cicéron
c'est poincarré
Crédit ©M.studio /Adobe stock
La France est la première destination touristique mondiale. Cela lui permet de bénéficier de retombées économiques importantes : les dépenses des visiteurs français et étrangers se sont élevées à 180 milliards d’euros en 2022, soit près de 7% du PIB.
Pourtant, à l’aune du dérèglement climatique, ne faudrait-il pas reconsidérer les impacts de ce secteur économique sur l’environnement ? Il sera de fait contraint de s’adapter. Une baisse de l’enneigement est par exemple déjà constatée, menaçant les stations de moyenne montagne, tandis que le recul du trait de côte pose la question de l’adaptation des activités et de la préservation des ressources naturelles.
La SCET et Carbone 4 ont conduit une mission pour le compte de l’Ademe afin d’évaluer l’impact du tourisme sur l’environnement et proposer des pistes d’action et de réflexion.
Afin d’évaluer l’impact du tourisme sur le climat, un BEGES (Bilan des émissions de gaz à effet de serre) du secteur du tourisme en France en 2022 a été réalisé. Il fait suite à une première évaluation en 2018 et permet d’identifier les principaux postes d’émissions et de cartographier les flux de voyageurs. Les résultats permettront ensuite d’alimenter la structuration d’une politique de développement du tourisme durable et de sensibiliser les acteurs du tourisme aux grands enjeux environnementaux.
Le BEGES fait une « photographie » des émissions de gaz à effet de serre en France métropolitaine et Outre-mer et inclut le tourisme des résidents et des non-résidents, les touristes et excursionnistes, les séjours pour motifs personnels et professionnels, l’exploitation et la construction des infrastructures utilisées par les touristes.
L’ensemble de la chaîne de valeur de l’industrie touristique a également été prise en compte : hébergement, transport, restauration, sport loisirs et culture, évènementiels d’affaires, achats de biens touristiques, activité des acteurs touristiques, consommation en eau et production de déchets.
C’est le nombre de tonnes de CO2e (CO2 équivalent, une unité de mesure des différents gaz à effet de serre) émises par le secteur du tourisme en France, dont 69% sont liées au secteur des transports. Au sein de ce poste, les déplacements en avion génèrent une grande partie des émissions de GES : l’aviation représente ainsi 29% du total du bilan GES.
97 millions de tonnes de CO2e, c’est également l’empreinte carbone annuelle de 10 millions de Français, illustrant ainsi la nécessité de décarboner ce secteur, qui joue un rôle clé dans l’atteinte des objectifs climatiques.
Les émissions globales du tourisme ont diminué de 16% entre 2018 et 2022. Cette baisse est principalement conjoncturelle et liée à la crise sanitaire qui a restreint les déplacements. Cela a entrainé le développement d’un tourisme plus local, limitant ainsi les distances parcourues et réduisant l’impact des déplacements origine-destination de 30% entre 2018 et 2022.
Cette baisse importante des émissions se révèle par ailleurs compatible avec le maintien des objectifs économiques : la consommation touristique intérieure s’établit à environ 180 milliards d’euros en 2018 et 2022. Ce recentrage auprès des clientèles françaises et européennes proches apparait donc à poursuivre.
Les visiteurs non-européens représentent 5% des nuitées ou journées et génèrent 20% des émissions de GES de l’ensemble du secteur. Ils émettent environ six fois plus par nuitée que des touristes français et 3 fois plus que des touristes européens. Cela s’explique notamment par les émissions liées au transport : plus les distances parcourues sont importantes et plus elles sont réalisées en avion qui est particulièrement émissif.
Au cours de cette période, la consommation énergétique de la filière des hébergements marchands et des restaurants a également diminué de 12%. Plusieurs facteurs y ont contribué. D’une part, la crise sanitaire (baisse du nombre de nuitées) couplée à une augmentation du coût de l’énergie qui a incité à économiser son utilisation. D’autre part, une amélioration de l’intensité énergétique et, dans une moindre mesure, une sortie progressive du fioul dans le mix énergétique du secteur ont favorisé cette réduction importante.
C’est le pourcentage de réduction cible des émissions du secteur du tourisme pour être aligné avec l’Accord de Paris.
Si la baisse des émissions observée entre 2018 et 2022 peut sembler encourageante, il convient cependant de rester vigilant. Cette diminution est en effet due en partie à des effets conjoncturels à pérenniser par des changements structurels. Rien n’indique en effet que cette tendance se maintienne après 2022, le secteur de l’aviation ayant déjà retrouvé son niveau prépandémique en 2023.
Il est donc important d’adopter un éventail de mesures permettant de transformer le modèle touristique français. Un travail sur la provenance et le mode de transport des touristes apparait notamment indispensable.
Les pistes d’actions s’axent autour de trois leviers : l’évolution des pratiques touristiques pour notamment favoriser l’émergence d’un tourisme plus local, l’efficacité énergétique, c’est-à-dire la réduction de la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire un usage et le recours à des énergies bas-carbone. L’atteinte des objectifs climatiques nécessite l’activation conjointe et maximale de ces trois leviers.
L’ensemble des acteurs doit également être impliqué dans cette transformation : visiteurs, acteurs institutionnels, pouvoirs publics, prescripteurs/voyagistes, hébergeurs et restaurateurs, transporteurs, acteurs culturels et sportifs, etc.
Actuellement, de nombreuses offres se développent pour répondre à une demande croissante : offre de séjour bas-carbone, itinérance vélo, etc. Cette transformation nécessite une gouvernance dédiée et doit s’opérer à plusieurs échelles (européenne, nationales, régionales et locales) pour fournir une offre de mobilité décarbonée associée à des services encourageant le passage à l’acte (prêt de matériel, locations véhicules à destination…) et continue sur l’ensemble des trajets.
Pour ce faire, l’Ademe outille les territoires et les acteurs économiques grâce à des guides et des formations autour de l’atténuation de l’empreinte et de l’adaptation au changement climatique.