires : captation et monétisation des données, inadéquation avec les droits du travail locaux, impact avéré sur les choix démocratiques, gentrification subie (exemple de l‘immobilier avec Airbnb), etc.
D’autre part, leur utilisation dans des dispositifs type « smart city », qui récoltent et exploitent des quantités extraordinaires de données, pose des questions d'ordres social et éthique sur la place du citoyen dans ces aménagements publics.
Les plateformes coopératives correspondent à une utilisation nouvelle de ces technologies inspirées des statuts et des valeurs de l’économie sociale, elles sont construites au service de la collaboration locale et donnent un rôle actif aux collectivités territoriales dans un esprit d’intérêt collectif.
Une plateforme coopérative comporte 5 caractéristiques.
- Une gouvernance inclusive : l’outil est porté par des organisations ou des collectifs dirigés par leurs membres, c’est-à-dire leurs utilisateurs.
- Un partage de la valeur : même si elles sont lucratives, elles fonctionnent avec une redistribution de la valeur vers l’ensemble des membres ou vers une mise en réserve impartageable.
- Une éthique des données : transparence de l’utilisation des données.
- Une production de communs : les communs produits (contenus, logiciels…) ont vocation à être réutilisés et partagés sous licence libre généralement.
- Une coopération entre les plateformes coopératives : principe d’interopérabilité entre les plateformes pour faciliter leurs interconnexions.
Dans le cadre de la crise sanitaire liée à la propagation de la covid-19, les plateformes coopératives font la preuve de leur utilité et contribuent à mettre en place une résilience locale dans de nombreux domaines :
Avec la fermeture des marchés, nombre de producteurs alimentaires n’ont plus trouvé de débouchés pour leur production. CoopCircuits est une plateforme de réservation et de gestion de commandes développée sous licence libre. Alors que les acteurs classiques ont été rapidement saturés, CoopCircuits a permis l’émergence rapide de points de distribution locaux de nourriture en circuit-court. Avec ce type d’outil, tout le monde (producteur ou réseau de voisins) est en capacité de monter une solution sur mesure d’approvisionnement en circuit-court sur son territoire.
Coopcyle met à disposition une plateforme de logistique urbaine à vélo qui permet la commande et la livraison de biens vendus localement. Cette plateforme est également sous licence libre, et réservée aux coopératives de livreurs ainsi qu’aux initiatives à but non lucratif qui se reposent sur des bénévoles. Facilement ajustable aux besoins de communautés affectées par la Covid-19, Coopcycle permet à des petits circuits locaux de distribution de s’organiser, mais aussi aux commerçants de maintenir une partie de leur activité en période de fermeture forcée et dans des conditions de travail dignes pour les livreurs.
France Barter permet aux entreprises d’échanger des biens et services sans recourir à leur trésorerie par un système de débit-crédit qui encourage la sollicitation des entreprises du réseau. Particulièrement utile dans ce contexte de crise où la trésorerie des entreprises est sensiblement affectée, la plateforme, pendant le confinement, a rendu ses frais d’adhésion gratuits et la Ville de Paris a encouragé de nombreuses entreprises de son territoire à recourir à la plateforme.
Pwiic permet de proposer des échanges de services entre habitants d’un même quartier ou d’une même ville. La plateforme favorise l’expression de solidarités en ces temps de crise.
Les plateformes coopératives sont une opportunité de mettre en place des infrastructures de coopération efficaces, permettant des collaborations nouvelles entre les acteurs.
Leurs modèles suscitent un intérêt croissant, notamment de la part des collectivités territoriales, qui souhaitent s’appuyer sur les acteurs de leur territoire et augmenter leur impact par des outils correspondant à leurs usages et à leurs besoins.
Mais les formes juridiques adoptées, l’originalité des licences utilisées, les modalités de régulation à l’œuvre et l’innovation apportée en matière de modèles économiques, constituent autant d’obstacles aux approches classiques des investisseurs et des acheteurs publics.
Des voies de solution existent pour soutenir et créer un écosystème favorable à ces plateformes qui conditionnent le mieux vivre ensemble demain, à travailler en concertation entre collectivités territoriales, financeurs d’intérêt général, investisseurs de l’ESS et les plateformes elles-mêmes. C’est le projet de Plateformes en Communs d’y contribuer.
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Retrouvez toutes les plateformes coopératives du réseau
Retrouvez l’ensemble de l’étude dans le cahier de recherches
Retrouvez le rapport complet de Plateformes en Communs ( à venir prochainement)
Synthèse des recommandations issues du rapport
« Plateformes coopératives : des infrastructures territoriales de coopération »
publié par le groupe de travail Plateformes en Communs de La Coop des Communs
Tout d’abord, il est important de créer un écosystème favorable aux plateformes coopératives :
1. Construire un récit commun et fédérer un réseau autour d’une identité forte : #plateformcoop;
2. Concevoir des stratégies d’alliances avec les autres acteurs œuvrant vers une transition écologique et solidaire;
3. Créer et animer un observatoire des plateformes coopératives pour en objectiver l’impact sur les territoires;
4. Créer un incubateur dédié aux plateformes coopératives dans une logique d’accompagnement pair à pair.
Enfin et surtout, les entrepreneurs et les collectifs derrière les plateformes existantes ont besoin de soutien et d’accompagnement pour renforcer les succès acquis et continuer d’expérimenter :
5. Encourager l’expérimentation des modèles économiques assurant la protection et l’utilisation des données pour l’intérêt général;
6. Diversifier les modèles de financement de l’entrepreneuriat numérique dans l’économie sociale, en investissement et en exploitation et les agréger au service de l’intérêt général;
7. Renforcer la visibilité de l’ESS comme modèle entrepreneurial d’avenir pour le numérique;
8. Soutenir les dynamiques de recherche autour des plateformes coopératives.