Les dangers et les risques liés au réchauffement climatique vont en s’intensifiant, obligeant les territoires à chercher des solutions à court et long termes, mais aussi intégrer dans leur stratégie la notion d’imprévu. Une approche systémique et transverse s’impose, qu’elle passe par le pilotage des budgets et la coopération territoriale. Mais le changement ne pourra se faire sans embarquer les citoyens dans un nouveau récit, celui de la transition écologique. Un récit qui ne trouvera l’adhésion globale qu’en intégrant les plus fragiles, les plus vulnérables, au cœur des changements.

Des gouvernances complexes qui limitent l’appréhension globale et transversale des sujets

La mobilisation de l’action publique se trouve encore contrainte par le silotage des services concernés par les questions de transitions écologiques : climat, mobilités, urbanisme, biodiversité, eau… Dans les collectivités, ces questions sont prises en charge par des services distincts. Pourtant, dans le contexte de la transition écologie, ils forment un réseau de vases communicants. Les approches compartimentées d’administrations aux gouvernances complexes limitent ainsi l’appréhension globale et transversale des sujets, pourtant indispensable au regard de l’extrême imbrication et interdépendance des dynamiques territoriales. Pour le rappeler, le livre blanc que viennent de publier la SCET et Citadia, « Quand la résilience territoriale appelle la transformation sociétale »s’appuie ainsi sur l’exemple de la gouvernance de l’eau, particulièrement complexe et stratifiée.

Dans ce contexte, les solutions apportées, malgré leurs pertinences, ne peuvent être que partielles, tandis que l’enjeu est bel et bien d’ordre global. Or, le dérèglement climatique et la modification des équilibres naturels viennent remettre en question les pratiques et nous poussent vers un changement radical de nos modes de faire. Mais pour passer à l’action, il est nécessaire d’identifier et rassembler les conditions d’une action publique et de politiques publiques durables qui dépassent la vision courtermiste à l’échelle des mandats politiques.

Se transformer pour absorber les bouleversements

La résilience implique un pilotage centralisé, envisageable à l’échelle de la Direction Générale des Services sur le volet technique, ou encore la Direction de Cabinet à l’échelle politique. Dans cet esprit, le pilotage des budgets des collectivités et administrations apparaît comme un outil idoine pour orienter, mettre en œuvre et évaluer la mise en résilience des territoires.

Progressivement, les évolutions règlementaires successives ont conféré aux documents d’urbanisme un rôle de plus en plus intégrateur au regard des politiques sectorielles environnementales, les amenant à être les documents de planification les plus transversaux. Pour autant, leur champ de compétences reste limité, et au-delà d’un diagnostic traitant de toujours plus de thématiques, leur traduction dans le projet reste faible. Les Plans Climat Air Energie Territorial (PCAET), par l’approche carbone et énergie englobante, sont également parmi les plus intégrés, bien qu’aujourd’hui encore souvent très orientés vers les leviers d’atténuation, alors que l’adaptation est l’un des piliers de la résilience.

Il apparait pertinent de conduire les territoires à élaborer, en amont des politiques sectorielles, une stratégie de résilience permettant d’appréhender la globalité et la complexité du sujet, et de prioriser efficacement les objectifs, les solutions et les moyens avec les enjeux. La traduction opérationnelle pourrait ensuite être effectuée au sein de documents de planification sectoriels, si besoin. Dans tous les cas, la stratégie doit alimenter chaque politique publique pour prioriser et fiabiliser l’orientation des moyens investis vers les solutions les plus adaptées. Une réflexion sur l’échelle de décision et d’action est également à mener afin de pouvoir l’adapter, et aligner les échelles de gouvernance avec celles des enjeux territoriaux. La résilience nécessite également d’accentuer la coopération et la solidarité territoriale, et donc de créer l’espace adapté.

L’EPL, pivot des écosystèmes locaux

Cette transversalité et cette approche systémique doivent se retrouver dans les phases de mise en œuvre des projets de résilience. En cela, l’Entreprise Publique Locale, pivot au sein des écosystèmes locaux d’acteurs publics et privés, apparaît comme un outil pertinent car capables de gérer la complexité des problématiques locales et la transformer en action concrète. Leur fonctionnement et leur gouvernance sont l’occasion de retours d’expérience et d’ajustements permanents, incontournables au regard des impératifs d’apprentissage rapide et d’obligation de résultat qu’impose la transition.

Certaines EPL appréhendent désormais leur stratégie à travers la dimension TEE en termes d’activité et les conditions internes de sa mise en œuvre. Ces exigences nouvelles devraient encourager les EPL à poursuivre leurs rapprochements en cours, pour mutualiser des moyens (GIE) et/ou des compétences (GE), sans remettre en cause par ailleurs leur ancrage territorial et la proximité avec le terrain. Certaines grappes d’outils déjà constituées jouent d’ores et déjà le rôle de centre de ressources sur leur territoire.

Par ailleurs, la construction d’un récit commun fédérateur ne peut qu’être porté par une association large de la population et des forces vives locales, en les intégrant aux processus de décision. A ce titre, la couverture de l’ensemble du territoire national par des Commissions Locales de l’Eau portée par la Plan Eau du Gouvernement, outils de gouvernance mixte regroupant des collèges d’élus, des représentants institutionnels et usagers, représente un outil intéressant de gestion d’un sujet complexe et de définition d’un cap commun de résilience.

L’empilement des crises ayant creusé les inégalités sociales fortes, une approche systémique doit pouvoir amener à tendre vers un équilibre de nos transformations sociétales plus justes et équitables. La transition ne peut être la traduction d’une loi centralisée et vue comme déconnectée du terrain. Menée par les acteurs territoriaux eux-mêmes, une transition juste conduira à une résilience autant collective qu’individuelle. La force de notre société résidera dans sa capacité à intégrer les plus fragiles au cœur même de ses changements.

De plus, l’impulsion du changement concerne aussi les parcours de formation, pour donner aux professionnels de demain les moyens de choisir et prioriser selon un éventail élargi et augmenté de propositions écologiques. Aujourd’hui, les solutions fondées sur la nature et le génie écologique doivent être plus largement déployées et replacées au même niveau que l’ingénierie classique.

 

Pour aller plus loin

Paysage en couverture du Livre blanc de la Scet sur la Résilience territoriale

Publié par la SCET et Citadia, le livre blanc « Quand la résilience territoriale appelle la transformation sociétale » propose plusieurs clés pour aborder cette transformation.