Combien de logements sociaux ont fait l’objet d’une réhabilitation thermique en mobilisant les ressources de l’Eco-Prêt ? De combien la facture énergétique théorique des ménages a-t-elle diminué à la suite de ces opérations ? Quelles émissions théoriques de CO2 ont-elles ainsi pu être évitées ? Nous proposons dans ce billet d’apporter des éléments de réponse à ces questions en présentant les principaux résultats d’une étude Eclairages.

Mesure de l’impact des réhabilitations thermiques à partir des audits thermiques

L’Eco-Prêt est une enveloppe de prêts bonifiés par la Banque des Territoires, dédiée au financement de la réhabilitation énergétique du parc social. Pour mesurer l’impact des opérations de réhabilitation thermique qui ont été effectuées par les bailleurs sociaux en mobilisant cette enveloppe de prêts au cours des dix dernières années, l’étude en question s’est appuyée sur les consommations théoriques renseignées dans les audits thermiques. Cette méthode ex ante a ainsi permis d’étudier les déterminants énergétiques qui relèvent du bâti sans prendre en compte les facteurs psychologiques et sociologiques dans l’analyse de la trajectoire énergétique.

Une méthode ex-post, basée sur l’étude des consommations réelles, aurait présenté l’avantage de prendre en compte tous les déterminants de la consommation énergétique (psychologiques, sociologiques et ceux liés au bâti) et donc de brosser un portrait exhaustif de la trajectoire de consommation énergétique sur un territoire donné. Elle aurait été toutefois plus complexe à mettre en œuvre et peut-être, sur certains aspects, moins appropriée pour évaluer les effets propres à une réhabilitation thermique décidée par un bailleur qui n’occupe pas son logement. En effet, on risquerait d’associer à la réhabilitation des effets sur la consommation énergétique qui n’en dépendraient pas, comme le fait qu’à revenus égaux un ménage de personnes âgées consomme plus de chauffage qu’un jeune couple.

Des impacts sur la baisse de la consommation énergétique très concentrés dans la partie nord

Les départements dans lesquels les bailleurs sociaux ont le plus réhabilité leur parc de logement social en mobilisant l’Eco-Prêt sont localisés dans le quart nord-est de l’Hexagone, au-dessus d’une ligne qui s’étend de Rouen à Besançon. Ces sollicitations différenciées de l’Eco-Prêt par département s’expliquent par le fait que la consommation énergétique pour le chauffage (qui pèse en moyenne deux-tiers de la consommation énergétique) est plus importante dans les territoires de la partie nord-est du pays, plus exposés au froid. Une autre explication tient à l’âge moyen du parc social, plus élevé dans le nord du pays et donc plus énergivore.

Assez naturellement, on retrouve parmi les territoires dans lesquels la baisse théorique de la consommation énergétique a été la plus importante de nombreuses intercommunalités situées dans ces départements. La carte ci-dessous permet d’en apprécier les effets : les cercles proportionnels représentent, par intercommunalité, la baisse théorique de la consommation énergétique induite par les opérations de réhabilitation énergétique qui ont fait appel à de l’Eco-Prêt et la palette de couleurs indique l’intensité de cette baisse par rapport au niveau de consommation énergétique constatée dans le parc social de la même intercommunalité. Plus le cercle est gros, plus la baisse théorique de la consommation énergétique est forte ; plus la couleur est intensément verte, plus ce volume d’énergie non consommée pèse dans le niveau de consommation du parc social de l’intercommunalité.

 

Economies d’énergie dans le parc social induites par les réhabilitations mobilisant de l’Eco-Prêt

 

On note par exemple que les agglomérations localisées au sud de la métropole européenne de Lille et de la métropole du Grand Paris, ainsi que Rouen, Le Havre, Amiens et leurs alentours, les agglomérations de Strasbourg, Besançon, Sochaux-Montbéliard, Metz, Nancy, apparaissent comme les territoires qui ont déjà largement engagé le processus de réhabilitation de leurs logements sociaux : les économies d’énergie liées à l’Eco-prêt dans ces territoires équivalent à au moins 10 % de la consommation énergétique de leur parc social. A l’inverse, la métropole parisienne présente le volume d’économie d’énergie théorique le plus élevé, équivalant à plus de 500 gigawattheures, mais ce volume économisé pèse environ 5 % de la consommation énergétique de l’ensemble du parc social de ce territoire.

Une baisse théorique de la facture énergétique estimée à près de 60 euros par logement et par mois

L’évaluation monétaire des économies d’énergie théoriques nécessite d’identifier un prix de l’énergie pour chaque combustible, tout en sachant que le parc social se caractérise par un mix énergétique qui repose principalement sur le gaz ainsi que sur les réseaux de chauffage urbain. Le graphique qui suit reproduit l’évolution de ces prix par combustible.

 

Prix de l’énergie au détail par combustible

 

Source : SDES ; champ : France hexagonale.

On note une évolution à la hausse des prix de l’énergie mais à des rythmes différenciés selon le combustible. Entre 2009 et 2023, l’électricité a été l’énergie la plus onéreuse. Son prix a été multiplié par moins de deux en près de 15 ans, alors que le prix du bois en vrac – combustible le moins onéreux – a été multiplié par trois. A la différence de l’électricité, le prix du gaz a augmenté de façon discontinue, mais cette hausse s’est accélérée avec l’apparition de la crise énergétique en 2021. Ainsi, par rapport au premier trimestre 2021, le prix du gaz a doublé alors que celui de l’électricité a augmenté d’un peu plus de 10 %. Les ménages dans le logement social ont ainsi pu ressentir davantage les effets de la crise énergétique sur leur facture – la part du gaz étant plus forte dans le parc social que dans le parc privé.

L’étude s’est appuyée sur la moyenne des prix au détail mesurée sur cette période pour évaluer l’impact sur la facture énergétique des réhabilitations engagées dans le logement social. Au total, les économies d’énergie ont permis de diminuer la facture énergétique théorique des ménages d’environ 287 millions d’euros par an. Ces réductions ont impacté les territoires de manière inégale ; elles dépendent logiquement du nombre de logements réhabilités, des économies d’énergie qui en découlent, et des écarts de prix par combustible. Rapportées au nombre de logements réhabilités, la baisse théorique de la facture énergétique se monte à près de 60 euros mensuels par logement.

Une baisse de l’empreinte carbone équivalant aux émissions de CO2 de 120 000 habitants

Parmi les différentes méthodes possibles pour évaluer l’impact environnemental de toutes ces opérations de réhabilitation thermique, l’étude s’appuie sur une mesure de l’empreinte carbone par combustible utilisé dans le parc de logement social. Le graphique ci-dessous reproduit l’empreinte carbone (exprimée en équivalent tonnes de CO2) respectivement de l’électricité, du chauffage urbain (moyenne nationale), du gaz naturel, du fioul domestique ainsi que du bois-énergie. Les données sont exprimées en pouvoir calorifique inférieur (PCI).

 

Empreinte carbone de l’énergie au détail par combustible

 

Source : ADEME, Cour des comptes ; champ : France hexagonale.

On remarque que l’empreinte carbone de l’énergie varie très fortement selon le combustible utilisé : tandis qu’un mégawattheure d’électricité génère en énergie finale environ 65 kilos de CO2 (selon les usages), l’équivalent d’un mégawattheure de bois-énergie produit près de 7 à 8 fois plus de CO2, soit près de 560 kilos de CO2. Le deuxième combustible le plus polluant est le fioul, avec une empreinte carbone équivalant à plus de 300 kilos de CO2 pour un mégawattheure consommé, suivi du gaz.

A partir de ces éléments, d’après l’étude, la baisse de l’empreinte carbone des logements sociaux réhabilités équivaut aux émissions de CO2 de près de 120 000 habitants par an. Les intercommunalités du nord/nord-est, la région parisienne et les intercommunalités normandes ont le plus réduit l’empreinte carbone de leur parc social. Leur parc étant plus vieillissant et leur vecteur énergétique, principalement du gaz, étant plus émetteur de CO2, ces territoires ont engagé un nombre plus élevé de réhabilitations thermiques, ce qui se traduit par des réductions carbones plus importantes que dans les autres territoires.

Les effets mesurés dans l’étude reposant sur les audits thermiques, les répercussions sur le long-terme des opérations de réhabilitation peuvent être minorées par les évolutions psychologiques et sociologiques des ménages qui composeront les logements réhabilités tout au long de leur cycle de vie.

 

Pour aller plus loin

Télécharger l'étude Éclairages n°30 L’Éco-prêt au logement social

Une réduction de la facture énergétique et de l’empreinte carbone qui bénéficie surtout aux villes du nord de l’Hexagone
Novembre 2023