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L’intérêt des Français pour les produits fabriqués en France a connu une progression marquée ces dernières années. En 2005, seuls 43 % des consommateurs étaient prêts à payer plus cher pour un produit « Made in France ». En 2020, plus des deux tiers de la population (65 %) y étaient favorables. Cette évolution s'inscrit dans un contexte de crises économiques et environnementales, où le « Made in France » peut être perçu comme une réponse concrète pour préserver les emplois locaux, soutenir l’économie nationale, garantir les enjeux de souveraineté nationale (comme l'a montré la crise du covid) et garantir des produits de meilleure qualité et mieux tracés. Le mouvement est notamment soutenu par des campagnes publicitaires[1] depuis les années 1990 et des événements comme le Salon du Made in France, qui accueille chaque année un nombre grandissant d'exposants et de visiteurs depuis sa création en 2012 (plus de 100 000 participants en 2023).
Un attrait du Made in France pour les nouvelles générations
Autrefois l'apanage d'une population âgée[2], l'intérêt pour le Made in France touche aujourd’hui également les plus jeunes.
Ainsi, en 2005, 54 % des plus de 60 ans étaient prêts à payer un surcoût pour consommer des produits français, contre seulement 34 % des moins de 25 ans et 36 % des 25-39 ans. Cet écart entre tranches d’âge s’est estompé et ne s’observe plus en 2020, année où 67 % des moins de 25 ans et 68 % des 25-39 ans sont prêts à payer plus pour consommer français pour 69 % des 70 ans et plus. L’intérêt pour le Made in France a gagné du terrain auprès des nouvelles générations.
Graphique 1 – Évolution de la propension à payer un surcoût pour consommer un produit fabriqué en France, selon l'âge
Champ : population de 12 ans et plus, en % - effectif total pondéré n : 3038 -
Ce rajeunissement de la population prête à payer davantage pour des produits français est en lien direct avec une plus grande préoccupation par l’environnement des jeunes générations.
Le rôle des préoccupations environnementales dans l’intérêt grandissant pour le Made in France
Chaque génération s’avère ainsi plus soucieuse de l’environnement que ses aînés au même âge[3]. Les préoccupations environnementales ont connu une progression marquée au sein de la population depuis le siècle dernier : 12 % des Français en 1991, contre 31 % en 2020.
Graphique 2 - Évolution de la préoccupation pour la dégradation de l’environnement
La prise en compte de plus en plus grande de ces problématiques a transformé et influencé l'intérêt porté au Made in France.
En 2020, l'argument écologique est ainsi devenu central dans les décisions d'achat. En 2005, la moitié des personnes qui se disaient préoccupées par l’environnement (50 %) étaient d’accord pour payer plus cher un produit fait en France contre 42 % de ceux non préoccupés par cet enjeu. Quinze ans plus tard, 76 % des consommateurs soucieux de la dégradation de l’environnement (contre 39 % de ceux ne l’étant pas) se disent prêts à payer un surcoût pour de tels produits.
Graphique 3 - Évolution de la propension à supporter un surcoût pour un produit industriel fabriqué en France
Le maintien de fortes disparités socioéconomiques
Les Français les plus réservés à acheter « Made in France » sont majoritairement ceux pour qui la consommation est avant tout une nécessité, une distinction marquée par un écart de 11 points de pourcentage.
Graphique 4 - Propension à supporter un surcoût pour un produit industriel fabriqué en France, selon le sentiment vis-à-vis de la consommation
En 2005, 2014 ou 2020, l’attrait pour les produits nationaux reste plus marqué parmi les catégories aisées et les plus diplômées.
En 2005, 59 % des hauts revenus pour 37 % des bas revenus privilégiaient le « Made in France » soit un écart de 22 points de pourcentage entre les deux catégories. En 2020, si plus de la moitié des bas revenus sont devenus favorables à l’idée de payer plus cher pour des produits fabriqués en France (56 %), l’adhésion a également progressé parmi les plus aisés (78 %) et l’écart entre les deux catégories est stable (22 points).
Les disparités se sont accentuées au niveau du diplôme. En 2005, 48 % des diplômés du supérieur pour 40 % des non diplômés (8 points d’écart) étaient favorables à payer plus pour des produits « Made in France ». En 2020, 75 % des diplômés du supérieur y sont disposés pour 46 % des non diplômés, soit un accroissement notable des écarts (28 points).
On remarque toutefois que, malgré ces écarts importants, la progression de la disposition à payer plus cher pour des produits faits en France s’est opérée y compris auprès des personnes les plus précaires : 37 % des personnes forcées de restreindre leurs dépenses d’alimentation en 2005 étaient favorables à payer plus pour du « Made in France » contre la moitié (51 %) en 2020.
Contraintes budgétaires, complexité de l’offre…les défis du Made in France
À l'heure où les préoccupations environnementales marquent le pas[4] dans un contexte d'inflation et d'instabilité politique[5], les défis à la consommation du Made in France restent nombreux. Le poids de la contrainte budgétaire redevient plus pressant. L’intérêt pour les garanties écologiques et nationales d'un produit est retombé depuis la période de crise sanitaire et économique, après s'être accru au cours des années 2010.
En 2020, 87 % des Français étaient incités à consommer un produit en raison de sa fabrication française, et 77 % en raison de ses garanties écologiques. En 2024, ils ne sont plus que 73 % pour les garanties nationales et 54 % pour les garanties écologiques. L'intérêt pour le prix reste constant sur la période.
Graphique 5 - Voici plusieurs raisons d'acheter des produits de consommation. Pour chacune d'entre elles, dites-moi si pour vous personnellement elle vous incite beaucoup, assez, un peu, pas du tout à acheter un produit : cela vous incite … - Total des réponses « beaucoup » et « assez »
Au-delà des intentions, les pratiques de consommation effectives du Made in France sont mises à mal par leur coût. En 2023, 67 % des Français déclarent que l’inflation a réduit leur capacité à acheter des produits fabriqués en France, et 64 % affirment y avoir renoncé[6]. Elles sont également fragilisées par la complexité de l'offre existante. La diversité des labels[7] engendre de la confusion chez les consommateurs, qui jugent ces certifications parfois peu fiables.
[1] Le Monde, Une campagne des chambres de commerce " Nos emplettes sont nos emplois ", 20 novembre 1993
[2] DAUDEY, Émilie, BIGOT, Régis, L'attachement des Français au Made in France, Crédoc, 2014
[3] HOIBIAN, Sandra « La valeur des choses », Crédoc, avril 2023
[4] BLAKE, Hélène, Fiscalité environnementale: les Français partagés entre conscience écologique et rejet de la pression fiscale, Crédoc, 2024
[5] HOIBIAN, Sandra, Le Backlash, Crédoc, 2024
[6] Chambre de Commerce et d’Industrie, Enquête : Les Français et le Made in France | CCI - Chambre de commerce et d'industrie, 2023
[7] Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Ministère chargé du Budget et des Comptes public, Allégation Made in France | Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie et Ministère chargé du Budget et des Comptes publics, 2021