Crédit ©Ян Заболотний / Adobe stock

article

CD'solutions

23 mai. 2024

De la nécessité de mener des stratégies foncières à 360 degrés

Quand on parle de stratégie foncière globale, on a le sentiment d’enfoncer des portes ouvertes. Et pourtant, dans la majorité des cas, les stratégies foncières sont sectorielles et répondent à une thématique. Actuellement, de nombreux appels d’offres portent sur des stratégies autour du foncier économique, tendance qui s’explique par les craintes quant à sa raréfaction – on parle même de pénurie.

Or, les stratégies foncières thématiques se justifiaient lorsque le foncier était abondant ; on pouvait ainsi dédier une partie de territoire à l’économie, une autre à l’habitat, etc. On fonctionnait donc en silo face à une ressource qui n’était pas perçue comme finie ou en voie de l’être. Certes, cela pouvait engendrer des difficultés dans des arbitrages financiers, mais les collectivités s’en accommodaient, la prime aux projets les plus mûrs.

Partir sur un élément fini implique une logique très différente ; moins on a de foncier plus les risques de conflits d’usage augmentent. Par exemple, sur une agglomération comme La Rochelle, la stratégie mobilité bas carbone du territoire nécessite d’implanter un dépôt de bus sur un foncier convoité par d’autres services pour desserrer l’hôpital, ou encore pour y construire une nouvelle école… Comment porter l’arbitrage, sur quels critères ? Qu’est ce qui aura le plus d’impact ? Qu’est ce qui permettra d’atteindre le projet de territoire ? C’est pourquoi en partant aujourd’hui d’un foncier disponible, il apparait de moins en moins possible de raisonner par thématique. D’autant plus que la question environnementale implique aujourd’hui des compensations qui, souvent, concernent les espaces agricoles, mais aussi des espaces de renaturation/désimperméabilisation – soit autant de sites neutralisés. Nous portons, à titre d’exemple, une stratégie foncière en vue de pérenniser la ressource en eau au cours des prochaines décennies.

Il faut donc adopter une stratégie à 360 degrés et envisager le foncier comme une matière globale ; ce qui revient à projeter une vraie vision et un vrai projet de territoire. Plutôt que de partir de la parcelle disponible pour l’affecter à une thématique, il est temps de se demander ce que l’on veut pour son territoire, puis de décliner cette vision en stratégie foncière. Dans le contexte actuel, ne travailler que sur une seule thématique – en l’occurrence le foncier économique –, revient donc à regarder par le « petit bout de la lorgnette ». Et à se confronter à des problèmes pour, par exemple, trouver plus tard du foncier pour répondre à la stratégie d’habitat.

Pour mettre en place une stratégie foncière à 360 degrés, le SCoT pourrait être le bon vecteur. En effet, il consiste en une projection sur les 20 prochaines années à l’échelle du territoire, et ce, sur toutes les thématiques. Il est aussi le document sur lequel sont évoqués la renaturation, le développement des énergies renouvelables, le commerce… Il serait donc vertueux que l’on nous oblige à une stratégie foncière qui soit une déclinaison opérationnelle des SCoT. Le programme d’action foncière serait ainsi l’aval de cette chaîne, et non plus l’amont. Par ailleurs, une stratégie foncière à 360 degrés ne concerne pas seulement les surfaces artificialisées, mais aussi des espaces agricoles nourriciers, ou d’autres qui assurent des fonctions écologiques.

Une autre proposition pourrait consister à profiter des évolutions législatives liées au ZAN pour réformer les documents de planification et imposer la réalisation d’une stratégie foncière. Le PLUi serait alors remplacé par un projet de territoire, qui traiterait de toutes les politiques publiques et devrait :

  • définir une programmation de développement (habitat, activités, tourisme…) en phase avec les ressources (naturelles et humaines)
  • construire une stratégie d’adaptation du territoire face au dérèglement climatique
  • traduire la trajectoire ZAN en compatibilité avec le SCoT
  • garantir la démarche éviter, réduire, compenser du projet de territoire

Cette stratégie territoriale serait déclinée dans 4 documents :

  1. un programme d’actions financé portant sur l’ensemble des politiques publiques portées par la collectivité (intégrant notamment le PLH, le PDM et la déclinaison du PCAET et du PAT)
  2. une traduction réglementaire du projet de territoire
  3. un programme d’actions foncière déclinant de la foncière globale et partenariale réalisée à l’échelle SCoT
  4. un PPI et un pacte fiscal et financier

Reste qu’à ce jour, sans évolution réglementaire, les stratégies foncières globales sont rares. Quelques appels d’offres s’inscrivent dans cette logique, mais c’est encore très embryonnaire. Seuls certains territoires un peu visionnaires apparaissent en mesure de développer la pratique. Quant aux autres, faute d’obligation, il est fort probable qu’ils continuent à appliquer la « bonne vieille stratégie ». Quitte à s’exposer, à terme, à des problématiques foncières insolubles.