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Le littoral méditerranéen français a longtemps été l’objet d’un développement urbanistique et récréotouristique effréné. Les multiples conséquences environnementales qui découlent de la pression touristique sur ces territoires côtiers se cumulent avec des impacts climatiques de plus en plus intenses. Face à ces élans héliotropiques, de multiples acteurs du tourisme tentent d’endiguer les flux touristiques, de rendre leurs activités durables tout en essayant d’assurer leur viabilité économique.
Du fait de ses caractéristiques propices à la dolce vita, le littoral méditerranéen fait l’objet d’un fort attrait depuis plusieurs siècles. D’abord, ce fut via un tourisme de villégiature et de plaisance puis, depuis quelques décennies, à travers un tourisme héliotropique démultiplié durant la période estivale. Progressivement, l’urbanisation à vocation balnéaire a pris le pas sur les villages de pêcheurs et les zones humides, laissant la place à de multiples réseaux, infrastructures et autres bâtis construits dans l’objectif d’accueillir toujours plus de résidents et de touristes venus de la France et de l’Europe entière. Ainsi, les années d’« après-guerre » virent s’imposer les activités récréotouristiques comme principal moteur du développement économique de multiples communes et entrepreneurs locaux, dont les aménagements et la viabilité sont largement assujettis à cette manne financière touristique.
Outre les destructions d’habitats et les modifications de paysages qui ont résulté de cette artificialisation, les séjours temporaires de touristes entrainent de multiples pressions aussi bien sur les ressources locales (eau), les milieux (plages) que sur des infrastructures dont la dégradation s’accélère inévitablement avec les usages répétés. La gestion des déchets et celles en lien avec d’autres nuisances qui découlent de cette surfréquentation estivale[1] se révèlent de réels défis pour les riverains et les pouvoirs publics locaux.
Enfin, se rajoutent à ce tableau des conditions climatiques locales qui évoluent désormais de plus en plus vite, tout comme un niveau marin qui tend à se rehausser[2]. Ainsi, la multiplication des risques d’incendies, l’intensification des épisodes caniculaires ou encore l’installation de nouvelles espèces et pathologies impactent désormais de manière significative les écosystèmes naturels aussi bien que les populations et la viabilité de certaines animations récréatives estivales. Subissant cette convergence de pressions touristiques, environnementales et climatiques, le littoral méditerranéen français fait ainsi face à plusieurs défis concernant la viabilité de ses milieux, de ses activités économiques locales et du bien-être de ses populations. Plus largement, il s’agit désormais pour les pouvoirs publics régionaux et les acteurs du secteur touristique de réfléchir aux contours que pourrait prendre à l’avenir le tourisme sur le littoral méditerranéen français et à s’adapter aux réalités climatiques qui s’y installent progressivement.
Plusieurs actions sont menées de front par les différents acteurs régionaux et locaux de la côte méditerranéenne.
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), une étude prospective a été élaborée à partir des scénarios Transition(s) 2050 de l’ADEME afin d’élaborer les futurs du tourisme régional côtier à l’horizon 2050. L’objectif a été d’accompagner les acteurs du secteur du tourisme afin d’anticiper les évolutions climatiques et socioéconomiques probables en privilégiant une vision sur le long terme en opposition aux stratégies court-termistes actuelles. L’exercice de prospective, à la fois descriptif et narratif, s’est appuyé sur une approche réaliste et sensible en vue d’élaborer quatre récits susceptibles de tendre vers la durabilité en 2050. Porté par le Plan Bleu et soutenu par l’ADEME PACA, l’adaptation aux changements climatiques (ACC) y a été abordé en s’intégrant de manière transversale dans un cadre plus large visant la durabilité du secteur du tourisme. Ainsi, les récits construits ont permis d’actionner différents leviers susceptibles de rendre les infrastructures et les activités touristiques côtières méditerranéennes régionales moins sensibles aux aléas et tendances climatiques en cours et à venir, tout en cherchant à les transformer en vue de les rendre plus respectueuses du vivant, moins gourmandes en ressources, socialement acceptables.
En région Occitanie, le Plan Littoral 21 (2017-2027), fruit d’un partenariat entre l’État, la région Occitanie et la Banque des Territoires, est actuellement en train d’être mis en place autour de trois orientations stratégiques : 1) accompagner la transformation du littoral dans le cadre des changements climatiques ; 2) accompagner les mutations des filières et accompagner les innovations de rupture et 3) renforcer l’attractivité, la modernisation et le développement équilibré des stations récréotouristiques méditerranéennes. Le secteur du tourisme fait donc l’objet d’une attention particulière dans ce plan, notamment du fait de son importance socioéconomique[3]. Plusieurs projets ont ainsi été mis en place lors de la phase 1 (2017-2021) autour d’évolutions structurelles en vue d’intégrer les évolutions climatiques en cours : 1) la renaturation du site de l’ancien hôpital au Grau-du-Roi (Gard), 2) l’aménagement de la voie verte intercommunale à Sète (Hérault) ou encore 3) la transformation du front de mer et la requalification du port de Banyuls (Pyrénées-Orientales). Tout comme sa voisine méditerranéenne, la région Occitanie a pris le parti pris d’intégrer les enjeux d’ACC de manière croisée avec les autres problématiques locales touchant à la disparition de la biodiversité locale, à la raréfaction des ressources ou encore à la transformation des paysages. Ainsi, la phase 2 du projet (2022-2027) s’oriente notamment vers le verdissement de l’économie bleue et le développement de critères de conditionnalité environnementale afin de s’attaquer à la rénovation des copropriétés et lutter contre les problématiques d’inconfort thermique ou encore à la gestion des traits de côte et à la résilience des ouvrages portuaires face aux aléas et tendances climatiques et marines.
Ces deux exemples de projets convergent sur une réelle volonté de se réorganiser afin de trouver puis mettre en place de nouveaux modèles récréotouristiques durables et résilients face aux évolutions climatiques en cours et à venir. Outre la dimension participative qui inclut les acteurs du secteur du tourisme dans le processus global et les différentes étapes des projets, il a été choisi d’intégrer les enjeux d’ACC de manière transversale à l’objectif affiché de durabilité territoriale.
Cette manière de faire évite deux écueils fréquents en matière de stratégies d’ACC :
S’adapter aux changements climatiques n’est pas seulement se protéger contre les aléas climatiques. Il s’agit également, et entre autres, de se préparer aux tendances climatiques futures, d’accompagner les nécessaires changements de comportements, de réfléchir à basculer vers d’autres modes de production pour, in fine, faire correspondre les ambitions territoriales avec les possibilités des caractéristiques biophysiques et vivantes des lieux de vie que constituent ces mêmes territoires actuellement sous tensions. Les milieux littoraux méditerranéens français en sont un bel exemple et sont d’ores et déjà en première ligne d’un avenir climatique qui s’annonce rude.
Cet article est issu du webinaire « Le littoral méditerranéen et les mises sous tension des activités touristiques » tenu le 09 avril 2024 dans le cadre du programme « adaptation aux changements climatiques » du Comité 21.
[1] Laquelle peut être multipliée par 7 par rapport au reste de l’année dans certaines communes
[2] 1,4 mm par an en moyenne entre 1885 et 2009, +37 cm jusqu’à +90 cm sur l’ensemble du bassin méditerranéen à l’horizon 2100
[3] 32138 emplois pour 4,6 Mds de chiffre d’affaires autour de 29962 entreprises
En région Provence-Alpes-Côte-d’Azur
En région Occitanie