cicéron
c'est poincarré
Crédit ©matthieuf / Adobe stock
L'implantation d'une usine sur un territoire est un processus complexe et multifactoriel qui implique de nombreuses étapes à franchir pour les chefs d’entreprises, les élus, techniciens et partenaires des collectivités : réglementations et autorisations, zonage et usage du sol, accès aux infrastructures, main-d'œuvre qualifiée, fiscalité et coûts de fonctionnement, concurrence pour les ressources, impact environnemental, délais de de construction, recours des tiers…
Malgré toutes ces contraintes, et contrairement à ce que le climat de morosité ambiante pourrait parfois laisser croire, les industriels français fourmillent de dynamisme, de projets, d’initiatives, que ce soit de diversification, d’innovation de rupture ou de dynamiques d’internationalisation. En revanche, deux grands freins au développement des entreprises demeurent sur les territoires, qu’ils soient métropolitains ou plus ruraux.
Le premier facteur limitant, et peut-être le plus impactant pour l’industrie, est le recrutement. Le Baromètre de l’attractivité des territoires publié en février 2024 par la SCET et Ancoris révèle que les décideurs territoriaux sont 54% à penser que c’est le frein principal à l’implantation des entreprises. A tel point que les industriels intègrent bien souvent leur difficulté à recruter dans leur business plan initial. Bien que les choses ne soient pas ouvertement verbalisées, il apparait clair qu’une partie des projets est souvent sous dimensionnée à l’aune de cette carence potentielle en ressources humaines. Le deuxième facteur est le manque de foncier, constaté sur l’ensemble du territoire, et qui préoccupe la très grande majorité des décideurs territoriaux (73%).
Ce couple infernal « recrutement-foncier » est au cœur des difficultés de développement des entreprises et des territoires. Avec les centaines de missions menées chaque année par nos équipes sur les territoires, quelques certitudes nous apparaissent aujourd’hui en matière de développement économique et industriel.
La première est qu’un territoire, une collectivité, une entreprise ne peuvent y arriver seuls : l’attractivité est un sport d’équipe. Ceux qui parviennent à développer l’attractivité de leur territoire sont ceux qui réussissent à faire travailler ensemble les collectivités, l’Etat et ses différentes équipes, les chefs d’entreprise, les établissements de formation, les acteurs associatifs, les établissements de santé, etc. Si tous les acteurs sont alignés - ce qui est loin d’être simple et très souvent une affaire de personnes et de bonne volonté -, il est alors possible de soulever des montagnes.
La deuxième certitude est qu’il faut être capable de gérer deux horizons temporels bien différents : à la fois le très court terme, les sujets du quotidien, les urgences, les problèmes petits et grands, mais aussi le très long terme (la planification foncière, les ressources en énergie et en eau, la mobilité, l’offre de logements, les infrastructures et services de santé et d’éducation, etc.).
Ne se consacrer qu’au court terme, c’est s’exposer, dans quelques années, à un manque de terrains, de ressources humaines, de logements, de médecins… Et ne raisonner qu’à long terme ne répond pas aux attentes du quotidien qu’il faut évidemment bien résoudre.
La troisième certitude est qu’il faut faire preuve d’innovation dans l’appréhension des sujets immobiliers et fonciers, c’est-à-dire développer ou redévelopper des outils d’intervention comme des sociétés de portage du foncier et de l’immobilier, engager des actions de densification des zones d’activités, développer des véhicules de portage d’offres de logements, d’autant que de plus en plus de chefs d’entreprises ou de collectifs de chefs d’entreprise commencent parfois à prendre en charge eux-mêmes leur construction face au manque de logements pour leurs employés.
Enfin, il apparaît clair que ceux qui réussiront le mieux seront aussi ceux qui réussiront à s’engager dans la transition écologique dans une logique publique-privée à 360 degrés sur leur territoire. L’intégration de la RSE dans tous les pans du territoire sera déterminante pour leur pérennité : RH, mobilité, énergie, eau…
Toujours selon le Baromètre de l’attractivité des territoires, 9 décideurs territoriaux sur 10 considèrent que l'attractivité reste un sujet prioritaire, voire stratégique pour les territoires. Et preuve que l’enthousiasme est au diapason de la capacité d’innovation des entreprises évoquée plus haut, 88% de ces décideurs sont optimistes ou très optimistes pour le développement de leur territoire.
Pour conclure et pour aller plus vite, plus haut, plus fort pour soutenir nos industriels, cinq défis majeurs nous semblent à relever en 2024 - 2025 par les territoires :
Enjeux de transitions écologiques et sociétales, attractivité et rétention des talents, prise en compte de la stratégie nationale de sobriété foncière, politique de relocalisation et de réindustrialisation, hausse des coûts (inflation, coût de l’énergie) … dans un environnement qui s’est complexifié en 2023, comment ont évolué les stratégies de croissance des entreprises et les politiques de développement économique des acteurs territoriaux ?